Une plateforme mondiale pour soigner 120 000 enfants d’ici 2028

Le Sénégal rejoint une initiative internationale pour garantir un approvisionnement régulier en médicaments contre le cancer de l’enfant. L’objectif est de sauver des vies et renforcer durablement les systèmes de soins.
La lutte contre les cancers pédiatriques prend une nouvelle dimension. Une plateforme mondiale pour l’accès aux médicaments contre le cancer de l’enfant (GPACCM) a été officiellement lancée hier, avec un objectif ambitieux : assurer un traitement de qualité à 120 000 enfants d’ici 2028 dans 12 pays à revenu faible ou intermédiaire, dont le Sénégal.
Portée par l’hôpital américain St. Jude et ses partenaires, cette initiative repose sur un financement initial de 200 millions de dollars. Elle vise à construire un approvisionnement durable en médicaments essentiels, garantissant leur qualité, leur disponibilité, leur sécurité et leur gratuité pour les pays bénéficiaires.
La plateforme ne se limite pas à la livraison de médicaments. Elle offre un accompagnement complet, depuis la sélection rigoureuse des produits jusqu’à leur administration dans les meilleures conditions cliniques. Tous les médicaments fournis sont reconnus par l’OMS et approuvés par des autorités de régulation strictes. L’objectif est de bâtir un système robuste : préparation des pays, élaboration de plans opérationnels, soutien technique et financier, et innovation dans la structuration des marchés pharmaceutiques. Le Sénégal, déjà engagé dans l’initiative mondiale contre le cancer pédiatrique depuis 2021, trouve ici un levier stratégique pour améliorer la prise en charge.
Présidant la cérémonie de lancement, le docteur Moustapha Barro, conseiller technique au ministère de la Santé, a salué cette avancée. Il a rappelé que 800 à 1 200 enfants sont diagnostiqués chaque année au Sénégal, mais que seuls environ 250 bénéficient d’une prise en charge au service d’oncopédiatrie de l’hôpital Dalal Jamm.
Face à ces chiffres, le Sénégal a fait de la lutte contre les cancers pédiatriques une priorité nationale. En lien avec l’OMS et le Groupe franco-africain d’oncologie pédiatrique (GFAOP), plusieurs progrès ont été enregistrés dont la mise en place d’un réseau national de soins, la formation des prestataires à la détection précoce, la mobilisation communautaire et la subvention de la chimiothérapie.
‘’L’intégration à cette plateforme va renforcer nos capacités en assurant un accès durable à des médicaments essentiels, de qualité, disponibles en quantité suffisante et sans interruption’’, a déclaré le Dr Barro. Il a également insisté sur l’importance de renforcer la chaîne d’approvisionnement, d’appuyer la gouvernance pharmaceutique et d’optimiser l’usage des ressources nationales. La docteure Fatou Bintou Diagne, pédiatre oncologue à l’hôpital Dalal Jamm, a souligné l’urgence de cette initiative. ‘’Les cancers pédiatriques se soignent dans la majorité des cas uniquement par chimiothérapie, à condition d’avoir un traitement complet, précoce et sans rupture’’, a-t-elle insisté. Elle a rappelé que les traitements s’étendent souvent sur six mois à trois ans, en ambulatoire, ce qui implique de nombreux déplacements et un coût élevé pour les familles.
L’enjeu, selon elle, est donc aussi logistique et social. La décentralisation des soins devient cruciale. Elle travaille pour cela en lien avec des pédiatres en région, afin de réduire les abandons de traitement et soulager les familles.
Aujourd’hui, le taux de guérison tourne autour de 52 %, mais reste pénalisé par les retards de diagnostic et les traitements incomplets. ‘’Il faut détecter tôt, soigner tôt et garantir un accès continu aux médicaments. Cette plateforme va nous y aider’’, a-t-elle affirmé.
Au Sénégal, les leucémies infantiles, cancers du sang, sont les plus fréquentes. Bien que leur diagnostic soit rapide, leur traitement reste long et exigeant. La plateforme GPACCM permettra notamment de garantir la disponibilité continue des anticancéreux spécifiques, améliorant ainsi les chances de survie. ‘’Cette visite marque une étape stratégique de notre feuille de route’’, a conclu le Dr Barro, confiant dans la mobilisation des acteurs nationaux et internationaux. Avec une meilleure coordination, un engagement politique affirmé, et des moyens renforcés, le Sénégal espère relever le défi de la prise en charge équitable des enfants atteints de cancer.
CHEIKH THIAM