Veillée nocturne, torches allumées et vacarme : la nouvelle forme de lutte
Des manifestations pacifiques et la désobéissance civile sont les formes que la F24 privilégie pour mener ses combats, depuis que les autorités ont décidé de ne plus autoriser aucune manifestation. Mamadou Lamine Dianté et Cie invitent les citoyens à se mobiliser, ce dimanche de 21 h à 22 h, pour se faire entendre, à travers un bruitage, un vacarme et des torches allumées. Une veillée nocturne autour des domiciles des ''détenus de Macky Sall''.
''Le ministère de l'Intérieur chercherait-il à installer le pays dans un cycle continu de violence et de terreur ? Voudrait-il créer une situation de chaos qui lui servirait d'alibi à des fins inavouables ?''. C'est la question que posent les membres de la plateforme du Sénégal (F24) et de Y en a marre. Suite à l’interdiction de leur rassemblement qui était prévu hier de 15 h à 19 h, ils ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle ils ont annoncé une nouvelle forme de lutte.
''Ils s'attendent à ce qu'on brave les interdictions. Nous n'allons pas emprunter cette voie. Ils ne nous verront jamais détruire, casser des biens. Ça, c'est à leur image'', a indiqué Fatou Blondin Diop.
Ainsi, pour contribuer à la préservation de la paix, au ''triomphe de la vérité'' et de la justice dans le pays, la F24 invite les citoyens à se mobiliser comme un seul homme, demain dimanche, de 21 h à 22 h, pour se faire entendre par le gouvernement de Macky Sall. Il s'agit de se faire entendre à travers un bruitage ''fort'', un vacarme ''énorme'' et par des torches allumées. "Na xumb te leer'' (du bruit et de la lumière), s'exclame la F24.
''Il faudra créer du bruit par tous les instruments et moyens disponibles : sifflets, vuvuzela, tam-tam, applaudissements, casseroles, slogans, revendications ou noms scandés, etc. Allumons les torches ou les bougies pour exprimer notre soif de paix et de justice'', a invité Mamadou Lamine Dianté.
''Tout le monde à la devanture des maisons (des détenus ''politiques'') pour exprimer notre colère contre l'injustice et l'arbitraire, contre la vie chère, contre la violence et la terreur, contre les scandales financiers étouffés, contre la mal gouvernance'', a-t-il ajouté.
Ainsi, les manifestations pacifiques et la désobéissance civile sont les formes que la F24 va privilégier jusqu'à nouvel ordre, en espérant que la mobilisation des citoyens permettra de créer une force dissuasive à même de ''ramener à la raison Macky Sall et son gouvernement''.
C'est la cinquième fois qu’une demande de manifestation de la F24 a été interdite, en moins de trois mois. ''C'est seulement aux environs de 21 h, ce jeudi, que l'interdiction de manifestation du vendredi a été notifiée (aucune réponse jusqu'à 23 h 30 mn concernant celle déposée à Thiès) confirmant ainsi l'option du gouvernement de pousser les citoyens à braver les interdictions, à manifester sans autorisation, à résister au déni de leurs droits élémentaires'', a regretté Mamadou Lamine Dianté, dénonçant également la manière.
A ses yeux, le constat est quasi unanime : ''Ces interdictions sont la honte de notre démocratie balafrée et sont la face hideuse de l'État de non-droit dans lequel a sombré le Sénégal sous la gouvernance de Macky Sall.''
Considérant qu'il y a déjà trop de Sénégalais tombés ''sous les balles de la répression aveugle'', trop de blessés, de torturés et de dégâts matériels graves au détriment du contribuable sénégalais, la ''F24 a jusqu'ici choisi de ne pas suivre le gouvernement dans sa logique mortifère qui ralentit l'activité économique et préjudicie la stabilité et la cohésion sociale''.
Pour marquer son option de privilégier les manifestations pacifiques, la F24 soutient qu'elle ne se lassera pas de déposer des lettres d'information et de prendre acte des interdictions ''fallacieuses et honteuses qui lui seront servies''.
Conformément à sa charte constitutive, la ''F24 mettra tout en œuvre pour lever les entraves dressées par le pouvoir pour rendre inéligibles certains candidats, comme ce fut le cas en 2019, mais aussi pour faire libérer les prisonniers politiques, faire cesser les confiscations des libertés et pour l'organisation inclusive et sincère, transparente et apaisée de l'élection présidentielle de 2024'', préviennent ses membres.
Libération des détenus
Pour Mamadou Lamine Dianté, ''la confiscation des droits à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression, à la liberté de réunion, à la liberté de manifestation et à la liberté de circulation a atteint un niveau jamais égalé dans notre pays, rétrogradé à la dernière place des dictatures non éclairées''. Lui et ses camarades notent également que la libération des prisonniers est une exigence prioritaire. Ils dénoncent ''le caractère dictatorial'' du régime en place qui se décline, aux yeux de M. Dianté et Cie, dans le surpeuplement des prisons.
''Cette surpopulation carcérale s'explique par un système judiciaire répressif, sans alternative à la prison, la facilité de la délivrance des mandats de dépôt, les nombreuses détentions provisoires et les lenteurs judiciaires'', a pesté le porte-parole du jour.
Il poursuit : ''En effet, au Sénégal, il faut le noter pour le dénoncer, il est permis au procureur, donc au ministre de l'Intérieur et au chef de l'État, de poursuivre, de faire emprisonner et de maintenir dans les liens de la détention durant plusieurs mois n'importe quel citoyen sans jugement et sans possibilité pour un juge de le libérer contre le gré du parquet.''
D'après Mamadou Lamine Dianté, en visant certains articles du Code de procédure pénale et du Code pénal, le procureur met le juge dans l'obligation de décerner un mandat de dépôt et se donne le droit de s'opposer à toute liberté provisoire. En attendant les réformes institutionnelles qui permettraient d'arrêter ces dispositions que la F24 juge liberticides, ses membres appellent à la mobilisation pour réclamer la libération des 1 000 détenus environ.
BABACAR SY SEYE