Publié le 10 Aug 2023 - 23:22
NOUVEAU SOMMET SUR LE NIGER

La CEDEAO dans l’impasse

 

Entre une intervention militaire impopulaire aux conséquences potentiellement autodestructrices et l’intransigeance à avoir face aux cops d’État militaires, l’organisation sous-régionale se réunit aujourd’hui pour trouver une solution adéquate.

 

La situation semble inextricable pour la CEDEAO. Trois jours sont passés depuis la fin de l’ultimatum lancé contre les militaires putschistes qui ont pris le pouvoir au Niger, le 26 juillet. Ces derniers restent inflexibles, provocateurs même, vis-à-vis de l’organisation sous-régionale qui n’exclut pas d’attaquer leurs positions pour rétablir le président Mouhamed Bazoum dans ses fonctions. Pour éviter cette solution extrême, la Conférence des chefs d’État ouest-africains va tenir, aujourd’hui à Abuja (Nigeria), un nouveau sommet extraordinaire sur le sort à réserver au quatrième pays de l’organisation à connaître un coup d’État militaire en trois ans.

Dans la capitale nigériane, les chefs d’État devront essayer de trouver une solution à ce qui ressemble de plus en plus à une impasse. Deux jours après le coup de force, la CEDEAO a instauré un sévère blocus économique autour du Niger. Sans attendre que ces pressions fassent effet, l’organisation a brandi la menace d’une intervention militaire pour déloger les putschistes et ‘’réinstaurer l’ordre constitutionnel’’.

Sauf que depuis ces sanctions, les hommes du général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger, ne leur facilitent pas les choses. Si le dialogue est l’option privilégiée, selon les chefs d’État de la CEDEAO, les militaires nigériens ne leur offrent pas encore cette possibilité. Mardi, un  déplacement d’une délégation conjointe de la CEDEAO, de l'Union africaine et des Nations Unies a été annulé à la suite d'une communication des autorités militaires du Niger indiquant qu'elles n'étaient pas en mesure de recevoir ces émissaires.

La junte multiplie les défiances

Comme explication, une lettre du ministère nigérien des Affaires étrangères adressée lundi à la CEDEAO a assuré que ‘’le contexte actuel de colère et de révolte des populations suite aux sanctions imposées par la CEDEAO ne permet pas d'accueillir ladite délégation dans la sérénité et la sécurité requises".

Si la numéro deux de la diplomatie américaine est parvenue à rencontrer les auteurs du coup d'État, Victoria Nuland n’a pas pu voir le général Abdourahamane Tiani ni le président Mohamed Bazoum, assigné à résidence à Niamey. Évoquant des discussions "franches’’ et ‘’par moments assez difficiles", ses offres pour trouver une solution de sortie de crise n’ont peut-être pas "été prises en compte de quelque manière que ce soit".

Au même moment, la junte s’organise déjà avec la mise en place de ce qui ressemble à un gouvernement de transition. Un Premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, a été nommé lundi, en plus de l’organisation du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) installé au lendemain du coup d’État au Niger.

Les archevêques ouest-africains contre la guerre  

A ce contexte s'ajoutent toutes les appréhensions  et les sorties contre une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO au Niger. Hier, les cardinaux, archevêques et évêques des conférences épiscopales réunies de l'Afrique de l'Ouest, par une ‘’Lettre d'exhortation à la retenue et au discernement dans la gestion de la situation sociopolitique au Niger’’, ont insisté ‘’auprès de la CEDEAO et de l'Union africaine pour dire que toute intervention militaire au Niger en ce moment compliquerait plus la situation des populations du Niger et de la sous-région qu'elle ne leur apporterait des solutions’’.

Ces pasteurs ont assuré ‘’qu’aucun intérêt, projet individuel, national, régional, géopolitique ou confessionnel ne doit prévaloir sur la préservation de la vie, de la dignité humaine et de l'avenir des générations futures en Afrique de l'Ouest et au-delà’’.

Ces appels rejoignent ceux d’autres pays qui ont alerté contre une intervention militaire et les ramifications qu’elle pourrait avoir dans toute la sous-région. Le Burkina Faso et le Mali, dirigés par des militaires, ont déjà annoncé qu’ils soutiendraient le Niger en cas d’intervention de la CEDEAO. Le président algérien a soutenu que ce conflit serait un problème pour son pays. Dans cette région gangrénée par le terrorisme et l’insécurité, un conflit entre États risque d’aggraver une situation déjà assez compliquée. Si la France et les États-Unis soutenaient une intervention de la CEDEAO, l’implication de la force russe Wagner aux côtés des puissances putschistes ne serait peut-être pas à exclure.  

Nouvelles bisbilles entre le Niger et la France

La France, ancienne puissance coloniale régulièrement vilipendée lors de manifestations en Afrique de l'Ouest, a fait savoir, mardi, qu'elle appuyait "les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie" au Niger. Ce qui n’arrange pas les relations déjà tendues entre les deux pays, normalement partenaires.

D’après les nouvelles autorités nigériennes, une attaque a visé, hier, aux environs de 6 h 30, la position de la garde nationale du Niger, à 30 km du site aurifère de Samira. Les militaires soupçonnent l’armée française d’avoir pris part à cette offensive. Selon le colonel Amadou Adramane, qui a lu un communiqué à la télévision nationale, ‘’les forces françaises ont fait décoller, ce 9 août 2023, un avion militaire qui a coupé tout contact avec le contrôle aérien de notre espace, entre 6 h 39 et 11 h 15’’. Cette coïncidence renforce les soupçons d’une volonté manifeste de déstabilisation du Niger par la France.

En effet, assure le colonel, ‘’depuis la prise du pouvoir par  le CNSP, nous assistons à un véritable plan de déstabilisation de notre pays. Ce désordre sécuritaire planifié par les forces sécuritaires, comme ce fut le cas au Mali et au Burkina Faso, a pour but de discréditer le CNSP et créer une rupture avec le peuple soutien dans son action, de créer un sentiment d’insécurité généralisée’’.

Dans le même communiqué, les militaires accusent les forces françaises d’avoir fait libérer ‘’des éléments terroristes prisonniers’’. Ces derniers, ajoutent-ils, ont été dirigés ‘’vers une position où une réunion de planification s’est tenue avec l’objectif d’attaquer des positions militaires dans la zone des trois frontières’’. Il s’agit d’une zone géographique sans limites précises, située au Sahel entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, très touchée par la contrebande et le terrorisme international.

Depuis, les 16 terroristes libérés ont été appréhendés dans trois opérations, dont deux en territoire nigérien et une au Mali, assure le colonel Adramane.

La France dément catégoriquement

Des ‘’accusations infondées’’ fermement démenties par un communiqué commun du ministère des Affaires étrangères français et celui de la Défense.

Selon le document, ‘’aucune attaque contre un camp nigérien n’a eu lieu’’, ‘’aucun terroriste n’a été libéré par les forces françaises’’, ‘’le mouvement réalisé au Niger fait l’objet d’un accord préalable et d’une coordination technique avec les forces nigériennes, autorisation confirmée par écrit’’.

Mardi, les autorités maliennes et burkinabé ont adressé des lettres conjointes à l'ONU et à l'UA en appelant à leur "responsabilité" pour empêcher "toute intervention militaire contre le Niger dont l'ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible".

Dans ce contexte général, la CEDEAO devra opérer un choix délicat. Laisser prospérer un nouveau coup d’État sera un aveu d’impuissance face à la recrudescence des prises de pouvoir spontanées des militaires dans la sous-région. Et comme redouté par tous, un conflit de plus pourrait avoir des conséquences dévastatrices.

Lamine Diouf

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