Publié le 30 Dec 2021 - 19:31
PORTRAIT CROISE DE DEUX CANDIDATS

Soham, la maturité, le calme d’une enseignante aguerrie

 

Ancienne professeure d’anglais au lycée Blaise Diagne et Adama Diallo de Sicap Karack, la maire sortante de Dakar, candidate du parti Union citoyenne Bunt Bi, a servi pendant 27 ans dans l’enseignement avant de s’engager en politique pour, dit-elle, contribuer au développement de son pays et à la lutte contre la pauvreté.

 

Si elle n’avait pas été politicienne, elle aurait pu être humanitaire. Elle, c’est Soham El Wardini, née à Latmingué en 1953, d’un père chrétien originaire du Liban et d’une mère musulmane venue du cœur du mouridisme, à Mbacké, et membre de l’entourage proche de l’ancien khalife général Serigne Fallou Mbacké. Exemple parfait du dialogue islamo-chrétien au Sénégal, Soham, candidate de l’Union citoyenne Bunt Bi, ne manque pas d’atouts pour la bataille de la capitale.

Hélas, comme tous les autres candidats, elle va devoir faire face à une montagne d’obstacles pour parvenir à ses fins.

Soham El Wardini n’est pas de cette race d’hommes et de femmes dont la politique a été comme une bouée de sauvetage. Avant de s’engager, elle a eu à mener un brillant parcours dans l’enseignement, en tant que professeure d’anglais. D’abord, au lycée Blaise Diagne, de 1980 à 1987. Ensuite, au CEM Adama Diallo de Sicap Karack, de 1987 à 2007, avant de prendre une retraite anticipée et de se consacrer entièrement à la politique et au développement.

C’est en 1973 que l’actuelle maire de Dakar a obtenu son baccalauréat au lycée Gaston Berger de Kaolack. Malgré un succès retentissant sur les podiums du mannequinat au Sénégal et dans l’espace de la Sénégambie, elle garde la tête sur les épaules et préfère se concentrer sur ses études. Le Bac en poche, elle dépose ses baluchons au Département d’anglais de l’université de Dakar, où elle décroche sa Licence, avant de rejoindre l’Ecole normale supérieure. Après 27 ans au service de l’enseignement, elle décide de raccrocher pour aller à l’assaut de nouveaux défis.

Mais c’est en 1999, veille de l’alternance, qu’elle a pris la décision de s’engager en politique. Elle avait 47 ans et se sentait redevable envers son pays.

Opposante peu ferme contre le régime

A l’émission ‘’D’Clique’’ de la TFM récemment, elle confiait : ‘’Il me restait juste 13 ans pour aller à la retraite. Je me suis dit qu’il fallait que je continue à être utile à mon pays qui m’a tout donné, qui m’a éduquée, m’a payé un salaire, a tout fait pour moi. Je me disais aussi qu’il fallait que je fasse quelque chose pour tous ces jeunes qui peinent à trouver un emploi, ces familles qui arrivent difficilement à joindre les deux bouts. Voilà les raisons de mon engagement politique. J’ai pensé qu’en m’engageant, je pourrais faire encore plus pour mon pays.’’

Pour ce faire, la professeure d’anglais ne cherche pas midi à 14 h. Elle opte très vite pour l’Alliance des forces de progrès (AFP) qui venait de naître et dont le leader Moustapha Niasse est originaire de la même région qu’elle.

Mais très vite, Soham se heurte aux dures réalités de la politique. De nature très calme, sans histoire, trop émotionnelle dans un milieu de grands fauves, elle va se confronter aux convoitises, aux rivalités et autres coups bas. Déterminée, elle continue à se battre, malgré les avertissements de quelques proches qui lui soufflent : ‘’Tu aurais dû t’engager dans le domaine de l’humanitaire et non en politique.’’

Il n’empêche, la sœur de Rose et du Cl Wardini fonce et a failli devenir maire en 2009 à la place de Barthélémy Dias. Sans rancune, avec le sourire en coin, elle confiant dans ‘’D’Clique’’ : ‘’Khalifa m’a d’ailleurs confié plus tard que c’était lui qui avait fait ce pourquoi je n’ai pas été élue.’’

Cinq ans plus tard, en 2014, elle décide de se ranger tranquillement, laisser celui qu’il considère comme un fils rempiler au niveau de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur. Sans calcul. Elle n’imaginait pas que son choix allait la mettre sur le chemin direct de la plus prestigieuse des collectivités locales du Sénégal.

En effet, choisie comme première adjointe de Khalifa, elle va assurer son intérim à partir des déboires judiciaires de son ex-mentor politique, avant de lui succéder définitivement en 2018, devenant ainsi la première maire de la capitale sénégalaise.

Pour les Locales à venir, Soham pensait être le choix naturel de son camp politique, compte tenu de son engagement permanent, des critères initialement retenus pour la désignation des candidats de leur coalition. Elle n’avait pas compris que les lois politiques sont modifiables à souhait, en fonction des réalités politiques du moment. Elle disait : ‘’J’ai été surprise ; étonnée ; je ne m’y attendais pas du tout. Il y avait des principes, une charte qui prévoit que les maires sortants seront investis pour défendre leur bilan. Cela a été respecté partout à Dakar, sauf pour la ville. Je n’ai vraiment pas compris pourquoi.’’

Naïve sur le coup, elle n’avait même pas pensé à un plan B. C’est au dernier moment que l’opportunité s’est présentée avec l’Union citoyenne Bunt Bi. Elle ironise : ‘’Taxawu mooma yewwi, Bunt Bi Ubeeku, ma dugu (la coalition Taxawu m’a libérée, Bunt Bi m’a accueillie).’’

Sans grand appareil, présentée comme une opposante peu ferme contre la majorité, Soham compte sur son bilan pour rempiler. Combattante de l’émancipation des femmes, elle avait, dès les premières heures, engagé son magistère sous le sceau de l’amélioration du cadre de vie des Dakarois et d’une meilleure gestion de l’espace urbain dans le cadre son programme ‘’Dakar ville propre’’. Les Dakarois vont apprécier ce qu’elle a bien pu faire de son mandat.

MOR AMAR