Ousmane Diagne annonce des réformes et des initiatives
Hier, lors de la Conférence nationale des chefs de parquet, le ministre de la Justice a annoncé un ensemble de réformes et d’initiatives visant à maîtriser la population carcérale en vue d'améliorer substantiellement les conditions de détention, mais aussi de renforcer la contribution de la justice à la couverture des charges publiques.
La Conférence nationale des chefs de parquet s’est tenue hier, en présence des organisations de défense des Droits de l'homme, de divers professionnels, avocats, notaires, policiers, experts, syndicats et autres associations d'injustice, entre autres. Présidée par le ministre de la Justice Ousmane Diagne, elle avait pour thème ‘’Redynamisation des bureaux d’exécution des peines et réponses à la problématique de la surpopulation carcérale’’.
Cette édition présente, selon le ministre, la particularité d'intervenir à un moment de réception et de mutation du système pénal sénégalais. ‘’En effet, à la faveur de l'adoption de l'Agenda 2050, Son Excellence Monsieur le Président de la République a engagé notre pays dans une dynamique de transformation intégrale, dans laquelle la justice extrapolée a joué un rôle primordial, comme en attestent les recommandations issues des assises nationales’’, a souligné le ministre, avant de faire remarquer que la rencontre de cette année s’inscrit dans la lignée des ambitions du président de la République qui, dès son accession au pouvoir, a réaffirmé l’importance d’une justice indépendante, capable de garantir les libertés fondamentales et l’équilibre social, mais aussi et surtout de participer efficacement à la mobilisation des ressources et à la sauvegarde des deniers publics.
Dans ce sens, Ousmane Diagne a noté que son département va s'efforcer de traduire les orientations du président de la République en actes, à travers un ensemble de réformes et d’initiatives. Il s’agira, renseigne-t-il, de mettre en place un système pénal capable de garantir la maîtrise de la population carcérale en vue d'améliorer substantiellement les conditions de détention. Il est aussi question de renforcer la contribution de la justice à la couverture des charges publiques.
Comment contribuer plus au budget de l’État
Car, en dépit des nombreuses réformes législatives et réglementaires entreprises ces dernières années, ‘’la problématique de la surpopulation carcérale est devenue un défi structurel et humain, en raison de la survivance d’un certain nombre de lenteurs et de goulots d’étranglement dans le traitement des dossiers’’, constate le ministre de la Justice.
C’est pourquoi ‘’le renforcement de l’implication de la justice dans la sauvegarde des ressources publiques et sa contribution active dans l’économie nationale, dit-il, impliquent de notre part une redynamisation du processus de recouvrement des amendes, confiscations et autres frais de procédure dont le produit devrait constituer une source importante de recettes pour le budget de l’État’’.
À son avis, des avancées importantes ont été réalisées dans ce sens, avec la conception d’un guide pour le recouvrement des amendes, l’installation d’un bureau d’exécution des peines dans certaines juridictions pilotes comme Saint-Louis et le déploiement de quelques moyens matériels. Cependant, il constate que l’exploitation des statistiques reçues récemment des différents parquets montre que l’exécution des condamnations pécuniaires bute encore sur un certain nombre de défis liés notamment à l’anachronisme du processus d’exécution, l’éparpillement des responsabilités, l’absence de coordination entre les acteurs impliqués et l’insuffisance de personnels et de moyens.
‘’Les études récentes menées sous mon autorité, par la Direction des affaires criminelles et des grâces révèlent, en effet que, rien qu’au tribunal de grande instance de Dakar, le montant des amendes prononcées entre 2022 et 2024, et non encore recouvrées, s’élève à plus de trois milliards (3 112 145 810 F CFA)’’, renseigne Ousmane Diagne.
Pour lui, cela renseigne sur l’importance de la contribution que la justice peut apporter à l’économie nationale, mais aussi, et surtout sur l’urgence d’une exécution effective des décisions. C’est sur ce chantier des mesures correctives et des bonnes pratiques pour un désengorgement progressif des prisons et un recouvrement effectif des condamnations pécuniaires qu’Ousmane Diagne engage les représentants du ministère public.
L’importance de penser à la réintégration des anciens détenus
Le ministre a aussi évoqué certains défis tirés de l’analyse de quelques statistiques reçues des parquets et des cabinets d’instruction. Il soutient que l’implication du ministère public dans la mise en œuvre des modes d’aménagement des peines, destinés à récompenser les efforts de resocialisation fournis par certains condamnés, reste encore ‘’insuffisante, voire marginale’’. Ousmane Diagne a également déploré les dossiers en attente de réquisitoires définitifs dans les parquets, les lenteurs dans le traitement et la transmission des dossiers frappés d’appel ainsi que les retards constatés dans l’enrôlement et la mise en état des procédures. Ces éléments continuent d’atténuer les performances réalisées dans d’autres aspects de la justice pénale, selon lui.
Enfin, le ministre considère que l’implication des représentants du ministère public dans le suivi du bon fonctionnement des cabinets d’instruction, en relation avec les autorités compétentes, reste un défi majeur pour lutter efficacement contre les longues détentions provisoires.
Pour sa part, après avoir souligné que les questions abordées interpellent ses collègues et lui, Maitre Aly Fall a évoqué la question relative à la peine et aux détentions de longue durée, défendant l'importance de penser à la réintégration des anciens détenus. ‘’Si la peine doit aboutir à le déstructurer, non seulement on a échoué, mais on a un élément en nous qui peut être aussi dangereux que si on n'y avait peut-être pas fait de peine. J'accorde cela à l'esprit’’, a-t-il déclaré.
À cet effet, il rassure que le barreau accompagnera le ministère dans la conservation et la préservation d'une justice sociale sainte, tout en promettant d’être vigilant pour que les peines soient justes, proportionnelles et aident les citoyens à se réintégrer. ‘’J'ai toujours eu l'habitude de dire que toutes les réflexions qu'on peut mener, toutes les politiques qu'on peut mener, c'est au niveau pratique, au niveau de l'élaboration qu'on a besoin d'apporter de la pertinence’’, a-t-il terminé.
BABACAR SY SEYE