‘’La Cour d’appel avait violé la loi’’
Après les avocats d’Aïda Ndiongue, c’était hier au tour des conseils de l’Etat de commenter l’arrêt de la Cour suprême rendu contre la responsable libérale. Au cours d’un point de presse, ils ont pris le contre-pied de leurs confrères de la défense en soutenant que la juridiction suprême n’a pas jugé les faits et s’est juste limité à dire le droit.
‘’La Cour suprême n’a pas jugé les faits’’, selon le collectif des avocats de l’Etat qui a tenu à faire cette précision, hier. Ils tenaient à apporter la réplique au commentaire fait par leurs confrères de la défense de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Aïda Ndiongue. Ils trouvent ‘’inconvenants, voire déplacés’’ les commentaires de la défense qu’ils accusent au passage ‘’d’avoir déformé’’ l’arrêt, afin de discréditer la Cour suprême. Dans la déclaration préliminaire, les robes noires expliquent les raisons qui ont poussé la Cour suprême à révoquer la décision de la Cour d’appel de Dakar. Celle-ci avait condamné Aïda Ndiongue à un an assorti du sursis et avait jugé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la confiscation de ses biens, mais également le renvoi de l’affaire devant une autre juridiction d’appel.
Mais après cassation, les juges ont infligé à la responsable libérale une peine ferme d’un an assortie de la confiscation de ses biens saisis. Une décision qui n’agrée pas la défense qui accuse la juridiction suprême d’avoir outrepassé ses prérogatives en jugeant les faits et en corsant la peine. ‘’La vérité a été rétablie et la Cour suprême a confirmé, s’il en était besoin, que le pouvoir judiciaire demeure le gardien des droits et libertés’’, réplique le Collectif des avocats.
En effet, selon Me Bassirou Ngom, ‘’tous les moyens qui touchaient aux faits ont été rejetés, preuve que la Cour suprême n’a pas jugé les faits, car même le parquet général, qui avait formulé une demande dans ce sens, a été débouté’’. Car, soulignent les conseils, ‘’sur la base des faits énoncés par la Cour d’appel qui a retenu la culpabilité pour escroquerie portant sur des deniers publics, elle a appliqué la règle de droit approprié en censurant le sursis et en ordonnant la confiscation des biens’’. Ce qui fait dire à Me Yérim Thiam que ‘’la Cour suprême n’a fait que tirer les conséquences de ce que la Cour d’appel a dit, puisque la loi dit expressément que lorsqu’il n’y a pas de remboursement, la confiscation est obligatoire’’.
Pour étayer leurs propos, les avocats évoquent les dispositions des articles 154 et 155 du Code pénal’’. Le premier article indique que ‘’la confiscation de tous les biens du condamné sera obligatoirement prononcée, lorsque les sommes ou objets détournés ou soustraits n’auront pas été remboursés ou restitués en totalité au moment du jugement’’. Quant à l’article 155, il stipule que ‘’le bénéfice du sursis ne pourra être accordé qu’en cas de restitution ou de remboursement avant jugement des trois quarts ou au moins des sommes ou objets détournés ou soustraits’’.
Tous les biens d’Aïda Ndiongue n’ont pas été saisis
Encore que, d’après les précisions de Me Samba Bitèye, la confiscation ne porte pas sur l’ensemble des biens d’Aïda Ndiongue, comme l’affirment les avocats de cette dernière. ‘’Les biens portent sur ceux saisis dans le cadre de cette procédure’’, souligne-t-il, tout en indiquant que nul ne peut réclamer les produits issus d’un crime. ‘’Comment peut-on procéder à la répartition du produit du crime entre la condamnée, son mari et son fils ?’’ s’interrogent Me Thiam et ses confrères. ‘’La prétendue violation de l’article 31 du code pénal à laquelle s’arc-boute la condamnée ne résiste à aucune analyse sérieuse’’, martèlent-ils. Par conséquent, ils trouvent ‘’inconcevable que des biens obtenus par la commission d’un crime ou d’un délit fassent l’objet d’un partage entre les auteurs et ayants droit’’. Fort de ces arguments, Me Moussa Félix Sow estime que les populations ne doivent pas s’en offusquer outre mesure, puisque ‘’les biens sont utilisés pour des projets sociaux’’.
S’agissant de la question du non-renvoi de l’affaire devant une autre Cour d’appel, le collectif des avocats de l’Etat renvoie leurs confrères aux alinéas 4 et 5 de l’article 52 de la loi organique sur la Cour suprême. Le premier aliéna dit que ‘’la Cour suprême accusée d’être le bras armé de l’Exécutif, peut casser sans renvoi, lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué au fond’’. Le second stipule : ‘’Elle peut aussi, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige, lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit.’’ Au demeurant, Me Bitèye se dit même surpris que la défense ait contesté l’arrêt de la Cour sur ce point, dans la mesure où, révèle-t-il, ‘’cela a été une demande de toutes les parties’’. ‘’Toutes les parties ont sollicité la cassation sans renvoi. C’est le seul point sur lequel la Cour nous a tous donné raison, mais j’ai été surpris d’entendre que cela sentait mauvais, puisqu’il y avait cassation sans renvoi’’, se désole le conseil.
FATOU SY