Des heurts et deux blessés
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De vives altercations ont éclaté hier dans les champs isolés des villages de Loukhouss, Ndiaye Bopp et Fouloume, entre les populations et des travailleurs de la société Quality Fruit Senegal. Un blessé a été enregistré de chaque côté avant que la gendarmerie n’intervienne pour éviter le pire.
Il en a fallu de peu pour que le pire se produise hier dans les villages de Loukhouss, Ndiaye Bopp et Fouloume. Dans ces localités situées dans la commune de Mont-Rolland, des échauffourées ont eu lieu entre les populations et des travailleurs de la société Quality Fruit Senegal. D’ailleurs, dans les accrochages, un des responsables de cette société, un Hollandais, a été blessé à la tête ainsi qu’un paysan originaire du village de Loukhouss.
Regroupés dans un collectif dans le but de défendre leurs terres, ces habitants ont opposé un niet catégorique à une délibération du Conseil municipal de Mont-Rolland en date du 12 mai 2016, octroyant à la société hollandaise un terrain de 250 000 ha à Tongor. Malgré cette opposition, la commune de Mont-Rolland et l’entreprise hollandaise ont, après délibération, paraphé, le 17 juin 2016, une convention sur laquelle il est clairement indiqué que la société du directeur général Karel van Oers doit s’acquitter de toutes les impenses qui s’élèvent à 500 000 F Cfa par hectare. En revanche, le contrat de partenariat est valable pour une durée de 35 ans renouvelable.
Bien qu’une partie des populations impactées ait déjà reçu son indemnisation, certaines d’entre elles jugent dérisoire les sommes qui leur ont été versées. Elles accusent ainsi le maire de ladite commune, Yves Lamine Ciss, de forcing. ‘’En 2016, le maire et ses conseillers sont venus au village (Loukhouss) et nous ont proposé le projet. On leur avait demandé de laisser à la population le temps de réfléchir sur les intérêts et inconvénients qui peuvent en découler. Avant-hier, il y a eu une rencontre pour un remembrement. Alors qu’il n’y a eu aucun accord, on a constaté que l’entreprise a fini de terrasser plus de 400 citronniers et commencé le travail parce qu’ils disent avoir remis à quelques-uns de nos camarades 500 mille francs Cfa par ha pour un projet qui devrait durer 35 ans. Ceci pour nous appauvrir davantage’’, rumine Maguette Seck.
Une détermination paysanne
Fils du paysan Alioune Seck qui a été blessé lors des altercations, il soutient que les terres que l’entreprise hollandaise veut confisquer avec la complicité des autorités municipales, leur permettent de survivre. Et, donc, pas question de les céder pour une durée de plus de 30 ans et surtout en contrepartie d’une somme aussi ‘’insignifiante’’. La saison écoulée, son champ de pastèques lui a permis d’empocher 700 000 F Cfa. C’est pourquoi, dit-il, ses camarades et lui, signataires de la pétition, sont prêts à laisser leurs vies dans les champs de leurs ancêtres. ‘’Les gens du projet ont terrassé tous nos citronniers avant-hier. Ce n’est pas normal. Aujourd’hui (hier) nous sommes là pour leur opposer une résistance. Il y a eu des échauffourées entre les deux camps et deux personnes ont été blessées. Il s’agit de mon père, Alioune Seck, et d’un Blanc. Nous le regrettons. Mais nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant qu’on spolie nos terres fertiles. Ils veulent nous délocaliser de force. Le maire croit qu’il est en train de développer sa commune, mais c’est tout à fait le contraire. Nous savons que ce n’est pas facile, mais on va se battre jusqu’au bout’’, fulmine Maguette Seck, enseignant de profession.
Pour éviter le pire, des éléments de la gendarmerie nationale sont intervenus. Après avoir calmé les ardeurs des uns et des autres, ils ont ainsi érigé sur le site, objet de litige, leur quartier général où ils ont procédé à l’audition des différents protagonistes afin de trouver une solution consensuelle.
YVES LAMINE CISS (MAIRE DE MONT-ROLLAND)
‘’On regrette ce qui s’est passé, mais on n’a rien à se reprocher’’
‘’Je regrette tout ce qui s’est passé ce matin (hier). On aurait souhaité la paix à Mont-Rolland. Dans la vie de l’être humain, il est normal qu’il y ait des conflits. Par contre, ce n’est pas la fin du monde. Cela a permis de réfléchir et d’avancer. Nous sommes dans une commune extrêmement pauvre et il fallait régler ce problème. Sur place, il y a des champs qui n’ont pas été cultivés depuis 40 ans. C’est dû à la sécheresse. Le projet veut travailler à éradiquer la famine qui, de plus en plus, guette les populations de la commune de Mont-Rolland.
Aujourd’hui, ceux qui disent non ont donné leur accord hier. Le conseil municipal a décidé de délibérer parce que la légitimité était déjà réglée. Le côté légal a été réglé. C’est pour cette raison que nous délibérons pour ce projet. Ledit projet concerne le maraîchage, le volet arboriculture, l’élevage avec au moins 800 têtes de bovins. Il va embaucher au moins 2 000 personnes. Au moment où nous parlons, plus de 100 jeunes de Mont-Rolland travaillent déjà dans ce projet. Nous n’avons fait aucun forcing dans cette affaire. Il y a eu un collectif qui s’est levé après la délibération, pour dire qu’il est contre ce projet. A Ndiaye Bopp, le chef de village était d’accord pour qu’on démarre le projet, parce que la majorité l’était. Il m’a dit : ‘’Vous pouvez commencer demain.’’ A Loukhouss, c’est la même chose, tout comme à Fouloume. Le projet a fait payer 500 000 F Cfa par ha pour rembourser les arbres, mais pas la terre. Sur 360 personnes, ce sont seulement 20 personnes qui ne sont pas d’accord.’’