Ibou Tall, le puriste
Originaire de Kolda, Ibou Tall est un claviste bien connu dans le milieu musical sénégalais, même si il a quitté l’environnement local depuis 2002. il est actuellement au Sénégal
Ibou Tall est un claviste, auteur, compositeur et producteur sénégalais qui a débuté dans la musique au début des années 90. Le premier groupe qu’il a intégré, Xamlé, était un quartet qu’il a formé avec des amis du Lycée Van (NDLR ; actuel Lycée Lamine Guèye). En 1994, après avoir joué brièvement pour feu Madou Diabaté (auteur de ‘’Mme Johnson’’) et fait quelques maquettes pour des artistes, il intégra son premier groupe professionnel, le Setsima groupe, en remplacement d’un certain Omar Cissé qui devait déménager à Saint-Louis pour poursuivre ses études. L’aventure durera 7 ans, dont 5 en tant que chef d’orchestre pour Alioune Mbaye Nder.
Sa passion pour le piano commence dès le bas âge : fan d’émissions TV comme Génération 80 ou Jazz + de Khalil Guèye, le musicien nourrit son engouement sous l’influence de maestros tels qu’Adama Faye, grand claviste sénégalais, ou encore Cheikh Ba (du groupe Keur Gui) . ‘’Je n’ai pas fait d’école de musique. J’ai appris sur le tas, en autodidacte.
On avait un quartet de Jazz au lycée où l’on s’exerçait à faire nos propres recherches et jouer à l’oreille. J’ai commencé à faire de la musique sous l’influence de mes frères qui avaient un groupe à la Sicap. Il y avait Tapha Faye et Habib, Vieux Mac, aussi. Ils m’ont tous un peu initié au Jazz’’, raconte Ibou Tall. Toutefois, le pianiste se rend très vite compte qu’il lui faut une mise à niveau. Lors des tournées internationales du Setsima, il s’inscrit à de nombreux workshops et ateliers Jazz.
En 1996, il joue et fait des arrangements sur l’album ‘’Bul Ma Djoylo’’ du groupe Jant-Bi. Successivement, il travaille avec Baaba Maal, Sentrick, Metzo Djattah, mais aussi pour des artistes étrangers comme Xabier Moreno, Nadine Ginjel ou encore Mankala. Sa carrière solo démarre en 2002. Aujourd’hui, il gère son propre label, Talibé Productions, basé à Bristol, en Angleterre. Le nom est d'inspiration wolof, c'est aussi une inversion du nom de l’artiste, Ibou Tall. Cette maison de production s’occupe de sa promotion, mais fait aussi de la production d’autres artistes comme Mc Sketchy, dont elle a produit un album concept de Jazz hip-hop cinématique, en 2011.
Musicien de cœur, Ibou Tall a également monté son propre groupe : Ibou Tall & the Jazzmates. L’univers musical de cette formation, par la presse britannique sous le nom de ‘’Senegalese Influencia’’, est du Jazz à relents sénégalais. Ils préparent actuellement leur premier album dont le single ‘’Call for Adama Faye’’ est d’ores et déjà en ligne sur youtube. ‘’Quand on parle du Marimba, aujourd’hui, c’est grâce à Adama Faye.
Il y a tellement de chanteurs qui utilisent ce système de clavier créé par lui et vulgarisé par ses frères, dans les années 80. Un génie pareil, je me suis dit qu’il serait temps qu’on lui rende hommage et donc, je lui en ai fait un au piano’’, explique l’artiste. Il explique avoir pour but d’affirmer son identité et ses couleurs sénégalaises dans son genre musical.
Ses projets, pour le moment, consistent à pousser le concept de son groupe The Jazzmates, et le promouvoir pour le faire connaître plus amplement, non seulement au Sénégal, mais aussi sur la scène internationale, grâce à des festivals, notamment au Royaume-Uni et sur d’autres scènes européennes. Il dit aujourd’hui penser avant tout à sa carrière internationale pour asseoir un certain crédit.
En tant qu’arrangeur, Ibou Tall estime que le Mbalax, comme genre musical sénégalais moderne, ne ‘’se porte pas très bien en ce moment’’. Il argumente son point de vue en expliquant qu’il lui manque une certaine compétition entre groupes. Comme cela existait, dans les années 90, entre des formations telles que le Super Diamono d’Omar Pène, le Super Étoile de Youssou Ndour et beaucoup d’autres groupes ; ce qui faisait que la conception musicale était beaucoup plus sérieuse.
Il identifie trois ennemis pour le Mbalax. D'abord les chanteurs et managers qui veulent tout diriger bien que, souvent, ils n’ont aucune formation musicale. Ensuite, les instrumentistes qui acceptent des conditions de travail inacceptables, alors qu’ils pourraient faire bloc. Enfin, le développement des nouvelles technologies qui, avec les ventes en ligne et la piraterie, est en train de tuer le marché du disque.
B. BOB ET SOPHIANE BENGELLOUN