Publié le 26 Jan 2018 - 19:48
PROCES KHALIFA SALL

La défense demande l’arrêt des poursuites

 

Après le débat autour des constitutions de parties civiles, la défense a listé, hier, ses griefs contre la procédure en cours contre le maire de Dakar et ses coprévenus. Elle a évoqué entre autre motifs ‘’l’irrégularité du réquisitoire introductif, de l’ordonnance de renvoi, la violation du règlement n 05 de l’UEMOA sur l’assistance de l’avocat…’’

 

Au troisième comme au deuxième jour, il a été question de droit pur au tribunal de grande instance de Dakar. C’est Maître Doudou Ndoye qui, hier, a lancé les hostilités. D’emblée, il s’attaque au défaut de calendrier. ‘’Nous sommes fatigués parce que nous ne connaissons pas le temps de ce procès. Dans les grandes démocraties, un calendrier est établi dès le début du procès. Ainsi, la défense pourrait s’organiser en conséquence’’. Cette précision faite, l’ancien ministre de la Justice aborde les exceptions qui, estime-t-il,  devraient aboutir à l’annulation de toute la procédure en cours contre ses clients dont le maire de Dakar Khalifa Sall. Ces arguments tournent autour de quatre éléments : le réquisitoire introductif du parquet, la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa, l’ordonnance de renvoi, la violation des droits de Fatou Traoré qui aurait dû comparaître libre.

En clair, Maître Doudou Ndoye estime que le réquisitoire introductif par lequel le procureur a saisi le juge d’instruction pour l’ouverture d’une information n’est pas valable. Pourquoi ? Parce que, explique-t-il : ‘’L’acte se limite à dire qu’il y a des présomptions graves d’association de malfaiteurs, de faux et usage de faux en écriture de commerce... Donc, le document désigne des qualifications, et non les faits qui leur sont reprochés.’’ Or, poursuit la robe noire, la jurisprudence française a jugé que ‘’le juge d’instruction n’instruit que sur des faits dont il a été saisi. Il ne peut le faire que s’il y a des faits expressément mentionnés dans l’acte’’. Dans le cas d’espèce, le parquet s’est limité à viser le rapport de l’Inspection générale d’Etat et le procès-verbal d’enquête de police. Cela ne saurait être suffisant, d’après Me Ndoye, qui convoque l’article 71 du Code de procédure pénale. Celle-ci, selon lui, fait obligation au parquet de désigner les faits dans son acte de saisine.

Après en avoir fini avec l’acte du parquet représenté par Serigne Bassirou Guèye, Doudou Ndoye s’en prend à l’acte du doyen des juges Samba Sall. Il s’agit de l’ordonnance de renvoi. A l’en croire, le juge d’instruction a confondu vitesse et précipitation. Comme le réquisitoire introductif, il demande purement et simplement son annulation. Car, souligne l’avocat : ‘’L’ordonnance doit être nulle, puisqu’ayant été prise en violation fondamentale des droits des prévenus. En effet, dans sa précipitation à vouloir juger à tout prix Khalifa Sall, la justice a failli en nous privant de notre droit d’être jugé en appel par la chambre d’accusation. C’est pourquoi aujourd’hui, c’est vous qui êtes saisi et non la chambre d’accusation pour trancher ce différend.’’

Sous le regard attentif du président Malick Lamotte et de ses assesseurs, Maître Ndoye continue avec la même hargne sa plaidoirie, en parlant de l’épineuse question de la levée de l’immunité parlementaire de son client Khalifa Sall. Pour lui, la levée de l’immunité parlementaire du maire de Dakar n’ayant pas respecté les  règles, il faut en déduire que l’autorisation de le juger devant le tribunal fait défaut. ‘’Aucun membre du Parlement ne doit être poursuivi en matière correctionnelle sauf en cas d’autorisation de l’Assemblée nationale.

C’est d’ailleurs pourquoi l’Etat, après avoir nié l’immunité du prévenu, a fini par l’admettre en demandant à l’assemblée l’autorisation de le traduire en justice. Mais c’était trop tard’’, peste-t-il, avant d’ajouter : ‘’Khalifa Sall devait être libéré d’office à chaque session parlementaire. Lors de l’examen de la levée de son immunité parlementaire, il devait être libéré pour participer à cette session. La levée de l’immunité n’a donc pas respecté les formes. D’abord parce que Khalifa Sall était en détention. Ensuite, la personne qui a signé l’extrait de procès-verbal qui nous a été transmis n’est pas habilitée.’’

Une prérogative qui, selon lui, revenait à Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale, et non à son secrétaire général Marie Joséphine Diallo. ‘’Sauf s’il existe d’autres pièces que nous ignorons.’’ Par ailleurs, les conseils de la défense ont estimé que les complices de Khalifa Sall devraient être libérés depuis le 09 septembre 2017, après l’écoulement des six mois de garde à vue. Leur détention au-delà de cette date est arbitraire. L’avocat d’Ibrahima Yatma Diaw et de Yaya Bodian précise : ‘’Mes clients sont détenus abusivement. Ils devaient être libérés depuis fort longtemps. Car la loi l’exige au-delà de six mois de détention. L’erreur est humaine mais persister dans l’erreur est diabolique.’’

