Le gros manque à gagner de l’économie locale

Cinq jours après le début de la campagne présidentielle, la onzième région du Sénégal est loin de la ferveur qui accompagne d’habitude les joutes électorales. Entre la curieuse absence des responsables du régime en place et les velléités de rassemblement des partisans aux prétendants au pouvoir, les populations constatent une ambiance générale maussade. Rien ne bouge, tout est au point mort.
Dans dix jours, le Sénégal va connaître son cinquième président. Mais en attendant, les 19 candidats en lice doivent battre campagne pour convaincre les Sénégalais. À plus de 700 km du palais présidentiel, c’est encore le calme plat. Les acteurs politiques ont pour l’heure déserté le terrain. Même le très puissant député Farba Ngom n’a pas encore démarré ses activités dans la région. Cette situation inédite en période de campagne est loin de ravir les populations.
Abou est un jeune originaire de Kanel qui a investi dans la sérigraphie à Ourossogui. En début d’année, il avait contracté un crédit pour acheter une quantité importante de tee-shirts et de casquettes, mais la montagne a accouché d’une souris. ‘’Je suis plus que déçu de la tournure des événements. La campagne a démarré partout dans le Sénégal, sauf ici. J’ai dégagé beaucoup d’argent pour acheter des tee-shirts, des casquettes et tout, mais tu as vu par toi-même, les responsables ne sont même pas encore venus passer leurs commandes, s’emporte le jeune entrepreneur. Je risque de mettre la clé sous le paillasson, parce que j’ai tout investi pour les préparatifs de la campagne. Je pense que cette situation risque d’être catastrophique pour beaucoup de Sénégalais. Dans le milieu de la sérigraphie, c’est en période de campagne que nous réalisons nos meilleurs chiffres d’affaires. Alors, s’il n’y a pas de campagne, c’est le secteur informel local qui paiera le plus lourd tribut’’, se désole le jeune homme âgé de 36 ans.
‘’Les responsables locaux ne veulent pas mettre les moyens’’
À Ourossogui, la désillusion est finalement le sentiment le mieux partagé chez les protagonistes de l’économie locale. Pour Aissata, vendeuse de sachets d’eau, cette campagne ne leur apporte pas grand-chose. ‘’Normalement, en période de campagne, l’argent circule. Tout le monde y trouve son compte. Nous les vendeuses de sachets d’eau et de jus, on se frotte les mains quand il y a des activités politiques. Mais là, c’est le néant total. Il n’y a rien du tout. De plus, ça tombe en plein mois de ramadan. Si on nous avait demandé notre avis, nous aurions choisi une date après le ramadan pour qu’on puisse aussi profiter de cette période faste’’, fait savoir la veuve.
Au marché de la ville-carrefour, à l’atelier de Mbaye, les apprentis font tourner leur machine aux côtés de leur maître affairé à tailler les tissus. Il n’est pas débordé par les commandes des acteurs politiques, bien au contraire. ‘’De quelle campagne parlez-vous ? Donc, la campagne a démarré, ironise-t-il ? En tout cas, pour nous les tailleurs, elle n’a pas démarré. D’habitude, nous recevons beaucoup de commandes pour les hôtesses et ça nous rapportait beaucoup. Mais pour celle-ci, à cause des nombreux reports, personne ne sait plus sur quel pied danser. Une campagne aussi importante que celle qui précède la Présidentielle, se dérouler de cette manière, c’est un grand pas en arrière pour le Sénégal’’, explique le maître tailleur.
La campagne a démarré, mais le décor est resté le même dans les principales rues de la commune du ministre de la Communication Moussa Bocar Thiam. Aucune affiche du candidat de BBY n’est visible dans cette partie du Sénégal qui a pourtant toujours voté pour le président de cette coalition. ‘’Je ne sais pas ce qui se passe au sommet de l’État, mais les responsables politiques ne veulent pas mettre les moyens dans cette campagne. Soit les responsables ont décidé ensemble de boycotter le candidat Amadou Ba, soit ils ont la claire certitude qu’il y aura un nouveau report de l’élection’’, analyse M. Diaw, professeur d’anglais.
Djibril BA