“L’histoire du téléphone portable n’est que l’élément déclencheur”
Le procureur de la République du tribunal de grande instance hors classe de Dakar a expliqué les raisons qui ont conduit à l'arrestation du leader du parti Pastef. Assane Ngom considère Ousmane Sonko comme étant l'élément instigateur des séries de manifestations violentes ayant troublé l'ordre public, avec pillages et destructions des biens publics et privés. Ainsi, il a déclaré que ''l'histoire du téléphone portable n'est que l'élément déclencheur de son arrestation qui était imminente pour appel à l'insurrection''.
Le leader du parti Pastef, en garde à vue depuis vendredi dernier, sera poursuivi pour ''appel à l'insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sureté de l'État, complot contre l'autorité de l'État, acte et manœuvre à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, mais également de vol à l'arraché''. L'annonce a été faite, ce samedi, par le procureur de la République du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Assane Ngom, qui a évoqué les motifs de l'arrestation d'Ousmane Sonko.
Par rapport à la dernière charge qui pèse contre Sonko, M. Ngom estime que l’accusé a reconnu avoir arraché et avec '’violence'' le téléphone d’une gendarme aux abords de son domicile. Ousmane Sonko avait posté ceci : ''À mon retour de la prière du vendredi, ce 28 juillet 2023, des agents des renseignements généraux postés devant mon domicile 24 heures sur 24 se sont mis à me filmer. J'ai arraché le téléphone et demandé à la personne de le déverrouiller et d'effacer les images qu'elle a prises, ce qu'elle refusa.''
En tout état de cause, ''l'histoire du téléphone portable n'est que l'élément déclencheur de son arrestation qui était imminente pour appel à l'insurrection'', a déclaré le procureur.
Pour corroborer ses propos, Assane Ngom a invité la presse à visionner une compilation des déclarations d'Ousmane Sonko, de 2021 à nos jours. Ce, pour dénoncer des appels à l'insurrection et des séries de manifestations violentes ayant troublé l'ordre public. ''L'État, garant des libertés individuelles, collectives et de la sécurité publique, prendra toute disposition nécessaire, afin de maintenir l'ordre et de préserver les personnes et les biens de toute menace'', a soutenu le magistrat.
Appels à l'insurrection répétitifs
En février 2021, à la suite de sa convocation par la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, le député Ousmane Sonko a tenu à son domicile un point de presse. Au cours de son discours, il a appelé ses partisans à se mobiliser. ''Le combat s'annonce mortel, le mot n'est pas de trop. Nous ne sommes plus au temps de la révolte au salon, nous résisterons par tous les moyens possibles. La confrontation démarre demain'', disait-il. ''Il est évident que le contenu du discours d'Ousmane Sonko appelait manifestement à l'insurrection. Ses partisans se sont mobilisés, le 8 février 2021, devant son domicile pour s'opposer à une éventuelle arrestation'', a commenté le procureur.
En juillet-juin 2022, ''le leader de Pastef réitère ses discours au contenu incitatif à l'insurrection, en intimant l'ordre à ses militants de défier l'autorité de l'État par la confrontation'', selon Assane Ngom.
D’après lui, en mars 2023, le meeting de Keur Massar, lieu de genèse du '’gatsa-gatsa’', a été l'occasion pour lui de théoriser l'attaque contre les autorités policières, judiciaires et administratives. ''Ouvertement, il conseille à ses sympathisants de s'attaquer à elles et à leurs familles'', rapporte le procureur.
Poursuivant, il note qu'en mai 2023, depuis Ziguinchor, Ousmane Sonko appelle non seulement ses militants à rejoindre la capitale, mais aussi à se préparer à livrer le combat final, communément appelé ''thioki fin''. ''C'est ainsi que des milliers de jeunes se sont donné rendez-vous dans la capitale où on a assisté à des scènes de violence inouïes'', a regretté le procureur.
Le dossier ''Mortal Kombat''
Durant ces manifestations, les émeutiers ont détruit, dégradé des biens publics et privés et incendié des édifices publics et privés, des stations d'essence, des magasins, des véhicules, etc. ''Apparemment très bien organisés, comme s'ils avaient planifié ces actes, ils s'attaquaient aussi bien à la propriété publique que privée'', a indiqué M. Ngom.
C'est ainsi qu'il a été procédé à l'arrestation de plusieurs individus domiciliés à Ouakam, à Fass Delorme, à Médina Gounass, aux Parcelles-Assainies et à Diass.
Ils sont poursuivis et inculpés pour appel à l'insurrection, provocation à un crime et délit, participation à un attroupement sur la voie publique, troubles à l'ordre public, destruction et dégradation de biens publics et privés, actes de nature à compromettre la sécurité publique, actions diverses et rassemblements ayant causé des dommages aux personnes et aux biens, violences et voies de fait commises sur des agents de la force publique dans l'exercice de leurs fonctions, incendie criminel, faits prévus et punis par les articles 85, 92 et suivants, 98 et suivants, 201 et suivants, 225, 249 et suivants et 406 et suivant du Code pénal. Il s'agit du dossier ''Mortal Kombat''.
Le dossier ''Forces spéciales''
À l'occasion de la manifestation projetée à la place de la Nation par la coalition Yewwi Askan Wi prévue le 17 juin 2022 et interdite par le préfet de Dakar, le procureur de la République a indiqué avoir reçu des informations faisant état de ce qu'un groupe d'une dizaine d'individus s'organiserait en vue d'attaquer les forces de défense et de sécurité, le jour de la manifestation. Il s'agit du dossier ''Forces spéciales''.
