Publié le 16 Sep 2022 - 14:31
MAGAL

Dans l’intimité des épouses de khalifes généraux

 

Être épouse de khalife général est synonyme d’opulence et de prospérité. Que nenni. Et pour cause ! La plupart, surtout les jeunes, vivent dans des conditions difficiles. Muettes comme les FDS, elles n’acceptent de se confier qu’à des intimes et des confidents. Pour ce Magal, ‘’EnQuête’’ a réussi, après plusieurs mois de tractations, à faire parler certaines d’entre elles ou leurs proches. Les noms ont été changés.

 

Avant, les femmes des khalifes passaient inaperçues. Seuls ceux qui habitaient dans la maison ou étaient des proches connaissaient que telle ou telle était l’épouse du khalife général. C’est seulement maintenant que le grand public peut mettre un visage sur la femme du khalife général des mourides, contrairement à ce qui se passait dans le temps.

En parlant du Magal de Touba et de comment elle la préparait et la vivait, Corka* raconte : ‘’J’étais très jeune, mariée à un khalife général. Je dois dire qu’à sa décharge, je ne recevais pas tout ce qu’il me remettait. C’était des moments très difficiles.’’

Le luxe qu’elles affichent et l’argent que certaines personnes croient qu’elles détiennent ne sont qu’une illusion, pour certaines. Un proche d’une épouse d’un regretté khalife général confie : ‘’Ces dames sont lésées et ne peuvent pas l’exprimer ouvertement. Elles souffrent en silence et ce n’est pas la bamboula, comme le pensent certains. Elles vivent dans des conditions peu enviables, alors que la maison du khalife est remplie de bonnes choses. Ce qui est vu de l’extérieur contraste avec ce qu’elles vivent et endurent. Certaines ne voient le marabout qu’une fois dans le mois. Les avantages liés au statut d’épouse de khalife général, la plupart des épouses plus jeunes ne voient rien. Contrairement aux plus âgées qui peuvent interpeller le marabout.’’

‘’Lors des Magals, je ne recevais rien de mon époux’’, renseigne Corka.

Les ‘’Beuk neek’’ font la pluie et le beau temps

La plupart du temps, elles gardent le silence sur les épreuves endurées.  Si elles parlent, c’est à titre exceptionnel. Marie* revient sur son passé : ‘’L’opulence n’est qu’imaginaire. Elle n’a rien à voir avec le paraître. La réalité des choses étant autre chose. Le statut d’épouse est synonyme d’un statut social ; elle l’incarne nonobstant les souffrances qu’elles endurent. Le plus difficile, c’est après le décès du mari. Car vous êtes obligés de rester célibataire, le restant de votre vie, parce que rares sont les talibés qui acceptent de vous prendre comme épouse.’’

 A ses côtés, une de ses cousines renchérit : ‘’Il faut comprendre aussi que certains parmi les ‘Beuk neek’ font la pluie et le beau temps. Forts de leur puissance, les ‘Beuk neek’ détournent souvent les privilèges et autres sommes d’argent, comme l’argent de la dépense quotidienne qui doit être remis aux épouses des marabouts. Mieux, certaines parmi les plus jeunes épouses, ne reçoivent rien. Et du fait de ce statut d’épouse de khalife, elles ne peuvent rien dire et ruminent en silence. Ces ‘Beuk neek’ ne sont pas exempts de reproches. Les plus jeunes craignent qu’on les taxe de profiteuses, de personnes qui veulent tirer profit de la position du khalife général. C’est ce qui explique aussi leur silence.’’

L’équation du remariage

La contrainte majeure de ces épouses est le remariage. Un chef religieux revient sur les raisons : ‘’On leur fait comprendre qu’elles vont gagner l’agrément de Dieu et aussi de leur époux. Aux talibés, on leur fait savoir que c’est un manque de respect que d’épouser la veuve d’un khalife général. Retenues dans le silence du mariage malgré elles, elles vivent le calvaire et la grande majorité ne peut plus être dans les liens du mariage et continue de vivre chez leurs parents. Pour tout l’or du monde, elles ne veulent plus se marier avec un guide religieux’’.

Il ajoute : ‘’Les rares qui ont osé se remarier ont subi, ou bien leurs époux, des pressions terribles de la part des enfants du regretté khalife. Du fait du statut de leur défunt mari, elles ne peuvent pas se remarier, parce que les talibés ne peuvent pas, par respect au chef religieux décédé, épouser les femmes. Elles deviennent, en dépit de leur jeune âge, des veuves pour toute la vie. La vie qu’elles mènent est difficile, car en plus de ne plus pouvoir avoir un époux, elles sont condamnées à vivre le restant de leur existence sans enfant.’’

BOUCAR ALIOU DIALLO (DIOURBEL)

 

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