Quand les Libéraux interdisaient tout...
Hier dans l'opposition, le Pds et ses faucons manipulaient à leur guise autorisations et interdictions de marche, tolérant plus les manifestations qu'ils considéraient sans danger pour leur pouvoir, refusant systématiquement celles jugées politiques. Aujourd'hui, sans tambour ni trompette, ils peuvent arpenter les rues de la capitale avec leurs troupes sans encourir la répression.
Au Sénégal, la politique renvoie parfois au jeu de l’«arroseur arrosé». Le Parti démocratique sénégalais (PDS) a décidé de battre le macadam aujourd’hui, «avec ou sans autorisation» des autorités administratives, pour dénoncer l’arrestation de Karim Wade», dire «halte aux multiples dérives du régime du pouvoir en place», entre autres revendications. Cette radicalisation, qui pourrait être dictée par l'instinct de survie, rappelle de vieux souvenirs aux Libéraux qui, douze mois derrière, administraient encore le pays. Alors au pouvoir, le Pds jouait bien avec un système rodé de restriction systématique des libertés publiques. L’interdiction de manifestations politiques semblait avoir été érigée en règle, leur autorisation, en exception. Une situation à laquelle l’opposition d’alors s’était opposée farouchement. Ce qui avait abouti à une succession de violences préélectorales nées de la détermination de Benno Siggil Senegaal à braver les «diktats» qu'elle disait établis contre elle.
La date marquante de toute cette période a été celle du 23 juin 2011 à l’occasion de laquelle partis politiques, mouvements de la société civile, syndicats, simples citoyens, s’étaient réunis devant l’Assemblée nationale pour dire «Non» au vote de la loi instituant le ticket président-vice président. Ce, en dépit de l’autorisation tardive de ce rassemblement par l’ancien ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom et la «répression féroce» alors exercée surs les manifestants. Le retrait par la contrainte de cette loi par l'ex-président de la République, après avoir donné naissance au Mouvement du 23 juin, marquera un tournant décisif dans les rapports entre le régime libéral et l’opposition. Touché dans son orgueil, le régime décida de «ne plus se laisser surprendre», selon les mots même de Me Wade.
Si l’ancien premier flic du pays avait, à son corps défendant, autorisé le M23 à se rassembler à la Place de l’obélisque, ses hommes étaient néanmoins sur le qui-vive. Ils n’ont pas hésité à charger l’opposition lors du rassemblement du 31 janvier 2012. Une «attaque» qui fut à l'origine de la mort de l’étudiant Mamadou Diop, écrasé par le camion à eau de la Police, le fameux Dragon. Malgré l’ouverture d’une enquête judiciaire, la famille de la victime attend toujours que le dossier avance.
Le bras de fer entre l’opposition et le pouvoir s’accentua durant la campagne présidentielle car, l’opposition, qui a voulu transformer «la Place de l’indépendance en Place Tahrir», se heurta au refus du ministre de l’Intérieur. «Je vous informe que les manifestations que vous envisagez ne peuvent se tenir aux date et lieu projetés», avait répondu Me Ngom à Alioune Tine et Cie. «L’administration, pour sa part, prendra toutes ses responsabilités pour sauvegarder, en toute circonstance, la paix et la sécurité des personnes et des biens. Je porte à votre connaissance que la dérogation aux dispositions de la loi n°78-02 prévue à l’article L-61 du Code électoral, concerne les activités de propagande électorale menées exclusivement par les candidats», précisait l’ex-chef de la police. Pour Me Ngom, les manifestants devaient uniquement se conformer «au régime du droit commun applicable à ces activités en respectant toutes les règles de forme y afférentes».
Mais cet arrêté était loin de tempérer l’ardeur du M23 qui, conforté par la Commission électorale nationale autonome (CENA), maintint sa manifestation. En effet, l’instance dirigée par le magistrat Doudou Ndir avait estimé que «l’arrêté du ministre de l’Intérieur violait systématiquement les dispositions de la loi électorale selon lesquelles, en période de campagne électorale, les candidats peuvent manifester n’importe où sur toute l’étendue du territoire».
Forts de ce soutien de l'organe de supervision du processus électoral, de nombreux candidats de l’opposition à la présidentielle comme Idrissa Seck, Ibrahima Fall, Cheikh Bamba Dièye, Cheikh Tidiane Gadio, choisissant l'angle du combat contre la candidature de Wade à la Place de l’Indépendance, furent malmenés par les forces de l’ordre. Cette tension préélectorale qui avait fini de mettre le pays en quasi état de siège, obligea l’ancien ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, à convoquer le Corps diplomatique pour une séance d’explications. «Nous ne pensons nullement au report de l’élection de l’élection présidentielle du 26 février 2012», déclara-t-il. Mais «ce n’est pas normal que ses leaders tiennent leur manifestation à la place de l’indépendance, non loin du Palais de la République».
DAOUDA GBAYA
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