Publié le 29 Sep 2025 - 15:51
NOUVELLE INITIATIVE POUR LA TRANSFORMATION DE L'ÉDUCATION

Un référentiel citoyen proposé par Cosydep

 

Dans le cadre de la fondation de l’avenir du système éducatif sénégalais, la Coalition des Organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) a produit une contribution dénommée « Nouvelle Initiative pour la transformation humaniste de l'éducation ».

 

« Depuis les Assises de l’Éducation et de la Formation de 2014, le Sénégal est engagé dans une dynamique de réforme structurelle de son système éducatif. Toutefois, le rythme et l’ampleur de cette transformation ont fait l’objet de nombreux débats, amplifiés dans le contexte post-électoral de 2024 », a soutenu la Coalition des Organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) dans une contribution intitulée « Nouvelle Initiative pour la transformation humaniste de l'éducation “Sama Ekol, Sama Yitte” - NITHE - SESY ». Ce document de contribution s’inscrit dans un moment « critique et potentiellement fondateur » pour l’avenir du système éducatif sénégalais. Il rassemble les perceptions citoyennes, les constats issus du terrain, les analyses croisées de panels d’acteurs aux niveaux national et local, ainsi que les propositions formulées pour inspirer l’action publique.

Par rapport à la réforme, trois options se profilent aujourd’hui dans les discours et les décisions publiques, chacune avec des implications politiques, institutionnelles et pédagogiques spécifiques, selon Cosydep.

En premier lieu, on propose la refondation totale. Cette option, explique-t-on, vise à repenser en profondeur les finalités, structures et modalités du système éducatif sénégalais, sur des bases épistémiques, culturelles et socio-économiques contextualisées. Elle suppose : un changement de paradigme, centré sur les savoirs endogènes, les besoins locaux et l’autonomisation des communautés ; une reconfiguration des institutions éducatives, avec une redéfinition des rôles des ministères, des collectivités et des acteurs sociaux ; l’invention de nouvelles formes scolaires, ouvertes, inclusives, co-construites.

« Cette option apparaît exigeante mais profondément transformatrice. Elle fait écho à des notions comme “Nithé”, “société éducative”, “souveraineté cognitive”, “école enracinée et ouverte”, largement mobilisées dans les panels thématiques », explique Cosydep. Elle serait portée par une frange significative des contributions citoyennes et de la société civile éducative.

La seconde est une réforme curriculaire ambitieuse. Cette orientation, dit-on, privilégie une relecture critique des curricula et des programmes comme levier prioritaire de transformation. Elle vise à : mieux articuler les compétences de vie, les savoirs scientifiques, les valeurs civiques et l’employabilité ; adapter les contenus à la diversité linguistique, culturelle et territoriale du pays ; introduire des dimensions transversales stratégiques (écologie, numérique, genre, paix, patrimoine…). « L’option est jugée plus réaliste par certains décideurs mais nécessite des arbitrages clairs sur les contenus, les langues d’enseignement, les temporalités de mise en œuvre, ainsi qu’une forte mobilisation des enseignants », indique la note.

En troisième lieu, l’on note la révision partielle par ajustements. Il s’agit ici de réformes incrémentales, souvent impulsées par des programmes de partenaires techniques, axées sur des indicateurs de performance, des expérimentations ciblées ou des mécanismes de pilotage, selon le document. « Cette logique demeure dominante dans la régie sectorielle actuelle, bien que sa portée transformatrice soit limitée selon les citoyens interrogés », relève la Cosydep. Qui note que plusieurs contributions dénoncent le caractère « technocratique » ou « déconnecté » de ces révisions, invisibles pour les enseignants et les communautés éducatives de base.

“Nithé” et “société éducative”, des concepts clés à l’épreuve du terrain

Cosydep renseigne que deux concepts ont émergé de manière récurrente dans les panels et entretiens, traduisant des aspirations citoyennes profondes tout en interrogeant leur clarté, leur appropriation et leur faisabilité.

Le premier est « Nithé ». Mobilisé notamment dans les régions du sud et du centre, « Nithé » est présenté à la fois comme : une valeur éducative fondée sur la responsabilité, le respect et la cohérence entre savoir et comportement ; un idéal de transformation sociétale par l’éducation, ancré dans les cultures locales. « Plusieurs enseignants et animateurs communautaires y voient un levier éthique et mobilisateur, qui dépasse la seule réussite scolaire. Toutefois, d’autres alertent sur le risque d’instrumentalisation morale ou de repli normatif si le concept n’est pas clarifié ni articulé à une démarche inclusive », souligne-t-on.

Quant à la notion de « société éducative », très présente dans les interventions citoyennes, elle renvoie à l’idée que « toute la société éduque », et pas seulement l’école ou l’État. Elle suppose : une démultiplication des espaces d’apprentissage (quartiers, familles, lieux culturels, médias…) ; un partage élargi des responsabilités éducatives entre institutions, entreprises, communautés et citoyens ; une éducation continue, située, active.

