Publié le 6 Jan 2025 - 10:49
POLEMIQUES AUTOUR DES NOMINATIONS D’AOUA LY ET DE RAKI KANE

Une fracture au sein des militants de Pastef

 

La nomination d’Aoua Bocar Ly Tall au Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a provoqué une onde de choc au sein des militants de Pastef. Alors que le parti au pouvoir devenu majoritaire à l’Assemblée nationale avait promis à ses partisans un renouveau dans la gestion des affaires publiques, ces nominations suscitent des débats houleux, tant sur les réseaux sociaux que dans l’espace public.

 

À l’annonce de la nomination d’Aoua Ly Tall, le jeudi 2 janvier, les critiques ont fusé sur Facebook, Tik Tok et X, plateformes favorites des militants de Pastef. De nombreux partisans ont exprimé leur indignation, accusant cette dernière d’avoir soutenu Macky Sall et d’avoir émis des propos jugés offensants à l’égard d’Ousmane Sonko, leader de Pastef. Des publications, vidéos et photos anciennes d’Aoua Ly ont été exhumées pour justifier l’opposition à sa nomination.

‘’Trahison’’, ‘’erreur de casting’’, ‘’favoritisme’’ : les qualificatifs n’ont pas manqué pour décrire ce choix. Les militants les plus virulents estiment que l’esprit du projet Pastef, fondé sur l’éthique et la rupture, est ainsi trahi.

La réaction d’Aoua Ly Tall et de Raki Kane

Face à la controverse, Aoua Ly Tall s’est exprimée sur les ondes de la RFM, hier. Dans un ton apaisant, elle a remercié le président Bassirou Diomaye Faye pour sa nomination tout en appelant à un ‘’esprit de dépassement’’.

‘’Il ne faut pas me boire le verre plein. Il faudrait me boire l’autre partie’’, a-t-elle déclaré, insistant sur le fait que les critiques ne devraient pas occulter les aspects positifs de son parcours. Elle a aussi affirmé avoir reçu de nombreuses marques de soutien et de félicitations.

Le cas de Raki Kane, nommée secrétaire exécutive de la Commission d’évaluation, d’appui et de coordination (CEAC), a également suscité des controverses. Sa nomination, bien que récente, a ravivé les tensions chez les partisans de Pastef. Certains lui reprochent de ne pas incarner la rupture promise, tandis que d’autres y voient une continuité des pratiques clientélistes du passé.

Dans une publication sur Facebook, Raki Kane avait remercié les nouvelles autorités pour leur soutien, une déclaration qui a attisé la colère des ‘’pastéfiens’’. ‘’Pourquoi remercier des autorités quand on devrait travailler pour le peuple ?’’, se demandent certains.

Les appels à la retenue

Malgré la tempête, certaines figures emblématiques du parti au pouvoir, comme le député Amadou Ba et Fadilou Keita, directeur de la Caisse des dépôts et consignations ont appelé à la retenue. Dans un post sur sa page Facebook, Amadou Ba a tenté de relativiser : ‘’Sur plus de 400 nominations, seules deux sont contestées. Cela montre qu’il n’y a pas de volonté de trahir le projet Pastef.’’

Fadilou Keita, quant à lui, a défendu l’importance du CNRA en tant qu’institution indépendante et a appelé à respecter les choix des autorités.

Dans un ton plus nuancé, certains estiment qu’il est temps d’apporter des changements à l’interne. C’est le cas de Diaby Gassama, responsable de Pastef/Canada, et du député Abdoul Ahad Ndiaye. ‘’Même sentiment que tous les patriotes. Mais pas au point d’attaquer les autorités pour cela. Le vrai problème, c’est pourquoi les ‘apéristes’ occupent toujours les postes de direction ? Pourquoi tant de lenteur dans les nominations ? C’est cela qu’il faut régler’’.

Ils pointent également la nomination d’Aoua Bocar Ly Tall comme une ‘’véritable erreur de casting’’, tout en exprimant leur confiance envers les autorités compétentes pour y remédier. Abdoul Ahad Ndiaye appelle à ‘’viser l’excellence’’ en proposant des profils adaptés aux besoins du pays, tout en restant courtois et unis. ‘’Nous devons éviter de fragiliser l’Exécutif avec des revendications allant dans le sens de la démission d’un ministre’’, estime le député.

D’après certains analystes, notamment Ngouda Sall, les nominations au sein du CNRA n’ont pas respecté les procédures légales. Selon lui, l’article 3 de la loi n°2006-04 du 4 janvier 2006 prévoit une consultation des associations faîtières avant toute nomination. Ce manquement pose un problème de légitimité et remet en question l’indépendance de l’institution.

