« Vaincre n’est rien, il faut profiter du succès ! » - Napoléon Bonaparte
Qui tire profit des crises perlées que traversent actuellement plusieurs grands partis de l’échiquier ? Formations de l’alliance « Benno » au pouvoir, ou de l’opposition avec le Pds à sa tête, peu parmi les organisations les plus importantes ont échappé à cette sorte de maladie pré-hivernale qui sévit à chaque court terme d’élections. Ça divorce tous azimuts, les agendas s’entrechoquent, les vieux modèles de management sont remis en cause, bref, les prévisions ne sont plus partagées trois ans après la deuxième alternance post indépendance. Qui en profite, sinon Macky Sall ? Seul l’imbroglio à propos du mécanisme d’application de la réduction du mandat présidentiel (référendum constitutionnel ou révision via l’Assemblée nationale) entretient une incertitude sur les calendriers, sinon, sur le terrain politique, la majorité déroule.
Les effets de sa victoire de 2012 sont toujours là. Ce n’est pas un état de grâce qui continue, la constance des demandes sociales et leur acuité ne permettant plus, mais il y a une faiblesse de la contradiction et des contre-propositions qui persiste. Beaucoup de partis de l’’opposition, en résumé, semblent en déficit de force de proposition, préoccupés qu’ils sont par leur cuisine interne. Il faut d’abord éteindre les incendies qui se déclarent un peu partout.
L’explication d’une manœuvre du palais qui déstabilise les partis d’opposition, en particulier, passe mal. Le cas de l’Afp est là, patent pour prouver que ce n’est pas systématiquement la main présidentielle qui provoque les séismes. Il y a peu de chances qu’il y ait eu un jour, dans l’antichambre présidentielle, une réunion ou décision prise de lancer des « missiles » au cœur du Pds et de" Rewmi" pour accentuer les divisions dont ces partis politiques sont gros. Sans doute, des appels du pied ont-ils eu lieu, mais ils ne semblent pas avoir été déterminants pour allumer les mèches.
Par contre, pensant « macro » sans doute, Macky Sall a braqué ses projecteurs sur le nouveau package de l’opposition (le Fdr qui réunit le Pds, Aj tendance Mamadou Diop Decroix et l’Urd). En proposant publiquement au député Djibo Kâ (dont les partisans réunis à son domicile de Dahra ont dit oui) de venir le rejoindre au sein de la majorité présidentielle, il fait chanceler le frêle échafaudage que constitue le Fdr (Front pour la défense de la République). Ni initiateur avéré des crises que traversent les deux grands partis de l’opposition, le président de la République voit tomber comme un cadeau du ciel les mauvaises conjonctures au Pds et à « Rewmi ».
Comme toujours, à plusieurs reprises au cours de sa riche histoire, le parti de Me Abdoulaye Wade va officialiser des ruptures. Après le Pr Serigne Diop (1985), Me Ousmane Ngom (1996), les anciens Premiers ministres Idrissa Seck (2004) et Macky Sall (2009), c’est un autre fils spirituel de l’ancien président de la République qui rappelle un simple désir tout simplement humain : exister tout simplement. Ce sont bien une revendication d’identité, une demande de reconnaissance ou encore un rappel d’une présence qui sont enroulés autour du discours autour de la « refondation » après les renouvellements des instances de base du parti libéral mené par le député Modou Diagne Fada.
IDY ET LES ALLEGEANCES
Depuis dix ans maintenant, depuis les premiers balbutiements de « l’affaire des chantiers de Thiès », jusqu’à la convocation de la commission de discipline récemment pour « juger » les auteurs du mémorandum du 1er juin dernier, en passant par les péripéties du départ du président Macky Sall du perchoir de l’Assemblée nationale, tout ce qui a touché ou semblé contrarier une certaine marche de l’ancien ministre d’Etat Karim Wade, s’est terminé en conflit avec son père. La donne n’a pas changé après la perte du pouvoir en 2012, et Me Wade est plus mobilisé par la croisade pour la fin des déboires judiciaires de son fils alors que le temps électoral presse.
Cette imminence des échéances n’a point échappé au patron de « Rewmi » qui a entamé une tournée nationale, d’abord fort opportune dans le Fouta, dans l’est du pays et la semaine dernière dans la région de Sédhiou. Mais les dividendes obtenus (échos favorables au sein d’une opinion lassée et désabusée par les scandales) ont vite été dépensés. La fronde que vient d’initier le député Oumar Sarr n’est pas venue pour arranger les choses, après les départs de la plupart des personnalités qui avaient accompagné le président du conseil départemental de Thiès, dans la réalisation de son nouveau projet présidentiel après sa rupture avec Me Wade et sa candidature malheureuse à la présidentielle de 2012 (5ème position). « Rewmi » gère cette crise en interne, mais là également, le fait du chef a montré ses limites. De profondes incompréhensions semblent toujours habiter les relations entre Idrissa Seck et son entourage, à particulier, sur les « formes d’allégeance » à entretenir avec lui.
Avec des chefs de l’opposition aussi contestés par leur mode de gestion de leur parti, rares sont les leaderships qui émergent. Ou alors, ils appartiennent au camp présidentiel. Pire, une subtile transhumance, grossit chaque jour et sans bruit les rangs de la mouvance présidentielle, même si l’Apr, le parti présidentiel ne semble pas en profiter. C’est en quelque sorte une adhésion à un mode de gouvernance, qui cohabite certes avec un sentiment de promesses non tenues et de statu quo, mais préférée aux excès des pouvoirs stressants et personnalisés à outrance. Çà et là, les critiques les plus véhémentes contre le régime de Macky Sall portent plus sur le rythme et la cadence des réformes que la pertinence des choix stratégiques. Dans tous les cas, Macky Sall déroule. Jusqu’à quand ?
Mame Talla Diaw