Publié le 1 Mar 2016 - 15:46
MOUSTAPHA DIOUF DIT TAPHA DIARABI

Philosophe enchanté

 

Une voix grave sur une guitare sèche. Une musique aux accents métis. Tapha Diarabi est une identité remarquable sur la scène sénégalaise. Actuellement à Dakar, il fait la promo de son album à succès ‘’Couleurs’’, sorti quatre ans plutôt. EnQuête l’a rencontré.

 

Tout démarre par une histoire familiale assez classique. Un papa qui ne veut pas que son fils devienne musicien. Comme presque tous les pères, il voulait que le gamin fasse des études poussées, devienne un cadre supérieur. Mais le destin en a décidé autrement. Et Moustapha Diouf est devenu Tapha Diarabi, un chanteur aimé et apprécié par beaucoup au Sénégal. De quoi rendre fier aujourd’hui son pater. D’autant plus que, même s’il n’a pas suivi pas à pas le chemin tracé par ce dernier, Tapha en a suivi une partie. Après un cycle élémentaire suivi dans une école publique de Liberté 6, le nouveau collégien est orienté au Cem David Diop. 

Le brevet de fin d’études moyennes (Bfem) en poche, Moustapha Diouf atterrit au lycée Blaise Diagne de Dakar. Il y obtient son bac. En 1999, il s’inscrit à la Fac de Lettres et Sciences humaines de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Il y suit une année de cours au département de philosophie avant de décider de ne plus faire d’études académiques. ‘’J’ai toujours été attiré par la philo. Mais une fois à l’université, je me suis rendu compte que ce n’était pas la philosophie ‘‘classique’’ (il fait référence à celle apprise en classe) qui m’intéressait réellement. C’est plutôt celle générale, c’est-à-dire la philosophie de la vie de tous les jours qui m’interpellait le plus’’, théorise-t-il de manière savante.

Ainsi, quel moyen plus efficace que l’art pour partager cette philosophie ? Tapha n’en a pas trouvé. Attiré par l’art dans sa globalité depuis son très jeune âge, il s’est mis à apprendre à jouer de la guitare après avoir largué cahiers et stylos. Mais bien avant cela, ce natif de Dakar s’était essayé à d’autres expressions artistiques comme la peinture, le dessin ou encore la sculpture. Un legs, peut-être, de son oncle qui évolue dans les arts plastiques. C’est plus tard qu’il a commencé à chanter. ‘’La musique est le dernier art auquel je me suis essayé’’, informe-t-il. Seulement, aujourd’hui, chanter est le domaine de prédilection du rossignol sérère. ‘’J’ai choisi la musique parce qu’avec l’art plastique, on reste ‘’muet’’ alors qu’avec le chant, c’est différent. Dès que tu ouvres la bouche, tu te libères. C’est différent’’, assure-t-il. Ainsi, il préfère partager ses émotions à travers la parole.

C’est le canal le plus accessible. Encore qu’en tant qu’Africain, il a baigné dans l’univers de la tradition orale. ‘’Depuis tout petit, on écoute des chanteurs comme Youssou Ndour, Omar Pène, Ismaïla Lô, et cela constitue un legs qu’on garde quelque part de manière inconsciente’’, affirme-t-il. Cependant, il n’a découvert ses prédispositions pour le chant qu’au lycée. Membre du club d’anglais de l’école Blaise Diagne, il faisait des récitals de poèmes lors des activités culturelles organisées par ledit club.

‘’Quand j’ai commencé à faire cela, il m’a fallu encore pousser un tout petit peu pour savoir qu’il y a une voix qui est là et qu’on doit exploiter. Il me fallait de l’expérience pour cela’’, explique-t-il. C’est ainsi que de fil en aiguille, il a monté un groupe de musique ‘’Marginal’’ avec des amis dont Moda Rassoul. L’expérience n’étant pas concluante, ses oncles qui évoluaient au sein du Dakar Loisir club (DLC, orchestre de Fallou Dieng) le coptent. Il y fera long feu avant de remettre sur pied ‘’Marginal’’. Avec le propriétaire d’un studio, Moussa Diagne, il noue un partenariat et ils travailleront même ensemble pendant un peu plus de deux ans. C’est après qu’il a rencontré les managers du label de production ‘’Prince Arts’’. En effet, l’ancienne choriste du Super Diamono Mame Diarra Guèye était amie avec Tapha. En contact avec Ibou Ndour, elle n’a pas hésité à présenter l’auteur de ‘’Diarabi’’ à ce dernier.

Après un essai concluant dans les studios du label, il est crédité pour la production d’un album. Ainsi est né ‘’Couleurs’’. Comme son titre l’indique, il est un véritable cocktail musical à la couleur acoustique. Un choix qui s’explique par les musiques qui ont bercé son enfance.  A la maison, son papa écoutait toutes sortes de musique. D’ailleurs, quand ce fils d’enseignant parle de ses références, il cite des chanteurs de registres différents. Cela va de Cesaria Evora à Youssou Ndour en passant par Wasis Diop, Yandé Codou Sène et même Diabou Seck la Saint-Louisienne ou encore Aretha Franklin ainsi que Nina Simone. L’influence de ces virtuoses de la musique se sent dans ses compositions assez hétérogènes. ‘’J’ai beaucoup travaillé sur des morceaux de variétés quand j’apprenais à faire de la musique.

Mes compositions touchent toujours à différentes choses. Avec Ibou Ndour aussi on a pu enrichir certains morceaux et les diversifier’’, a-t-il confirmé. Ce premier album qui a eu beaucoup de succès, malgré l’absence de son auteur du pays, est encore consommé par les mélomanes. ‘’Je suis parti en Belgique après la sortie de l’album parce qu’il y a eu des incompréhensions entre le label et moi. Pour la promotion, on m’a proposé des choses qui ne m’arrangeaient pas et je n’ai pas voulu de compromis à l’époque. Ce qui a fait qu’au moment où on devait faire la promotion, j’étais absent’’, informe-t-il sur un débit lent. Cela n’a pas empêché au produit d’avoir du succès. D’ailleurs, l’un des titres a même été ‘samplé‘ par Waly Ballago Seck, en ‘’mbalax’’, qu’il a rebaptisé ‘’impossible love’’. 

BIGUE BOB

 

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