Publié le 15 Jan 2013 - 16:35
MALI

Les islamistes ont quitté les grandes villes pour mieux rebondir

 

Les islamistes armés du nord du Mali ont été surpris par l'intervention française et ont décidé d'évacuer les grandes villes qu'ils occupaient depuis neuf mois, ce qui, estiment des experts, s'apparente plus à un "repli stratégique" qu'à une débandade.

 

Les raids de l'aviation française ont permis de stopper l'avancée sur Bamako des islamistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'autres groupes alliés qui ont ensuite évacué les grandes villes du Nord, notamment Gao et Tombouctou.

 

Ces villes, ainsi que Kidal, étaient jusqu'alors des bastions d'Aqmi, d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), où ils y imposaient avec une extrême rigueur la charia (loi islamique): lapidations, amputations, coups de fouet en public, destruction de mausolées musulmans vénérés par les population locales.

 

En même temps qu'ils abandonnaient leurs bastions, les islamistes prenaient lundi une petite localité dans l'ouest du Mali, Diabali, après de violents combats avec l'armée malienne. Des bombardements menés dans la nuit par l'armée française les ont obligés à fuir Diabali.

 

Mais ce qui pourrait apparaître comme une débandade de ces groupes n'est "évidemment" qu'un "repli stratégique" de leur part, estime Jean-Charles Brisard, expert en affaires de terrorisme. Ils profitent selon lui de "l'immensité du désert" du nord du Mali qu'ils connaissent parfaitement.

 

"Selon ce que l'on sait, ils se sont repliés dans les régions montagneuses autour de Kidal. Il va falloir rapidement aller sur le terrain pour les déloger", ajoute-t-il.

 

"Guerre de longue haleine"

 

Dans la perspective du déploiement prochain au Mali d'une force ouest-africaine, "ils se dispersent pour rendre l'offensive africaine beaucoup plus difficile sur le terrain. Ils se disséminent pour nous entraîner dans une logique de guérilla. Ils peuvent prolonger le conflit indéfiniment", affirme M. Brisard.

 

Pour empêcher un repli des islamistes armés sur leur territoire, l'Algérie a fermé ses frontières avec le Mali et la Mauritanie a renforcé ses patrouilles dans les zones frontalières. Mais il reste difficile de contrôler les milliers de kilomètres de frontières du Mali et les islamistes peuvent pour l'instant encore se contenter d'évoluer par petits groupes très mobiles dans l'immensité du nord malien, un territoire quasi désertique plus grand que la France.

 

"Les jihadistes comptent sur une guerre de longue haleine. Ils sont à l'aise dans cette situation: le grand désert, les reliefs difficiles, une situation sécuritaire précaire", analyse Alaya Allani, universitaire tunisien, spécialiste des mouvements islamistes.

 

Selon lui, "ils feront un repli tactique pour reprendre leur souffle, mais ni l'armée malienne ni les Français ne peuvent les anéantir".

 

"L'occupation des grandes villes (du nord du Mali) par les islamistes est terminée. mais à court terme" seulement, estime pour sa part l'expert malien Moussa Tounkara. "Il faut s'attendre à des attentats pour marquer les esprits", dit-il. Des responsables islamistes ont d'ores et déjà menacé de frapper la France "au coeur".

 

Outre la crainte d'attentats, l'inquiétude est également à son paroxysme concernant le sort des sept otages français enlevés au Sahel et détenus par les groupes islamistes. L'ex-otage Pierre Camatte, détenu fin 2009 pendant trois mois au Mali par Aqmi, a estimé que le danger est "à son point le plus élevé" pour eux, tout en jugeant "nécessaire" l'intervention française.

 

Une inquiétude d'autant plus grande, selon M. Camatte, que parmi les islamistes, "il y en a aujourd'hui qui sont vraiment fanatisés et se considèrent carrément investis d'une mission divine pour combattre le mécréant, en particulier le Français".

 

J.A

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