''Si j'avais à refaire ce qui m'a valu mon départ, je le referais''
Lors du pot organisé hier, pour son départ de la tête du Parquet de Dakar, le désormais ex-procureur de la République a eu droit à des cadeaux et éloges de ses anciens collaborateurs. Ousmane Diagne leur a rendu ''leurs fleurs'' avant de lancer des piques aux différents Gardes des sceaux avec lesquels il a travaillé depuis sept ans. Et dans ce lot, seul Moustapha Sourang trouve grâce à ses yeux...
Tapis rouge, des éloges sur fond de musique traditionnelle distillée par le vieux joueur de ''Xalam'' Boucounta Ndiaye. C'est dans cette ambiance que s'est déroulé le pot d'adieu organisé hier, au Palais de justice Lat Dior, pour le départ de l'ex-procureur de la République, Ousmane Diagne, désormais délégué à la Cour Suprême, et de deux de ses anciens substituts. Officiers de police judiciaire, le patron de la Division des investigations criminelles (DIC) et le Commandant de la Section de recherches de la gendarmerie ainsi que le personnel du parquet de Dakar n'ont pas tari d'éloges à l'endroit du prédécesseur de Serigne Bassirou Guèye, nouveau Procureur par intérim.
Le Barreau et les magistrats dont le président de l'Union des magistrats sénégalais (UMS), El Hadj Abdou Aziz Seck, et Mamadou Bassirou Ndiaye, représentants des substituts, ont eux aussi salué ''l'indépendance, la courtoisie, le professionnalisme, l'humilité'' de l'ex-Parquetier. Ce dernier leur a rendu la pareille en saluant ''la loyauté'' de ses anciens collaborateurs. Après ces fleurs jetées de part et d'autre, place aux piques.
Le président de l'UMS invite le nouveau procureur à être indépendant vis-à-vis de l'Exécutif
Le premier à en lancer, c'est le président de l'UMS. Qui espère que le nouveau Procureur ne fera pas moins que son prédécesseur lequel ''a fait honneur à son métier''. Par conséquent, El Hadj Abdou Aziz Seck exhorte Serigne Bassirou Guèye à être un magistrat indépendant. ''Quand on est Procureur, il faut qu'on sache qu'on travaille pour la Justice. Il ne faut pas se mettre sous les ordres de l'Exécutif'', assène le juge d'instruction. Cette mise en garde trouve tout son sens dans les révélations de l'ex-maître des poursuites au niveau du parquet du tribunal régional de Dakar. ''J’ai effectivement la réputation de dire ce que je pense là où je le pense. J’ai occupé le poste stratégique de chef du parquet de Dakar pendant 7 ans et j’ai eu à côtoyer des Officiers de police judiciaire dont le professionnalisme et la loyauté ne m’ont jamais fait défaut. Mais nous avons eu à vivre des moments extrêmement difficiles'', a confié Ousmane Diagne.
Dans de tels moments, tente-t-il de convaincre, ''nous avons travaillé pour le Sénégal et sommes demeurés fidèles à ce que nous sommes''. Et comme pour répondre à ses détracteurs, il lance : ''Je n’ai jamais été autre chose qu’un procureur de la République, pas un procureur du gouvernement''. Une déclaration synonyme de pause dans son discours car, comme un seul homme, les parquetiers se sont levés pour l'ovationner. Un vrai standing-ovation comme on en voit si rarement dans les cérémonies du monde judiciaire. Une salve d'applaudissements nourris qui aura duré près d'une minute chrono. Poursuivant son speech après le retour du silence, Ousmane Diagne a dit à l'endroit de ses fans : ''Je vois à travers votre réaction toute la différence entre ces deux notions''. A savoir : procureur de la République et procureur du gouvernement !
''J'ai toujours été procureur de la République et non du gouvernement''
Dopé par ce soutien des pairs, l'ex-chef du parquet de Dakar peut alors solder ses comptes avec tous les ministres qui ont tenu les rênes de Dame justice durant ces sept dernières années. ''J’ai travaillé avec plusieurs Gardes des Sceaux. A l’exception notable du professeur Moustapha Sourang à qui je rends hommage, j’ai toujours eu de grandes difficultés à certains moments'', lâche-t-il dans une salle silencieuse.
Néanmoins, malgré ces difficultés, il ''rend grâce à Dieu d’avoir exaucé son vœu''. Car il avait un vœu, Ousmane Diagne, à l'heure d’entrer en fonction au parquet, révèle-t-il : ''C'était de pouvoir sortir la tête haute, sans devoir baisser les yeux devant qui que ce soit''. Car, ''à chaque fois qu’il m’a été possible de dire non, j’ai dit non de la façon la plus ferme, la plus irrévocable et Dieu m’est témoin que je n’ai aucun regret''. L’indépendance, poursuit-il, ''elle s’assume et se paie. J’ai toujours dit ceci à mes élèves du CFJ (Centre de formation judiciaire) : ce n’est pas parce que nous sommes du parquet que nous devons être indépendants ou pas''. ''Nous sommes d’abord et avant tout des magistrats. Nous sommes magistrats du siège ou du parquet du fait de la volonté du Prince ou des affectations'', souligne le délégué à la Cour suprême. Et d'ajouter : ''Il n’y a pas de mérite particulier à être au siège ou au parquet parce qu’on est indépendant ou pas. On est magistrat tout court et on est payé et on a vocation à exercer justement toutes les fonctions que nous devons exercer dans le cadre de la mission qui nous a été confiée par la Nation. (Car il ne faut pas oublier que) la justice est rendue au nom du peuple sénégalais et non au nom de qui que ce soit''.
'' Si j'avais à refaire ce qui m'a valu mon départ, je le referais''
Sur son départ, Ousmane Diagne affirme ne ressentir aucun regret. ''Au moment de quitter cette fonction que j'ai aimée, je n'ai absolument aucun regret. Si j'avais à refaire ce que j'ai fait pour partir, je l'aurais refait mille fois'', s'enorgueillit-il. Citant ses collègues français qui parlaient du «devoir de déplaire», il dira : ''Moi j'en ai usé, j'en ai même abusé et j'en suis fier.''
FATOU SY
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