Le nouveau MINT s'attaque à la patate chaude

À peine installé comme nouveau ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Me Bamba Cissé ne perd pas de temps. À Colobane ce samedi, il s’est attaqué au problème complexe de l’occupation anarchique et ne compte pas s’arrêter là.
« J’ai constaté, pour le regretter, une prolifération des occupations anarchiques de la voie publique et des alentours des lieux de commerce (installations précaires, commerces de toute sorte, stationnements irréguliers, etc.), au niveau de la capitale et dans certains centres urbains ». Avec ce premier paragraphe de sa lettre circulaire adressée aux gouverneurs, on sent nettement que le ton est donné.
Le nouvellement nommé ministre de l’Intérieur veut que l’ordre règne à Dakar et à l’intérieur du pays. C’était un point essentiel lors de sa passation de service avec son prédécesseur, le général Jean Baptiste Tine. Selon Me Cissé, pour préserver l’ordre public et renforcer la sécurité routière, « des mesures hardies doivent être prises et appliquées avec rigueur ».
Comme pour « accélérer la cadence », le ministre de l’Intérieur souhaite que ce travail de recensement se fasse au plus tard le 25 septembre 2025. « Je vous demande, en rapport avec les collectivités territoriales et les services concernés, de procéder au recensement exhaustif des occupations anarchiques constatées sur la voie publique et aux alentours des lieux de commerce ».
Sur cette missive, M. Cissé précise que « les forces de défense et de sécurité et les acteurs concernés » devront travailler sur des « plans d’actions régionaux des opérations à mener avec un calendrier détaillé, afin de mettre un terme à ces installations et assainir les villes de notre pays ».
Le ton donné à Colobane
Bien avant la publication de sa lettre circulaire, le ministre s’était rendu dans un des endroits de Dakar où l’anarchie est plus ou moins normalisée. En effet, ce samedi, il a entrepris une opération de déguerpissement et de lutte contre l’insalubrité à Colobane. Un espace qui était jusqu’ici occupé par de nombreux mendiants venus de l’étranger a été vidé de ses occupants.
Le ministre Me Bamba Cissé, qui a assisté à l’opération, s’est exprimé sur le phénomène de mendicité et a tenu à préciser aussitôt : « Il ne s’agit pas de déguerpir une quelconque nationalité, il s’agit de lutter contre cette forme anarchique d’occupation des sols. C’est un terrain de la SN-HLM, et ceux qui vivaient ici vivaient de la mendicité. Je rappelle que la mendicité est une infraction pénale lorsqu’elle est exercée sur la voie publique », a souligné Me Bamba Cissé.
Dans son commentaire, le successeur de Jean Baptiste Tine déclare que s’attaquer à ce problème est vital, car cela permettrait en même temps de régler un bon nombre de problèmes : « L’occupation anarchique, la mendicité. Tout ça, c’est lié. Il nous faut des solutions globales qu’on trouvera pour régler ces problèmes afin de remettre le Sénégal sur pied, dans une perspective globale de recherche de la discipline, de rigueur, de salubrité, de tranquillité, de paix publique et de l’ordre public ».
Le suivi, l’autre moitié du chemin
Le plus difficile dans ce genre de manœuvre, c’est évidemment l’après-déguerpissement. Car ses prédécesseurs, avant lui, avaient essayé de rendre trottoirs, rues et ruelles aux riverains. Mais une telle entreprise s’est souvent heurtée au refus catégorique des occupants. Par exemple, rien qu’en 2024, le pouvoir pastefien qui venait à peine d’arriver aux commandes avait déjà essayé de remettre de l’ordre, mais ce fut la totale reculade avec comme point d’orgue le déplacement du Premier ministre Ousmane Sonko lui-même, afin de calmer les ardeurs des marchands ambulants, pour la plupart souteneurs du projet Pastef.
En tout cas, le nouveau premier flic du pays semble déterminé, car le problème de l’occupation anarchique est le premier dossier qu’il ouvre. Remportera-t-il cette première et déjà ultime bataille ? Il faut espérer que la robe noire remporte haut la main ce procès pour le bien-être de milliers, voire de millions de Sénégalais, qui depuis bien longtemps se plaignent d’un cadre de vie qui se délabre de jour en jour.
En outre, avec les Jeux olympiques de la Jeunesse qui arrivent très bientôt, il faudra penser à offrir un environnement accueillant aux futurs nombreux hôtes qui fouleront le sol sénégalais.
Réaction du maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye
Le chantier de Me Bamba Cissé a notamment suscité la réaction du maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye. En effet, dans une lettre publique, l’édile de la commune a exprimé sa vive inquiétude face à une « situation de plus en plus préoccupante » dans sa circonscription. Il dénonce une « anarchie sociale » et une dégradation du cadre de vie, causées par des incivilités et des désordres persistants.
Selon lui, la commune est « aujourd’hui complètement envahie par des incivilités et des désordres ». Il déplore que les tentatives d’action de la mairie pour y remédier soient interprétées comme un « sabotage », ce qui les prive de l’appui nécessaire des forces de l’ordre.
Le maire met en lumière plusieurs problèmes qui menacent la sécurité, en particulier la multiplication des garages clandestins et des pousse-pousse qui perturbent la circulation. Il pointe également du doigt la présence de « hordes de mendiants parfois originaires de zones en conflit » et de « jeunes drogués, communément appelés boudioumanes », qui sont à l’origine de nombreuses agressions. Il déplore l’impuissance de la police et de la justice face à ces situations, soulignant que « la police nationale, malgré sa présence, reste impuissante, la justice relâchant trop souvent ces individus après leurs forfaits ».
Pour résoudre ces problèmes, le maire propose une solution concrète : la mise en place effective de la police municipale. Il estime que cette force de proximité pourrait accompagner la police nationale et assurer une présence continue pour sécuriser la commune.
Alioune Ndoye a choisi de s’exprimer publiquement car ses « précédentes démarches auprès de [ses] prédécesseurs sont restées sans suite ». Il conclut en affirmant que « Dakar-Plateau mérite une sécurité renforcée ».
MAMADOU DIOP