Premières sanctions sans effet
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Le limogeage samedi du Recteur de l’Ugb et du Directeur général du Crous ne semble pas suffire à calmer la colère des étudiants et de l’opinion. Les réactions d’indignation se poursuivent.
Quelques jours après la mort de l’étudiant Mouhamadou Fallou Sène, tué par les forces de l’ordre, les premières sanctions sont tombées. Le chef de l’Exécutif Macky Sall a coupé deux têtes, au bout de la chaîne des responsabilités. ‘’Monsieur le président de la République a pris ce jour, 19 mai 2018, un décret nommant le professeur Ousmane Thiaré, recteur de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, en remplacement du professeur Baydallaye Kane.
Le Chef de l’Etat a également nommé monsieur Papa Ibrahima Faye, directeur du Centre régional des œuvres universitaires et sociales de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, en remplacement de monsieur Ibrahima Diao’’, résume un communiqué de la Présidence. Ainsi donc, Baydallaye Kane et Ibrahima Diao payent les frais du drame. Ce dernier a fait face à la presse hier pour prendre acte de son limogeage. ‘’Le président de la République m’avait témoigné de sa confiance parmi tous ces Sénégalais qui avaient les aptitudes techniques et managériales pour assumer cette importante charge. Si aujourd’hui il me démet, je ne peux qu’accepter et lui renouveler mon engagement indéfectible à l’accompagner dans son ambition pour un Sénégal riche et prospère’’, déclare-t-il.
Seulement, il n’est pas évident que la décision puisse calmer la tension. Les étudiants de Saint-Louis, à la tombée de la nouvelle, ont indiqué qu’ils attendent du Président plus que ça. Leurs cibles ne sont personne d’autres que les trois ministres directement impliqués dans cette affaire. Il s’agit des ministres Amadou Ba et Mary Teuw Niane, tous deux impliqués dans le processus de paiement des bourses, le ministre des Forces armées Augustin Tine, patron des gendarmes. Mais aussi le locataire de la place Washington, Aly Ngouille Ndiaye, ‘’qui a osé qualifier’’ le drame d’incident. A cet effet, la grève est maintenue et une marche est prévue le jeudi 24 mai. Les étudiants de Dakar eux, seront dans la rue aujourd’hui, pour une marche pacifique.
Pendant ce temps, le volet judiciaire progresse. L’enquête a été déjà bouclée. Et puisque hier, c’était férié, sans doute que le dossier sera transmis aujourd’hui au procureur Serigne Bassirou Guèye. Il appartiendra au tribunal militaire de statuer, sachant que l’auteur présumé du tir fatal est un gendarme. Mais le procureur de Saint-louis, Ibrahima Ndoye, va continuer à travailler sur l’affaire, sous un autre angle. En effet, outre la mort, il y a eu aussi destruction de biens publics, notamment des restaurants saccagés, ainsi que le rectorat et autres édifices à l’Ugb, pour situer les responsabilités.
D’ici là, les réactions se multiplient. Invité du Grand Jury de la Rfm, le secrétaire général du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) leur reconnaît la légitimité de demander le départ des ministres impliqués. ‘’La question des bourses est récurrente. Il ne se passe pas une année sans des retards qui obligent les étudiants à sortir dans la rue. Ces situations ne doivent plus se reproduire. Combien d'étudiants sont tués ou handicapés à vie à cause des bavures... ? Même les rats, quand ils ont faim, ont besoin de sortir de leurs terriers'', a-t-il pesté. Même si le Saes ne demande pas la démission des ministres, l’éventualité n’est pas exclue. “Si cela est nécessaire, pourquoi pas” ? se demande-t-il. Malick Fall a tout de même de la peine pour Baydallaye Kane, limogé à ce stade de sa carrière. ‘’C'est une erreur d'appréciation qu'il a faite de bonne foi’’, déclare M. Fall qui estime que ‘’ce limogeage entre dans l'ordre normal des choses’’.
Avant le Saes, la section enseignement supérieur du Sudes a sorti un communiqué le lendemain du drame. Le syndicat «condamne vigoureusement ces actes ignobles et exige de l’État que toute la lumière soit faite très rapidement sur cette affaire extrêmement grave ; que les coupables soient traduits devant les tribunaux et que justice soit rendue’’. Le Sudes déclarait déjà qu’il n’accepterait pas que l’enquête finisse comme celles qui l’ont précédée.
Les parents d’élèves également ont sorti hier un communiqué pour exprimer leur douleur ; ils disent attendre du gouvernement une enquête diligente pour situer les responsabilités. ‘’L’unapees déplore avec énergie cette spirale de violences qui commence à prendre forme au sein des forces de sécurité. Ces événements surviennent au lendemain de la 22e semaine de l'école de base qui avait pour thème "la consolidation des valeurs civiques: l'école, les forces de défense et de sécurité au service de la nation". Les camarades de Abdoulaye Fané semblent dire que cette mort est une suite logique, puisqu’il y avait déjà des ‘’jets de grenades lacrymogènes à l'école Mame Yacine Diagne de Dakar ainsi que l'arrestation manu militari d'élèves à l'IA de Ziguinchor, devant l'autorité académique et les parents d'élèves et d'étudiants’’. Et pour ne rien arranger, une polémique s’est engagée entre le Collectif des étudiants de Saint-Louis et la Parti démocratique sénégalais, après que le parti de Me Wade a voulu se joindre au étudiants (voir ailleurs).
Quant au chanteur Omar Pène, trois jours après le décès, il a appelé les étudiants au calme, même s’il dit comprendre leur colère. Il a aussi mis le pouvoir face à ses responsabilités. ‘’Je lance un appel aux autorités pour que les bourses soient payées désormais à temps. Si les étudiants perçoivent leurs bourses, comme convenu avant le 5 de chaque mois, je pense qu’ils ne sortiront jamais pour manifester. Il faut trouver très vite une solution pour y remédier et leur permettre d’étudier normalement’’, disait-il.
BABACAR WILLANE