Maître Moustapha Ndoye a abondé dans le même sens. Il ajoute, à propos du réquisitoire introductif, que le fait de viser le rapport de l’Ige ne saurait suffire pour se conformer aux prescriptions de l’article 71. D’autant plus que, renchérit-il, ‘’le rapport ne parle nullement de délit’’. Aussi, selon certains conseils de la défense, il faut même remettre en cause la compétence de l’Ige à auditer une collectivité locale qui est autonome. Selon eux, c’est la Cour des comptes qui est habilitée à le faire. Ce qui fait dire à Me Moustapha Ndoye qu’il s’agit ‘’d’un règlement de comptes. Ici, les poursuites viennent de Benno Bokk Yaakaar. L’institution qui incarne BBY a saisi l’Ige pour poursuivre un maire.

L’Assemblée nationale composée majoritairement de députés membres de BBY a levé l’immunité. Aujourd’hui, l’Etat veut empiéter sur le pouvoir des collectivités locales en se constituant partie civile. C’est pourquoi le problème sur l’indépendance de la justice se pose. Vous avez là une occasion de redorer le blason de la justice.’’ Toujours calme et serein, Bamba Cissé a quant à lui axé sa plaidoirie sur le règlement numéro 05 de l’Union économique et monétaire ouest africaine, reprise par le Code de procédure pénale, pour demander l’annulation de la procédure. Selon lui, les enquêteurs n’ont pas notifié à son client Mbaye Touré qu’il avait le droit de se faire assister d’un avocat dès son interpellation. Brandissant l’arrêté du ministre de la Justice, il demande l’annulation de toute la procédure. D’autant plus que, précise-t-il, même le tribunal de Thiès a rendu une décision allant dans ce sens.

MALICK LAMOTTE VS DOUDOU NDOYE

‘’Ce n’est qu’au Sénégal qu’on voit des avocats crier sur un tribunal’’

Décidément, le président du tribunal de grande instance de Dakar, Malick Lamotte, semble être prêt à accepter beaucoup de choses. Sauf que des avocats lui dictent comment il doit mener son office. Depuis le début du procès, il ne cesse de rappeler à l’ordre les avocats qui osent lui parler sur un certain ton. Après Maître El Hadji Diouf, Baboucar Cissé, c’était hier au tour du doyen Me Dodou Ndoye. Très remonté contre ce dernier, il fulmine : ‘’J’invite vraiment tout un chacun à rester dans son rôle. Ce n’est qu’au Sénégal qu’on voit des avocats crier sur des juges. Ce n’est pas normal ; j’espère que le représentant du barreau est en train de bien prendre note. Cela ne peut en rester là.’’ Mais c’est sans compter sur la ténacité de l’avocat de la défense qui est revenu à la charge pour dire : ‘’Je n’ai pas crié sur le tribunal. J’ai prié le tribunal. Le rôle de l’avocat est de défendre son client. Notre rôle est de demander l’application de la loi.’’

A l’origine de cet incident, les déclarations de l’ancien garde des sceaux consistant à dire à très haute voix : ‘’L’honneur de la justice est de respecter la loi. L’honneur des avocats est de faire respecter la loi. Aujourd’hui, les droits du peuple ont été violés et je vous demande d’annuler l’ordonnance de renvoi. Je vous demande d’annuler toute la procédure…’’

EL HADJ DIOUF VS ME YERIM THIAM

Une bataille de procédure

La bataille a été rude. Alors que les avocats de la défense n’avaient pas fini leur plaidoirie, Maître Yérim Thiam, coordonnateur des avocats de l’Etat, s’est levé pour signaler au tribunal ‘’qu’ils (les conseils des prévenus) sont en train de parler du fond. Donc, toutes les exceptions devraient être déclarées irrecevables’’. Cette prise de parole intempestive de Me Thiam, alors même qu’il n’y avait pas droit, n’a pas été négligée par ses adversaires. Bien au contraire. Et c’est un avocat de la mairie (partie civile) qui monte le premier au créneau.

Il s’agit de Maître El Hadj Diouf. Il dit : ‘’Personne n’a abordé ici le fond du dossier…’’. Suffisant pour que Lamotte reprenne la parole pour lui signifier que la parole est à la défense. ‘’Arrêtons de nous compliquer la tâche inutilement. Nous sommes entre sachant. Tout le monde ici connaît les règles du jeu. Il appartient à la défense de plaider les causes d’irrecevabilité. Je suis désolé Me El Hadj Diouf, vous êtes là en tant que partie civile. Conformez-vous à votre statut.’’ ‘’Désolé président. C’est Me Thiam qui a le premier violé les règles. Et ce qu’il a dit n’est pas conforme à la réalité. J’ai juste voulu apporter des précisions.’’ Les autres conseils des prévenus ont eux aussi botté en touche l’argument de Maître Thiam.

MOR AMAR

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