"Nous devons le garder dans nos prières et laisser le Tout-Puissant décider du reste"
La famille de Nelson Mandela se préparait mardi à l'inévitable tandis que le monde entier se tenait par la pensée ou la prière aux côtés de l'ancien président sud-africain, hospitalisé dans un état "critique". La présidence sud-africaine a précisé mardi que l'état de Mandela était "inchangé" depuis la veille et que les médecins faisaient tout leur possible pour assurer le "confort" du héros de la nation. Rien de rassurant, donc.
Selon le quotidien sud-africain Sowetan, Makaziwe, sa fille aînée, a convoqué le premier cercle des proches à Qunu au Cap oriental (sud), le village d'enfance de Mandela, pour une réunion de famille et devait prendre le premier avion pour Mthatha, l'aéroport desservant Qunu. La présence de Makaziwe, 59 ans, à Qunu a été confirmée sur place par un correspondant de l'AFP.
C'est à Qunu dont il appréciait la paix villageoise, lui rappelant ses parties de pêche enfantines dans les ruisseaux et les joies de la chasse à la fronde, que Nelson Mandela avait choisi de finir sa vie. Il y était retourné en juillet 2011 pour son 93e anniversaire avant que ses ennuis de santé ne le rappellent à Johannesburg, à 900 km de là, pour être près des meilleurs hôpitaux du pays. L'infection pulmonaire à répétition qui le fait souffrir l'a considérablement affaibli au fil des rechutes, et depuis dimanche, l'ancien président, père de la démocratie multiraciale sud-africaine, est entre la vie et la mort.
"C'est un homme qui a changé le monde"
"Nous devons le garder dans nos prières et laisser le Tout-Puissant décider du reste, et espérer qu'il va continuer à nous bénir de sa présence parmi nous, et bien sûr chercher à l'imiter dans ce qu'il a fait de mieux", a déclaré lors d'un entretien à la radio le vice-président Kgalema Motlanthe. Pour le commun des Sud-Africains, pourtant habitués à ne plus le voir en public - Mandela, bientôt 95 ans, n'est plus sorti depuis le Mondial de football 2010 -, la possible disparition de leur ancien président reste un choc.
"C'est très dur. Mandela est une icône. Nous le plaçons très haut, c'est un homme qui a changé le monde. Il a apporté l'espoir à chacun. L'imaginer allongé sur un lit d'hôpital et penser qu'il n'ira pas mieux, c'est très dur. (...) On n'a pas envie de le perdre même si nous savons que l'heure approche", commentait mardi Vusi Mzimanda, un des nombreux Sud-Africains venus manifester leur affection et leur inquiétude près du Mediclinic Heart de Pretoria où Mandela est hospitalisé.
Twitter inondé de messages
Sur Twitter, les messages se succédaient pour citer des pensées de Mandela, partager l'émotion et l'admiration que la vie de militantisme de ce géant politique du XXe siècle suscite largement. "Un vrai leader, si ce sont ses derniers jours, j'espère qu'ils sont pleins de l'amour des gens qu'il a le plus aimés", écrit @ABwickfree. Sur un autre compte, Mandela était comparé au héros biblique David, célèbre pour son combat victorieux contre le géant Goliath.
Devant l'hôpital, où son épouse depuis quinze ans Graça Machel reste nuit et jour au chevet de Mandela, le contingent de médias se faisait toujours plus nombreux, tenu à distance par des policiers en faction. Des véhicules officiels, avec des plaques militaires, ont été vus mardi matin passer les grilles d'accès tandis qu'un pan de mur de la clinique a littéralement disparu, tapissé de haut en bas par des fleurs rouges et rose, des ballons, des cartes de voeux, incitant les passants à s'arrêter pour lire les petits mots laissés par la multitude des anonymes.
27 ans de prison
C'est au sortir d'une visite dimanche que le chef de l'État Jacob Zuma a annoncé pour la première fois que le héros national était "dans un état critique à l'hôpital". Il a été admis en urgence le 8 juin. Lors d'une rencontre prévue de longue date avec la presse internationale, il a, le lendemain matin, reconnu que c'était "un moment difficile" tout en se montrant, comme d'habitude, avare de détails sur les traitements médicaux reçus par Mandela.
Malgré les circonstances exceptionnelles, Jacob Zuma s'en tient pour l'heure à son agenda. Il a prévu un déplacement à Maputo, au Mozambique, jeudi et s'apprête à recevoir le président américain Barack Obama, attendu vendredi soir pour une visite d'État de trois jours. Considéré comme le père de la jeune démocratie multiraciale sud-africaine, Mandela incarne la fin des souffrances endurées durant le régime raciste de l'apartheid et de trois siècles de domination blanche dans son pays.
Considéré dans les années 1960 comme un terroriste, Mandela a passé 27 ans en prison, dont 18 au bagne de Robben Island, au large du Cap, où le président Obama a prévu une visite-hommage. Libéré en 1990, Mandela a reçu en 1993 le prix Nobel de la paix - conjointement avec le dernier président du régime de l'apartheid, Frederik de Klerk - pour avoir évité une guerre civile que beaucoup disaient inévitable dans un pays meurtri par les brutalités et l'injustice. Premier président noir de son pays de 1994 à 1999, il a quitté le pouvoir, laissant en héritage de nombreuses promesses de changement que son parti l'ANC peine aujourd'hui à honorer.
AVEC AFP