Pourquoi être la voix des sans voix
Chanter les louanges des autres comme le font beaucoup de ‘’mbalaxmen’’ sous nos tropiques, ne doit pas être la seule mission d’un musicien. Les maux de la société doivent plus être la source de leurs muses. Du moins, ainsi pensent certains d’entre eux ayant pris part à une table ronde organisée dans le cadre du festival Ciné-Droit libre.
La musique est un moyen de contestation pour certains. C’est pourquoi certains chanteurs s’identifient à des porteurs de voix et on parle de ‘’musique et engagement’’. C’était le thème d’une table ronde organisée dans le cadre du festival ‘’Ciné-Droit libre’’ clôturé ce samedi à Dakar à la Maison de la culture Douta Seck. Ici, au Sénégal, les voix de ceux qui n’ont point de voix sont, pour la plupart, des rappeurs. La ‘’révolution’’ menée entre 2011 et 2012 contre un 3e mandat d’Abdoulaye Wade le certifie bien si besoin en est. ‘’Pour moi, un musicien ne doit être d’aucun parti politique. Il ne doit être ni de l’opposition, ni de la mouvance présidentielle. Il doit être du côté du peuple’’, soutient le patron du label Africulturban Matador. Ainsi, pour lui, s’engager, c’est être du côté du peuple. Un engagement que ne comprennent pas toujours les gouvernants. ‘’On n’a pas de problèmes contre tel ou tel autre. On ne combat pas des personnes mais des systèmes. Il ne faut pas qu’on nous voit comme des opposants’’, explique-t-il.
Ses propos trouvent écho chez le musicien sud africain Zuluboy : ‘’Je ne vote pas. Parce que pour moi, voter, c’est prendre parti et moi je ne peux prendre parti que pour le peuple’’.
En outre, l’engagement ne saurait être résumé à cela. Pour l’humoriste ivoirien Adama Dahico, soutenir le pouvoir est aussi une forme d’engagement. ‘’Moi, j’étais un ami de Laurent Gbagbo quand il était Président. Mais moi, je disais au Président ce qui n’allait pas. Quand je faisais un spectacle devant lui et ses ministres, il était le seul à en rire. Parce que je mettais le doigt là où cela faisait mal. Pour moi, des amis doivent se dire la vérité’’, indique-t-il. Par conséquent, l’essentiel réside dans la manière de s’engager auprès de l’autorité.
Et lui Dahico, ancien candidat à la présidentielle ivoirienne de 2011, a opté pour un humour sociopolitique. Il n’est pas musicien mais pense que rien n’empêche les comédiens d’être sur le terrain politique. ‘’L’humour ne doit pas seulement être un acte de divertissement mais aussi un acte de dénonciation afin de conscientiser ceux qui nous suivent’’, affirme-t-il. Plus subtile, le rappeur sénégalais et co-organisateur de cette rencontre Didier Awadi dégage en touche. ‘’Moi, je ne dirais pas aux musiciens qu’ils n’ont pas le droit de soutenir le pouvoir. Qui suis-je d’ailleurs pour le leur dire ? L’essentiel est juste d’être quitte avec sa conscience. Chacun fait ce qu’il veut’’, dit-il.
Prendre part pour le peuple n’est pas tout le temps du goût des tenants du pouvoir. Ainsi, les artistes qui le font prennent des risques. ‘’On nous a souvent chassés et vus comme des malpropres ou de petits bandits parce qu’on venait de la banlieue et qu’on avait un discours révolutionnaire’’, se rappelle Matador. Adama Dahico lui, s’est vu priver de spectacles après la chute de Gbagbo. Il était comme persona non grata en Côte d’Ivoire. Il a pu survivre grâce à des spectacles à l’étranger.
BIGUE BOB