Le procureur renseigne : ''La source renseigne avoir identifié à Grand-Yoff et à Rufisque les nommés B et M, lesquels sont chargés respectivement de confectionner des herses destinées à stopper la progression des forces de l'ordre et des cocktails Molotov dans le but d'attaquer et d'incendier des installations publiques comme privées, des magasins et autres commerces d'intérêts étrangers et particulièrement français. Mais également, les forces de l'ordre et domiciles des hautes autorités de l'État (ministres, DG, députés, magistrats…). Elle ajoute que les nommés P. O. S. et A. A. Niang seraient les coordonnateurs de toutes ces actions envisagées''.
Ces faits ont également mené à l'arrestation de plusieurs individus domiciliés, entre autres, à Grand-Yoff, à Pikine, à la cité Aliou Sow, à Dakar, à Ouest-Foire, à Rufisque, quartier Diorga, à Thioyène Serigne et à Kaolack.
Ces personnes sont arrêtées et poursuivies pour : complot contre l'autorité de l'État, actes de nature à occasionner des troubles politiques graves et de compromettre la sécurité publique, association de malfaiteurs en vue d'organiser des bandes, en leur fournissant des armes, munitions dans le but de s'attaquer à la force publique, de causer des destructions, dégradations et dommages de biens appartenant à l'État ou intéressant la chose publique, menaces d'atteinte à la vie, détention et transport de produits et substances incendiaires en vue de la commission d'un acte terroriste, détention illégale d'armes à feu et de munitions, financement du terrorisme, complicité de ces chefs, faits prévus et punis par les articles 72 et suivants, 80 et suivants, 279 et suivants du Code pénal, loi n°66-03 du 18/01/1966, relative au régime général des armes munitions et son décret d'application n°66-889 du 17/11/1966.
Le dossier ‘’Commando’’
L'autre dossier est nommé ‘’Commando’’. Au regard des renseignements fournis par la source et des ''preuves irréfutables'' découvertes dans les appareils téléphoniques des mis en cause, notamment P. B. M. et A. K. B. et la récurrence des correspondances entre M. K. D., Famara Mané et les autres membres du groupe, d'après le procureur, ''tout porte à croire que ces personnes étaient déterminées à troubler par des moyens illégaux le fonctionnement régulier de l'État et également à inciter les citoyens à s'armer contre l'autorité de l'État''.
Il ajoute : ''L'ingéniosité et la détermination des mis en cause consistant à planifier des réunions secrètes et à vouloir détruire les moyens de l'État sont révélatrices de leur entreprise criminelle, terroriste et de leur intention de troubler l'ordre public de manière générale pour rendre le Sénégal ingouvernable en semant un désordre total.''
Le magistrat note que ces individus, étant dans la stratégie, avaient comme cibles les stations Total et les magasins Auchan, ainsi que les institutions et les domiciles des personnes qui l'incarnent. ‘’Les attaques des bus Dakar Dem Dikk, qui ont été volontairement incendiés, justifient à suffisance l'intention criminelle de ces individus chargés de mettre en œuvre les stratégies machiavéliques de ces individus chargés de la planification'', d'après le magistrat.
Ces faits ont aussi mené à l'arrestation d'au moins trois individus.
Le dossier ‘’Cocktails Molotov’’
L'avant-dernière affaire concerne le dossier ‘’Cocktails Molotov’’. Il a été procédé à l'arrestation de plusieurs individus à Malika-Plage, Sangalkam, entre autres. ''Exploitant une information émanant d'une source digne de foi faisant état de ce qu'un groupe terroriste était en train de planifier des actes de nature à compromettre la sécurité publique, à occasionner des troubles politiques graves pour s'opposer à la tenue du procès en appel contre Ousmane Sonko, poursuivi pour des faits de diffamation par monsieur Mame Mbaye Niang, une équipe est parvenue à les infiltrer, afin de recueillir toutes les informations concernant les stratégies que ces individus comptaient mettre en place dans le but de créer une situation insurrectionnelle dans le pays. Un nombre impressionnant de cocktails Molotov a été retrouvé, lors des multiples perquisitions’’.
Ils sont poursuivis et inculpés pour association de malfaiteurs terroristes, détention de substances explosives en vue d'une utilisation sur les biens publics ou intéressant la chose publique dans le but de compromettre la sécurité publique et à occasionner des troubles politiques graves, financement du terrorisme, atteinte à la sûreté de l'État, complot contre l'autorité de l'État.
Le dossier ''Combat final''
En dernier lieu, il y a les dossiers ''Combat final''. En effet, les 1er et 2 juin 2023, à la suite du prononcé du verdict de la chambre criminelle ayant condamné Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse, le pays a été à nouveau secoué par des séries de manifestants émaillées par des scènes de violence, des actes de destruction des biens publics, manifestations au cours de laquelle des pertes en vies humaines ont été notées.
L'université Cheikh Anta Diop a été attaquée et une partie brûlée, les dépôts de Dakar Dem Dikk ont été également attaqués et brûlés, divers tronçons du BRT, ainsi que l'autoroute à péage ont été saccagés et incendiés. Des maisons d'autorités politiques, judiciaires et administratives ont été saccagées et brûlées.
Des images montrant des manifestants lourdement armés et circulant dans les rues de la capitale ont circulé sur les réseaux sociaux. D'après le procureur, ''l'objectif final étant de marcher sur le palais pour y déloger le président de la République, pour ainsi répondre à l'invite d’Ousmane Sonko qui a ouvertement appelé ses partisans à le rejoindre dans la capitale pour mener l'assaut final contre le président de la République''.
Ainsi, plusieurs dizaines de manifestants ont été interpellés entre Pikine, Rufisque et Guédiawaye et Dakar.
BABACAR SY SEYE