La mobilisation se fera samedi devant l’hôpital Principal
Chaque jour qui passe peut être le dernier pour le journaliste du site Dakar Matin. Très affaibli par la grève de la faim qu’il a entamée, Pape Alé Niang assure préférer mourir dans la prison de Sébikotane que dans un hôpital. Alors que le procureur s’est opposé à sa demande de liberté provisoire, les associations de presse et la société civile annoncent un nouveau rassemblement pour exiger sa mise en liberté.
La perte de la liberté est une chose, celle de la vie en est une autre. Et c’est ce basculement qui effraie désormais les souteneurs du journaliste Pape Alé Niang, emprisonné depuis le 6 novembre 2022. La situation sanitaire du directeur de Dakar Matin est de plus en plus préoccupante, après qu’il ait entamé une grève de la faim pour dénoncer son arrestation arbitraire. Les minces espoirs qui accompagnaient sa nouvelle demande de liberté provisoire ont été éteints par le juge d’instruction.
Hier, son avocat Me Ciré Clédor Ly l’a confirmé : ‘’Comme tout le monde s’y attendait, le procureur de la République s’est opposé à la demande de liberté provisoire du journaliste d’investigation Pape Alé Niang et plus naturellement le juge a déclaré irrecevable ladite demande’’. Mais à côté du combat juridique, la mobilisation démocratique reprend. La société civile est prête à initier des manifestations, à l’image des associations professionnelles des médias.
Le front pour la révolution anti impérialiste populaire et panafricaine FRAPP/France Dégage est déjà d’attaque. L’organisation fondée par l’activiste, devenu député, Guy Marius Sagna a déposé une lettre d’information dans le bureau du préfet de Dakar, ‘’l'informant d'un rassemblement ce samedi 07 janvier 2023 de 09h à 14h pour exiger la libération du journaliste Pape Alé Niang arbitrairement emprisonné par le président Macky Sall’’.
Le secrétariat exécutif national (SEN) du FRAPP partage la nécessité d’agir face à la dégradation de l’état de santé du journaliste, en estimant que, ‘’quand l'essentiel est en danger se lever est un devoir. Et la vie de Pape Alé Niang est mise en danger par le président Macky Sall.’’
Thierno Niang, frère de Pape Alé : ‘’Il est dans une situation extrêmement grave et critique’’
Les alertes sur le danger qui pèse sur la vie de Papa Alé Niang ont été confirmées par son propre frère. Sur les réseaux sociaux, Thierno Niang a assuré qu’en tant que membre de la famille, ‘’on aurait préféré qu’il (Pape Alé) revoie cette forme de lutte, car, ceux à qui il fait face ne sont pas faciles à ébranler et sont décidés à l’humilier. Mais, c’est un homme avec ses propres principes et on doit l’accepter. Mais, tout le monde sait qu’il est dans une situation extrêmement grave et critique. Sa santé est notre plus grande préoccupation. Peu importe ce qui se passera, ce sera de la responsabilité de l’Etat sénégalais.’’
En pleine détention, l’intéressé lui-même est sorti du silence, avouant vivre ‘’de manière stoïque l’abominable épreuve qu’on (lui) inflige pour un dessein non encore avoué.’’ Son avocat avait révélé qu’il refusait de s’alimenter et de recevoir des soins. Cela lui a valu un séjour à l’hôpital, après avoir fait un malaise. Hier, le journaliste a tenu à ‘’informer, à prendre l’opinion publique nationale et internationale à témoin, que face à ces auteurs de (s)on emprisonnement injuste et arbitraire, (il) préfère mourir dignement dans la prison de Rebeuss que dans un hôpital’’.
Le directeur de Dakar Matin se dit prêt à faire face à son destin, car ‘’un célèbre penseur disait qu’il ne faut pas avoir peur de la mort, mais du néant. Ma vie n’a pas été un néant. Dans l’exercice du métier que j’ai choisi, j’ai, toujours et de manière permanente, posé des actes pour défendre objectivement et exclusivement le peuple Sénégalais. Je sollicite les prières des Sénégalais et confie ma vie au bon Dieu, l’Unique et véritable Juge.’’
Pape Alé Niang : ‘’Je préfère mourir dignement dans la prison de Rebeuss’’
Du côté des organisations de la presse, l’on n’attend pas que l’irréparable se produise. Réunie hier, à la maison de la presse Babacar Touré, la Coordination des Associations de Presse (CAP) a décidé d’organiser un troisième ‘’Conseil des médias’’ aujourd’hui, à partir de 10h30, ‘’en conviant tous les Sénégalais de tout bord qui luttent pour sa libération. Une veillée nocturne est prévue au même endroit le vendredi 6 janvier et le lendemain, nous allons nous retrouver devant l’hôpital Principal pour exiger que Pape Alé NIANG retrouve enfin les siens.’’
Le 18 novembre 2022, une grande mobilisation des acteurs de la presse suivie d’autres actions (visite chez les familles religieuses entre autres) avait abouti à la libération du journaliste de Dakar Matin sous contrôle judiciaire le 14 décembre. Une semaine après, le 20 décembre, il a de nouveau été placé sous mandat de dépôt. Il lui ait reproché d’avoir enfreint les termes de son contrôle judiciaire qui lui interdisent de communiquer sur son dossier.
En premier lieu, le patron Dakar Matin a été officiellement arrêté pour "divulgation d'informations non rendues publiques par l'autorité compétente de nature à nuire à la défense nationale", "recel de documents administratifs et militaires" et "diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques".
CAP : ‘’Nous tenons le président Macky Sall et son procureur Amady Diouf directement responsables, s’il meurt’’
Face à ce qu’elle considère comme une ‘’volonté des adversaires de notre confrère de le casser’’, la CAP annonce n’exclure aucune forme de lutte. ‘’Nous leur opposerons une détermination sans faille avec toutes les forces vives de ce pays, éprises du combat pour la liberté d’expression et de presse, fortement remise en cause en ce moment. Nous ne lâcherons rien, tant que Pape Alé Niang reste en prison et nous tenons le président Macky Sall et son procureur Amady Diouf directement responsables s’il meurt dans les liens de la détention’’, assure l’association d’acteurs de la presse.
Dans la même veine, le Forum du justiciable, très préoccupé par l’état de santé du journaliste Pape Alé Niang, ‘’recommande fortement les autorités judiciaires de lui accorder la liberté provisoire’’, car, il souligne que son état de santé est incompatible à la vie carcérale et qu’il offre toutes les garanties de représentation en justice.
Même son de cloche chez les organisations de la société civile des Sénégalais établis en Italie. Les signataires (HSF, RADDHODIASPORA, DIASPORA-DEBOUT, CODAI) ‘’demandent la libération immédiate de Pape Alé Niang et de tous les détenus politiques pour que le Sénégal puisse se mettre dans une dynamique de paix sociale, seul garant d’une stabilité de travailler pour la libération et le développement du continent Africain’’. En effet, ils font remarquer que les prises de position du journaliste ont toujours milité pour un Sénégal meilleur, de ce fait, il a toujours eu des positions critiques sur les activités du gouvernement.
Ainsi, à l’image de leurs pairs et des organisations de la société civile, beaucoup d’acteurs de l’opposition politique ont pointé du doigt le président de la République comme responsable de tout ce qui pourrait arriver à Pape Alé Niang. Son avocat, moins catégorique, estime quant à lui que ‘’la responsabilité de toute personne pouvant mettre fin à cette détention qui s’éternise et est somme toute contraire à l’éthique de droit est engagée’’.
Lamine Diouf