Point de départ de l’exil du fondateur du mouridisme
Le 10 août 2015 a été célébré le grand magal de Mbacké Baary qui commémore le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (le 18 Safar 1313) après l’hégire, au Gabon. Cette 15e édition a été placée sous le haut parrainage de Mame Thierno Birahim Mbacké communément appelé « Ndaamal Daarou ».
Mbacké Baary, situé dans la nouvelle commune de Thiamène-Pass, à 60 km de Touba, a été fondé par Mame Marame Mbacké, grand-père de Cheikh Ahmadou Bamba. Il quitta les lieux pour aller fonder Mbacké Djolof où il fut inhumé, après son rappel à Dieu. Mbacké Baary a été complètement rayé de la carte du Sénégal, après la disparition de son fondateur. Ce n’est qu’à la fin de l’année 1894 que Khadimou Rassoul (Serviteur du Prophète) s’est installé dans le village de son grand-père sur recommandation du Prophète Mohamed (PSL). Le Cheikh reçut l’ordre de quitter Touba, car la ville sainte était placée sous une protection inviolable. C’est pourquoi, il resta 4 mois à Mbacké Baary, quand le décret divin arriva.
Situé à une soixantaine de kilomètres de Touba la ville sainte, Mbacké Baary polarise actuellement plus de trente villages et compte plus de 1 000 habitants avec une nette domination des Wolofs et des Peuls. A son arrivée, le visiteur est attiré par la mosquée gigantesque (photo), la case de Serigne Touba à l’intérieur de laquelle trône le lit en fer du Cheikh. C’est là qu’il a laissé sa famille pour aller au Gabon pendant sept longues années.
Le sens de l’événement
C’est en ce lieu saint que Cheikh Ahmadou Bamba a pris le départ pour l’exil. Nous sommes le samedi 10 août 1895 (18 safar 1313) à l’aube à Mbacké Baary, jour mémorable marqué par le départ du Cheikh. Le décret arrive et il reçoit l’injonction de partir sans délai. Aussitôt, sorti de la mosquée (située à l’est du village, voir photo) pour la prière de l’aube, il prend congé des siens. Selon l’actuel khalife Serigne Cheikh Diorel Mbacké, « le Cheikh a passé presque 5 mois dans ce village historique où il était en retraite spirituelle. La veille de son départ qui correspond au vendredi 9 août 1895 (17 safar 1313), il réunit toute la famille et tous les « talibés » sous un hangar pour leur servir un repas copieux et toutes sortes de mets (les fameux berndé) pour les rendre heureux. Il leur annonça la nouvelle de son départ. Croisant ses bras derrière le dos, il se retourna et leur tint ce discours de séparation : « Demain dès l’aube, je quitterai ma demeure pour partir sur ordre de Dieu l’Omniscient, l’Omnipotent. C’est Lui qui a voulu que je parte et revienne avec plein de bonheur. Je suis parti pour être l’intercesseur de tout être humain auprès de Dieu et je suis quelqu’un qui ne fait que travailler auprès de Dieu ». Il plaça sa main sur leur tête et déclara : « Je vous confie à Dieu le Garant ». Il quitta pour répondre à la convocation du Gouverneur général.»
Retour sur le long trajet
En quittant ce village mythique et plein de symboles mais méconnu de beaucoup de disciples mourides, le Cheikh y a laissé quatre épouses : Sokhna Hawa Bousso, Faty Madou, Mame Sokhna Penda Mboyo et Sokhna Fatou Sylla et quatre enfants : Serigne Mouhamadou Moustapha, Serigne Fallou, Mouhamadou Lamine Bara et Sidy Mouhamed Mbacké. Il confia sa famille à Cheikh Ibra Faty et partit.
Serigne Cheikh Mandoumbé et Serigne Ndam Abdourahmane Lo s’occupaient de l’éducation des talibés. Après le départ de son frère Serigne Touba, Mame Thierno Birahim quitta les lieux, selon les exigences de l’administration coloniale qui voulait effacer tout souvenir du Cheikh.
Le trajet du Cheikh fut long. Après être passé par Mélakh (9 km de Dahra) où il fit la prière du petit matin (faynangé), il a été vite reconnu par les villageois. Il enregistra l’adhésion de plusieurs disciples à sa cause. L’on nous signale que le village doit son magal annuel au passage du vénéré Cheikh. Après Mélakh, le marabout fit une halte à Diéwol où il a fait la prière de tisbaar, avant d’aller à Coky. Nous sommes le 13 août 1895. Il arriva à la gare de Louga pour prendre le train de Saint-Louis.
Selon Serigne Cheikh Diorel Mbacké, actuel Khalife de Mbacké Baary, « après le déménagement de Mame Thierno, le village a été abandonné. Ce n’est qu’en 1964, un an après l’inauguration de la grande mosquée de Touba, que Serigne Fallou, 2e Khalife des mourides, y séjourna à nouveau pour le réhabiliter. À cette occasion, il creusa un puits et installa quelques disciples. Il recommanda à Serigne Cheikh Thioro Mbacké, fils de Serigne Cheikh Absa fils de Mame Mor Anta Saly d’occuper le site. Ce dernier y demeura jusqu’en 2000, date de son rappel à Dieu. Depuis lors, le khalifat est assuré par Serigne Cheikh Diorel Mbacké.
Il s’attela à la construction de la mosquée dont la première pierre a été posée en 1894, un an avant l’exil. Serigne Bassirou Ibn Serigne Fallou termina le chantier ainsi que la demeure, surtout la chambre (voir photos) que son grand-père avait tracée avant d’aller en exil.
Le 10 août, journée de pluie
De mémoire de Djolof Djolof, le magal, qui vient de souffler sa 15e édition (de 2000 à nos jours), enregistre à chaque édition une pluie synonyme de bénédiction que les disciples attendent avec impatience. Cette année, ils ont été nombreux à l’attendre.
Le magal draine chaque année une foule importante. Le Khalife Serigne Cheikh Diorel Mbacké a profité de l’événement pour égrener un chapelet de doléances parmi lesquelles figurent la construction d’un poste de santé, l’octroi de matériel agricole pour accompagner les nombreux agriculteurs, l’électrification du village, le raccordement en eau potable et l’installation d’un collège d’enseignement moyen (CEM), entre autres.