Une croisée littéraire et politique
Le musée des Civilisations noires de Dakar a accueilli un événement à la frontière entre présentation d’une œuvre et rassemblement politique. En effet, Mame Birame Wathie y a dévoilé son ouvrage intitulé ‘’La jeunesse prend le pouvoir : une révolution démocratique à la Sénégalaise’’, un récit dénonciateur qui plonge au cœur des tensions politiques et sociales ayant marqué le Sénégal lors des élections présidentielles de 2019 et 2024.
Samedi dernier, ‘’La jeunesse prend le pouvoir : une révolution démocratique à la Sénégalaise’’ a été dévoilé au grand public au musée des Civilisations noires. L’œuvre met en avant une célébration du courage et de la persévérance de la jeunesse sénégalaise.
Cependant, entre des invités venus célébrer une œuvre littéraire et de fervents partisans d’un changement politique, l’atmosphère oscillait entre la solennité d’une présentation et l’enthousiasme exalté d’un meeting du Pastef.
Le public, composé d’intellectuels tels que Cheikh Niass, PDG du groupe Walfadjri, des autorités politiques comme le secrétaire d’État à la Culture Bacary Sarr, Fadilou Keita, DG du CDC et de la députée Maïmouna Bousso, sans oublier de nombreux jeunes militants, semblait captivé par les idées véhiculées dans le livre, mais également par l’écho qu’il trouvait dans cet événement.
D’après Bara Tall, le préfacier, l’œuvre retrace une réalité pointant vers une phase clé de l'histoire politique du Sénégal. Selon lui, ‘’l'engagement de l’auteur ne s'arrête pas aux actions passées, car elle est aussi un symbole de son attachement à l'évolution politique et culturelle du pays’’. Il a par ailleurs expliqué comment ces événements ont renforcé sa conviction de participer activement à l’écriture de cette préface. ‘’Les luttes pour une gouvernance plus juste sont importantes à documenter, afin que les générations futures puissent comprendre les enjeux passés et tirer des leçons pour l’avenir’’.
L’événement transformé en tribune
Si l’intention initiale était de présenter le livre, l’événement s’est vite transformé en tribune. ‘’Si la jeunesse veut que ce pays change, elle doit renoncer à ses privilèges’’, a lancé un intervenant, provoquant des applaudissements nourris. L’idée d’une révolution démocratique portée par la jeunesse a résonné avec force dans l’assemblée. Dans le même sens, un autre intervenant a souligné la profondeur de l’analyse proposée par Mame Birame Wathie. ‘’Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres’’, a-t-il rappelé en saluant le courage de l’auteur pour avoir exposé avec rigueur et brio les crises traversées par le Sénégal depuis 2019.
Quant à la professeure de français et critique littéraire Mame Ngoné Faye, elle a souligné le courage et la capacité de l’auteur à analyser les événements avec clarté, même dans les moments les plus sombres.
En outre, elle a décrit le livre comme une boussole qui éclaire l’avenir et guide le lecteur à travers une vision claire et précise. ‘’Cet ouvrage est à l’image de son auteur : incisif, audacieux et profondément humain. La forme du texte constitue, à mon sens, l’une des grandes forces de cette œuvre’’, a-t-elle déclaré.
Elle a également confié que ce qui l’a marquée, en tant que critique, c’est la maîtrise parfaite de la structure narrative. ‘’Mame Birame a su bâtir un texte très cohérent qui suit une progression fluide et logique et qui guide le lecteur du début à la fin. C’est une structure réfléchie qui témoigne d’un esprit rigoureux’’.
Un livre entre dénonciation et espoir
Dans ‘’La jeunesse prend le pouvoir…’’, Mame Birame Wathie met en lumière la pression politique, les emprisonnements et la répression ayant jalonné la lutte pour une démocratie véritable. L’œuvre revient particulièrement sur les élections présidentielles qui ont vu s’affronter Ousmane Sonko et Macky Sall, un événement marquant pour la jeunesse sénégalaise et symbole des aspirations démocratiques du pays. L’auteur dénonce également la gestion chaotique des finances publiques, avec un chiffre marquant évoqué à plusieurs reprises durant la présentation : 11 000 milliards. Ce montant, représentant la dette du Sénégal, incarne, selon lui, une politique économique à repenser entièrement.
Malgré la portée de ses interventions piquantes, Mame Birame Wathie a su ramener l’attention sur son livre. Il a, par ailleurs, rappelé les raisons qui l’ont poussé à écrire cet ouvrage. ‘’Seule l'écriture était mon affaire. L'autre raison qui m'a poussé à vouloir sortir cet ouvrage est que nous avons vécu beaucoup d'événements qui, selon moi, doivent être inscrits dans la mémoire de notre pays. On ne doit pas les oublier. Souvent, renchérit-il, on nous dit que le Sénégalais oublie vite, ou s'il se remémore, il risque de se voir raconter une autre version de son histoire’’.
De ce fait, à travers son œuvre, Mame Birame invite à une réflexion collective sur les sacrifices nécessaires pour atteindre une démocratie véritable. La présentation de ‘’La jeunesse prend le pouvoir’’ s’est clôturée sous des applaudissements nourris, mais également avec une certaine ferveur politique. Cet ouvrage, qui s’inscrit entre dénonciation sociale et plaidoyer pour un renouveau démocratique, semble déjà promis à devenir une référence incontournable pour la jeunesse sénégalaise en quête de changement.
THECIA P. NYOMBA EKOMIE