Le prononcé du juge d'instruction Mahawa Sémou Diouf contre Alioune Aïdara Sylla est implacable. L'ex-député autant qu'homme de main de l'ancien président de la République a été inculpé pour «association de malfaiteurs, escroquerie portant sur des deniers publics et de complicité de blanchiment de capitaux portant sur 2,6 milliards de francs Cfa». Depuis lundi, il s'est invité à la prison centrale de Rebeuss, même s'il conteste les accusations du juge. Le pauvre !

Il se demande sans doute pourquoi il serait le seul de la bande à devoir croupir en prison alors qu'il semble établi que d'autres dignitaires du Parti démocratique sénégalais dûment identifiés par la justice font partie de ce deal concocté par des bandits de grand chemin. Il a raison. Le pauvre ! Des personnes de cet acabit pullulent sous tous les régimes politiques du monde. Discrets jusqu'à l'obsession, efficaces en toutes occasions, réseautés sous toutes les latitudes, ils portent en eux une religieuse aptitude, celle de croire que la fatalité du compagnonnage est irrémédiable. D'où leur peine à se départir des «amitiés» que la nature leur a imposées, fussent-elles criminelles. Pour l'éternité, ils seront toujours des lampistes.

Leurs chefs, eux, très hautes personnalités souvent, savent utiliser les ressorts mafieux de leur passé pour se protéger contre tout. Mais il y a des limites. Et quelles limites !

Pour la première fois dans l'histoire de notre pays, un président de la République sortant est indirectement mis en cause pour les délits dits «association de malfaiteurs», «escroquerie» et «complicité de blanchiment de capitaux». Le problème, ce n'est pas seulement Abdoulaye Wade, c'est aussi son successeur.

Wade est le chef de file d'une bande de malfaiteurs qui bénéficient encore de ses largesses. Mais Macky Sall, lui, qu'est-il prêt à faire pour que son prédécesseur soit inquiété à la hauteur de ses méfaits passés et présents ? D'où sortira ce juge intrépide qui osera lancer un mandat d'arrêt international contre le vieux Wade dont les capacités de nuisance semblent se bonifier au fil des âges ?

Prisonnier de ses engagements envers Wade, prisonnier de certaines pratiques qu'il va sans doute intégrer pour lui-même, prisonnier des calculs et combinaisons qu'impose le pouvoir, Macky Sall ne semble pas préparé à offrir au peuple du Sénégal la tête d'un bourreau qui se sera tout permis sur le dos de ses compatriotes. Sur cette question bien précise, Macky Sall est bien devenu le problème !