''Pas un règlement de comptes mais le récit d'un parcours''
En visite au Sénégal, Pape Diouf, ancien président de l'Olympique de Marseille (Ligue 1 française) de 2005 à 2009, a rencontré les membres de l'Association nationale de la presse sportive du Sénégal (ANPS), hier, au salon d'honneur du stade Léopold Sédar Senghor. Le prétexte était de présenter son livre intitulé ''C'est bien plus qu'un jeu''. Et d'aborder certaines questions liées à la polémique suscitée en France par l'ouvrage de l'ancien reporter sportif et ancien agent de joueur.
Qu'est-ce qui a motivé la publication du livre ''C'est bien plus qu'un jeu'' ?
C'est sous la pression amicale de la maison d'édition ''Grasset'' que j'ai écrit ce livre, puisqu'au départ je n'étais pas parti pour publier une autobiographique, car je n'y trouvais pas d'intérêt. Il leur a fallu de la patience et de la persuasion pour arriver, au bout de deux mois, à me convaincre d'écrire ce livre. Ce livre ne constitue pas un pamphlet ou un règlement de comptes comme on a eu à le dire çà et là. C'était plutôt l'occasion de faire le récit d'un parcours, d'une enfance, d'une adolescence. C'était aussi l'occasion pour moi de parler de mes parents, de ma jeunesse au Sénégal. Dans ce livre, j'ai aussi parlé des différents métiers que j'ai eu à embrasser, notamment le journalisme et du regard que je porte sur ce métier. C'était également l'occasion de parler de la ville de Marseille où j'ai le plus vécu.
Quel sentiment vous anime après ces polémiques suscitées par la publication de ce livre ?
C'est d'abord un sentiment de surprise car je ne pensais pas qu'un tel livre allait susciter autant de tintamarre et autant de polémique. Mais ça montre que certaines pages ont touché certains. Le problème pour ceux que le livre a dérangés, c'est que pour certains, ils avaient déjà écrit l'histoire. Hors, en écrivant ce livre, je n'ai fait que dire la vérité, dire les choses telles qu'elles étaient. Et comme on le dit dans la philosophie populaire : ''Seule la vérité blesse''. Parler de soi n'est pas facile. Je n'ai pas tout dit dans ce livre. Mais tout ce que j'ai dit est vrai. J'ai même réveillé des morts. Il y a d'anciens présidents dévalués qui se sont dit qu'il fallait essayer de répondre pour réexister. Il y a même le journal France Football qui m'avait demandé d'écrire une lettre pour répondre à ceux qui avaient critiqué le livre. Mais j'ai répondu que je n'avais pas envie de le faire et je m'en limitais là. Évidemment, c'est un journal qui a besoin aujourd'hui d'exister. C'est un journal qui a besoin de polémiquer au vu des manchettes qu'il fait, compte tenu des difficultés qu'il traverse. C'est alors qu'un ancien président (laissé dans l'anonymat) a été sollicité pour faire la lettre que j'ai refusée. Cette lettre n'était qu'un tissu d'insanités et de mensonges que je peux absolument démentir, et démontrer que tout était faux là-dans. Mais je n'avais pas envie de donner l'occasion à ce bonhomme que j'ai sauvé d'une affaire pénale de renaître de ses cendres. Je me suis opposé au conseil de surveillance à l'époque qui avait voulu le traduire au pénal quand il quittait le club [ Olympique de Marseille].
Que vous inspire la polémique soulevée autour des binationaux après le nul (1-1) contre l'Angola en Guinée et le choix d'Alain Giresse ?
Vous savez, quand il y a une défaite ou un résultat parfois inattendu, on essaie de trouver des réponses à des questions parfois mal posées. La question des binationaux ne doit pas susciter un débat dans la mesure où la présence de ces derniers dans l'équipe, pour la plupart, est justifiée d'abord par la réponse à une demande qui leur a été faite. On a connu des moments où faire venir des binationaux était très difficile. Maintenant qu'ils sont là, on ne peut pas leur faire des reproches lorsque les résultats ne sont pas bonnes. Il ne faut pas d'ores et déjà condamner cette équipe. Elle a du chemin à faire. Les objectifs pourront être atteints, même si ce n'est pas le cas pour le moment. Il faut aussi rappeler que si le Sénégal n'a réussi qu'un nul en territoire étranger, c'est dû à des erreurs qui ont été commises par certains, notamment des supporters. Si le match avait été joué à Dakar, le résultat aurait pu être différent. Je pense qu'il ne faut pas se défausser sur les uns et sur les autres mais savoir prendre des responsabilités politiques.
Lorsqu'il s'est agi de choisir le sélectionneur national, les gens ont déclaré que j'ai eu à influencer le fédération. Mais je n'ai fait que dire que si l'option locale se posait, je voyais bien Aliou Cissé à la tête de l'équipe nationale montrer qu'il avait les critères d'être un bon entraîneur. Mais dès l'instant qu'il s'est agi de se tourner vers un entraîneur étranger, Alain Giresse paraissait être l'homme de la situation au vu de son expérience africaine et de sa carrière en tant que joueur par rapport aux candidats présents. Alain Giresse sait que le seul soutien qu'il aura, c'est les résultats qu'il fera. Ces résultats ne seront que ce que lui-même et ses joueurs feront.
Comment appréciez-vous le débat sur les quotas France?
A propos de la question sur les quotas, j'étais l'une des rares personnes à ne pas laisser ce débat mourir de sa belle mort. J'avais même fait une chronique là-dessus dans l'hebdomadaire L'Express qui avait aussi suscité des controverses. Pour moi, le problème des quotas a été évacué par lâcheté, par commodité et parfois par ignorance. Et puisque Laurent Blanc était présent à la rencontre à laquelle ce problème a été soulevé, la question qui a été agitée en fin de compte était de savoir s'il était raciste ou pas. J'ai eu à répondre en disant que Laurent Blanc n'était pas du tout raciste car je le connaissais personnellement, je le connaissais très bien. Et donc vouloir réduire le problème des quotas à cette question, c'était escamoter un problème sérieux. Le problème des quotas n'aurait jamais dû exister, de mon point de vue. Si du point de vue du nombre de footballeurs noirs et arabes qui évoluent dans les différents championnats de France, on trouvait en proportion de ce nombre des noirs et des arabes dans ces instances, ce problème n'aurait jamais existé. Mais s'il a été soulevé, c'est parce que les gens qui étaient présents à cette rencontre, n'ayant pas vu de noirs ou d'arabes, se permirent de sortir ce genre d'argument. C'est un argument d'autant plus fallacieux qu'on prétextait vouloir mettre le football français sur les rails en copiant sur des modèles comme l'Espagne où les joueurs sont considérés comme des joueurs de poche. Ils disaient qu'en France, on continuait à recruter sur le même modèle, c'est-à-dire, sans le dire ouvertement, des joueurs arabes et noirs forts et athlétiques qui ne permettaient pas de gagner de grandes compétitions. Ce qui me paraît être faux. Car lors du dernier match à Paris entre la France et l'Espagne, j'ai vu des joueurs arrière espagnoles costauds.
Par Louis Georges DIATTA
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