Une fracture plus profonde

Pour les citoyens lambda, les partisans de Pastef devraient également tenir Ousmane Sonko, Premier ministre, pour responsable, puisqu’il contresigne tous les décrets de nomination. Alors qu’il avait annoncé qu’une enquête de moralité précéderait toute nomination. Selon eux, il semble se dérober de ses responsabilités chaque fois qu’une crise éclate, comme dans le cas de Samba Ndiaye. Ils rappellent qu’il avait publié un message destiné à ses militants, après les déclarations polémiques de Guy Marius Sagna, Abass Fall et Waly Diouf Bodian. Ce qui soulève des interrogations sur sa gestion des désaccords internes.

D'autres critiquent sévèrement le ministre de la Communication et de l'Économie numérique, Alioune Sall, l'accusant de manquer d'expérience et de méconnaître profondément le Sénégal et ses réalités, notamment en ce qui concerne les profils et les dynamiques du secteur médiatique. Pour ce journaliste ayant requis l'anonymat, "c'est quelqu'un qui ne connaît rien de la presse ni des figures de la presse sénégalaise. C'est un banquier qui vivait en France avant l'arrivée des patriotes au pouvoir". Ce manque d'ancrage local alimente les doutes sur sa capacité à mener à bien des réformes dans un domaine aussi stratégique que la communication.

Par ailleurs, l’annonce de la plateforme de recrutement ‘’Ligeeyal sa reew’’, par le président Bassirou Diomaye Faye, est perçue comme une tentative de répondre à ces critiques. Cependant, certains dénoncent une simple mesure cosmétique.

Les nominations d’Aoua Ly Tall et de Raki Kane mettent en lumière les faiblesses et les contradictions auxquels le nouveau gouvernement est confronté. Entre attentes des militants et réalités de gouvernance, la marge de manœuvre semble étroite. Une chose est sûre : ces polémiques risquent de laisser des traces durables dans l’électorat de Pastef.

Pour certains observateurs, ces épisodes révèlent l’importance de la transparence et de l’éthique dans la gestion des nominations publiques. Le gouvernement devra redoubler d’efforts pour restaurer la confiance des militants et éviter que de telles controverses ne ternissent davantage son image.

AMADOU CAMARA GUEYE

Section: 
CNRA, CODE DE LA PUBLICITÉ… : Aliou Sall en prend pour son grade
CHEIKH TIJAAN SOW (MUSICIEN, ACTEUR DE CINÉMA, ANTHROPOLOGUE…) : ‘’Le mbalakh est un peu dans une fin de cycle…’’
NOMINATIONS AU CNRA : Une nouvelle équipe pour des défis renouvelés
EL HADJ DEMBA DIA ALIAS ‘’JAH’’ : Un réalisateur au cœur du milieu carcéral
LITTÉRATURE, FRANÇAFRIQUE, AFFAIRE HABRÉ, MACKY SALL, FONDATIONS DES 1RES DAMES… : Fatimé Raymonde Habré à cœur ouvert
RÉTRO CULTURE 2024 : Année de contrastes
CÉRÉMONIE DE DÉDICACE -  ‘’A L'OMBRE DU BÉNTEÑE’’ : Cheikh Oumar Sy déclare sa flamme à sa commune
3e ÉDITION DU CONCOURS TREMPLIN STARTUP UEMOA Le développement des industries culturelles et créatives au cœur des préoccupations
PAROLIER DU KARTALA (SLAMEUR), AUTEUR DE “SELEBEYOON” : “Le Sénégal m’a offert...”
DÉDICACE DE LIVRE : Madiambal, dans la peau du romancier 
FESTIVAL INTERNATIONAL DE THIONCK-ESSYL : La culture comme remède contre la crise des valeurs
GUÉDIAWAYE BY RAP : La 11e édition célèbre Matador
Thiès
CÉRÉMONIE D'OUVERTURE FESTIVAL  DAKAR COURT : Les œuvres cinématographiques célébrées à Dakar
SAINT-LOUIS : MASTERCLASS JOURNALISME : Les jeunes invités à avoir l’éthique en bandoulière
ENTRETIEN AVEC DAOUDA GBAYA, JOURNALISTE-ÉCRIVAIN : ‘’Le problème de l'émigration irrégulière ne peut être réglé partiellement’’
CHORÉGRAPHIE - ALGORITHM OCEAN TRUE BLOOD MOVES : Un regard sur l'histoire
BIENNALE OFF - EXPOSITION ‘’NDAJE’’ : Voyage à travers les émotions et les couleurs  
FESPACO
DÉCISIONS ANNONCÉES HIER PAR ALIOUNE SALL : Le Cdeps va attaquer les arrêtés du ministre de la Communication