« Si l’idée suscite une forte adhésion, sa mise en œuvre reste fragile sur le terrain, notamment en l’absence de cadres normatifs, de financement clair et de reconnaissance statutaire des initiatives citoyennes éducatives », indique le document.

Défaillances structurelles du système éducatif et la volonté de le transformer en profondeur

Lors des panels organisés par Cosydep, les participants ont montré « une prise de conscience aiguë des défaillances structurelles du système éducatif », mais aussi une volonté partagée de le transformer en profondeur. L’on note que quatre grandes préoccupations ressortent avec force :

Éducation civique et valeurs

Les citoyens demandent massivement une éducation qui forme à la citoyenneté active, à l’éthique et à la responsabilité. « Plusieurs verbatims dénoncent un système "trop académique, déconnecté des réalités sociales". Des jeunes regrettent que "l’école n’enseigne ni la patience ni l’engagement", et insistent pour que "l’éducation forme aussi des citoyens debout, pas seulement des employés dociles" », a-t-on renseigné. D’après le document, une critique récurrente concerne la gouvernance opaque du système éducatif, le faible ancrage communautaire et la faible capacité d’écoute des décideurs. Le besoin de concertation permanente, de transparence dans les affectations et de responsabilisation des IEF et ACD est jugé crucial.

Il y a aussi la question du financement de proximité. « Les citoyens appellent à des mécanismes de financement plus ancrés localement, plus lisibles, plus équitables », a indiqué Cosydep. Qui renseigne que des propositions récurrentes évoquent : des fonds territoriaux pour l’éducation ; un cofinancement entre communes, État et partenaires ; l’implication du secteur privé local.

La question de l’inclusion et de l’équité s’est aussi posée. Celle des enfants handicapés ou des jeunes qui vivent en zones rurales ou périurbaines est largement dénoncée. Le document souligne que les citoyens réclament des programmes adaptés, des enseignants formés à la diversité et un encadrement renforcé pour les filles. « Il faut une école où chaque enfant trouve sa place, pas seulement ceux qui savent lire vite en français », d’après un enseignant de Kolda cité dans le document.

Attentes à court terme, notamment en lien avec la rentrée scolaire 2025-2026

Trois priorités ressortent des panels. Première priorité : une rentrée apaisée, anticipée et équitable. Pour cela, il est dit non à la surcharge des écoles en zones urbaines ; il est demandé le recrutement rapide des enseignants pour éviter les ruptures ; l’orientation à temps des apprenants ; la disponibilité de tables-bancs et de budget de fonctionnement.

Deuxièmement, il y a la valorisation des projets menés pendant les vacances. « Les navétanes éducatives, les classes citoyennes, les théâtres-forum ne doivent pas s’arrêter avec la rentrée », indique-t-on. La campagne « Ubbi Tay Jàng Tay » doit être soutenue et renforcée, selon les acteurs.

En troisième lieu, l’implication réelle des collectivités territoriales et des CGE dans la planification est demandée.

Vacances Citoyennes Éducatives

Des propositions sont faites pour un programme national « Vacances Citoyennes Éducatives ». Ce programme devrait être piloté de manière intersectorielle par les ministères en charge de l’éducation, de la jeunesse, des armées, de la culture et de la décentralisation. Ce programme viserait à structurer l’offre éducative non formelle pendant les vacances. Il mobiliserait les collectivités territoriales, les mouvements de jeunesse, les associations communautaires et les établissements scolaires.

Le programme inclurait des modules sur les valeurs républicaines ; l’histoire locale ; la prévention des violences basées sur le genre ; le secourisme ; l’engagement environnemental ; les compétences de vie (gestion du stress, communication non violente, coopération).

Ces modules, dit-on, pourraient être coanimés par des enseignants volontaires, des formateurs communautaires ou des jeunes leaders.

Il est demandé une reconnaissance officielle des initiatives communautaires, à travers des labellisations ou des appuis logistiques. Elle permettrait d’encourager leur professionnalisation et leur ancrage dans le système éducatif. Cela impliquerait également une supervision minimale garantissant la qualité et la sécurité des activités.

En outre, les projets de vacances pourraient faire l’objet de restitutions en début d’année scolaire, valorisés dans les conseils d’école ou intégrés à des projets pédagogiques. « Cette articulation renforcerait le lien entre apprentissages formels et informels », a expliqué Cosydep. Qui milite aussi pour la formation de facilitateurs et animateurs pédagogiques de vacances.

À noter que le but du présent rapport de la Cosydep est d’offrir aux décideurs un cadre structuré d’analyse, de dialogue et de transformation systémique. Le document rassemble de manière rigoureuse les perceptions citoyennes, les constats issus du terrain, les analyses croisées de panels d’acteurs aux niveaux national et local, ainsi que les propositions formulées pour inspirer l’action publique.

BABACAR SY SEYE

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