Publié le 9 Jun 2012 - 18:35
MUSIQUE - NATTY JEAN

Portrait de l’auteur de Santa Yalla

 

Propulsé par le producteur français installé à Bamako, Manjul, et protégé du groupe Danakil, le Dakarois Natty Jean, issu du chaudron hip hop, mêle à son reggae new roots, des accents africains, du dance-hall et du rap. Une sacrée alchimie, qui illumine un premier opus, Santa Yalla, de bon augure… Nous avons rencontré l’artiste fin mai, lors de son passage à Angoulême, à l’occasion de Musiques Métisses.

 

Ce soir-là, le vendredi 25 mai dernier, pour le Festival Musiques Métisses d’Angoulême, le public groove reggae, reçoit des charges de vibes positives, du bon roots, mâtiné d’échos dance-hall, d’énergie brute… L’ambiance s’électrise, la foule danse à l’unisson, survoltée. Sur la scène gratuite du Mandingue, le Dakarois Natty Jean défend son premier album, Santa Yalla. Le jeune trentenaire, charisme sauvage, déhanché sensuel et occupation intensive des planches, mêle ses riddims à la kora, transforme allègrement ses mélodies en phases rythmiques façon hip hop, ragga… Frais !

 

Deux heures avant son show, nous l’avons rencontré. T-shirt ample et casquette, loin du stéréotype du parfait reggaeman (dreadlocks, panoplie rouge-jaune-vert), Natty Jean affiche plutôt ses racines musicales. Au cœur de la capitale sénégalaise, alors en pleine effervescence hip hop, il débute comme MC dans des posse de rap, sur les traces de ses illustres aînés (Positive Black Soul, PeeFroiss, Daara J…)

 

 

Las, son activité musicale ne marche pas fort : Natty Jean rame. En 2007, il tente sa chance sous d’autres cieux, s’embarque pour Bamako, y élargit ses horizons et ses sonorités. Une rencontre décisive fera le reste : celle du Français Manjul, multi-instrumentiste, ingénieur du son, et producteur de renom. Ce rasta, originaire de Barbès, ouvre au rappeur sénégalais les portes de son studio Humble Ark, et son cœur au reggae : un déclic qui résulte d’une évolution déjà amorcée.

 

Dans les oreilles et dans les veines de Natty Jean, coule depuis une paire d’années le son jamaïcain, celui des monstres sacrés d’abord (Bob Marley, Burning Spear, Peter Tosh…), celui aussi des icônes africaines (Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondy, Lucky Dube… ), mais surtout le son de la jeune garde de Kingston (Sizzla, Jah Mason, Jah Cure… ) qui lui donne envie de prendre le mike façon reggae. “J’aime particulièrement cette génération new roots, qui surfe sur différents styles, différents flows, enrichit les racines avec une grande technicité, une palette de voix impressionnante, des digressions souvent inspirées du hip hop”, dit-il.

 

Lui-même explique d’ailleurs sa signature sonore par son histoire : “Le hip hop m’a donné le sens du flow, le reggae, celui de la mélodie : le mélange des deux m’offre une grande liberté vocale”. Surtout, le passage au reggae s’inscrit, pour Natty Jean, dans le processus d’une mutation profonde. “Je déplorais, depuis quelques temps, les dérives du hip hop, vers le seul culte de l’image : meufs bling-bling, grosses voitures… J’avais besoin de retour à l’authenticité, au sens d’un engagement réel, d’un appel à la paix, à l’unité, que j’ai trouvé dans le reggae… résume-t-il. Pour moi, c’est un style beaucoup plus mature”.

 

Autre rencontre déterminante pour Natty Jean : celle des Français du groupe roots Danakil, venus enregistrer à Bamako. Au fil de jam sessions, les fils de l’amitié se nouent, Natty Jean pose sur leur disque sa voix, part avec eux en tournée, se fait repérer par le public hexagonal.

 

Et puis, en mars dernier, paraît son premier album solo, teinté de subtiles influences africaines (kora, balafon…), chanté principalement en wolof, avec quelques incursions en français et en anglais… Ce disque s’intitule Santa Yalla, (“Merci, mon Dieu”) : “Mon disque s’impose comme une approche positive de la vie. Je remercie Dieu de tout ce qui m‘arrive, j’essaie d’envoyer des messages d’espoirs à mes compatriotes, de semer l’amour par le reggae, loin des clichés misérabilistes véhiculés sur mon continent. Si aujourd’hui, j’en veux énormément à nos dirigeants qui manigancent et vivent aux dépens de la population, j’en veux encore plus aux Africains lambda qui se laissent berner, et refusent toute évolution. C’est à chacun d’entre nous de prendre ses responsabilités, d’agir pour changer les mentalités, et faire de l’Afrique le continent du futur. Tel est mon message…” Sa musique peut-elle alors changer le monde ? Une seule conclusion, humble et souriante : “Je ferai ma part…”

 

africvisions

 

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