Les clients jouent la montre
Je n’avais pas tapé à la porte de cette aventure terrestre lorsqu’il devenait Président Directeur Général du ‘’Soleil’’. Le soleil de l’éditorialiste s’était levé alors que mes yeux s’ouvraient certainement à peine à la vie. Voilà pour l’impitoyable horloge que nous nommons ‘’le temps’’. Fort heureusement, l’histoire, comme science de l’étude du passé, sait également jeter un faisceau de lumière sur l’avenir. Disons, l’Immortalité ! Il y a une dynamique d’élimination du facteur temps lorsque les esprits se rencontrent et fraternisent, furieux et fructueux.
C’était il y a une dizaine d’années. Nommé Président du Conseil d’Administration de la Société sénégalaise de Presse et de publications (SSPP) qui édite le quotidien ‘’Le Soleil’’, Bara Diouf a fait un speech, dans la spontanéité, la tonicité et avec beaucoup d’à-propos, dans la Salle de Conférence du ‘’Soleil’’. Sur Senghor et Wade, le grand témoin de l’histoire politique du Sénégal a été phénoménal dans la plus grande humilité. A la fin, je me suis rapproché de lui, lui ai serré la main et dit : ‘’Vous êtes un Grand Monsieur ! ‘’ Un sourire. Je retrouvais ‘’Le Roi Soleil’’, titre d’un portrait que mon regretté ami et frère Abdoulaye Sèye lui a consacré dans le quotidien ‘’Scoop’’ au début du nouveau millénaire.
La réputation de l’éditorialiste n’avait pas subi le bug de l’an 2000 ! L’étoffe de l’intellectuel était intacte, par-delà les temps et les contingences politiques. J’ai découvert l’homme derrière la plume de l’éditorialiste. J’étais Directeur des Rédactions. Il continuait à écrire. Il avait sa chronique ‘’Le Regard de Bara’’ initiée sous la direction d’El Hadj Kassé que son successeur Mamadou Sèye a maintenu dans nos colonnes. L’âge n’a pas érodé la plume. Que celle-ci était restée alerte ! J’ai été au contact de sa grande humilité. Cette vertu est l’or dans lequel sont sculptées les grandes destinées. Il y avait presque deux générations entre nous. Il était un des fils aînés du siècle. J’étais un des cadets. Il n’y avait pourtant pas l’équivalent d’un fil à couper le beurre dans nos manières de penser.
Son intelligence des relations intergénérationnelles défie les temps.
Il avait ses feuilles que nous appelons ‘’beefsteak’’. Il en emplissait un d’une écriture aussi grosse que soignée et, tout de suite, me le transmettait pour lecture. A la fin, c’est le rituel : ‘’Regarde ce texte de près. Ne le publie pas si tu ne le juges pas bon’’. A Tonton Ousmane Wade la saisie. Et c’était toujours bon ! Ceci est un trait de grandeur rapporté par l’ancienne génération du ‘’Soleil’’ : Bara donnait ses éditos à des reporters.
Le dernier symbole qu’il m’ait offert reste la lecture, le 20 mai 2010, de son discours à l’occasion des 40 ans du ‘’Soleil’’. Encore la générosité. La leçon de l’Immortel Bara parti pour son aventure céleste !
Habib Demba Fall (Journaliste, écrivain)