Publié le 20 Aug 2017 - 13:44
PROLONGATION DES LEGISLATIVES

Thiendella Fall brûle le livre blanc d’Abdoulaye Wade

 

Après la bataille électorale, c’est la guerre médiatique. Pendant que la majorité et l’opposition s’accusent mutuellement, les autorités administratives tentent de calmer le jeu. Hier, c’est le directeur général des Elections, Thiendella Fall, qui est monté au créneau pour démonter les accusations de l’ancien président Abdoulaye Wade. Il a aussi annoncé un livre-réponse.

 

Ce n’est pas pour défendre leur patron. Pas non plus pour se mêler de la politique politicienne. Si la Direction générale des élections est sortie hier pour répondre aux accusations du leader de la Coalition gagnante Wàttu Senegaal, c’est simplement, selon son directeur Thiendella Fall, pour apporter quelques précisions d’ordre ‘’techniques’’ sur des questions d’ordre ‘’techniques’’ consignées dans le livre blanc d’Abdoulaye Wade.

Le ton diplomatique, le débit lent et calme, il dit : ‘’Comme vous le savez, un livre blanc vient d’être publié par une des coalitions qui se sont présentées aux législatives. Le ministère de l’Intérieur, à travers un autre livre, y répondra. En ce qui nous concerne, en tant que représentants de l’Administration, nous voudrions y apporter quelques éléments de réponse, puisque nous sommes pointés du doigt.’’

La suite, le directeur général des Elections déroule pendant une vingtaine de minutes. Il choisit quelques points essentiels pour ‘’démonter l’accusation de Wade et Cie’’. Mais, auparavant, Thiendella, sur un ton solennel, a tenu à laver à grande eau l’autorité administrative. Il déclare : ‘’Je dois dire que la plupart des personnes qui sont là sont à la Dge depuis 20 ans ou presque. De tout temps, nous nous sommes efforcés à organiser des élections libres, démocratiques et transparentes. Grâce à la même équipe, plusieurs alternances : présidentielles, parlementaires et locales sont intervenues dans ce pays. Ce sont les mêmes personnes qui ont organisé les alternances de 2000 et de 2012. Au niveau local, c’est la même équipe qui est à la base des changements dans plusieurs grandes villes. Nous ne sommes donc pas des novices en la matière’’, explique-t-il, dès l’entame de son propos.

Pour Thiendella Fall, à la Direction générale des élections, il y a de hauts fonctionnaires qui sont au service exclusif de l’Etat et non des hommes. Des fonctionnaires qui ont vu passer sous leurs yeux plusieurs régimes. Il liste : ‘’Nous avons commencé avec le président Diouf. Il est parti et nous sommes restés. Nous avons travaillé avec le président Wade. Il est parti et nous sommes toujours là. Aujourd’hui, nous servons le président Macky Sall. Nous survivons donc aux différents régimes. Le seul sentiment qui nous anime est de servir le peuple sénégalais.’’

Hier, Thiendella a pris son temps pour éclairer la lanterne des Sénégalais. Lui qui est, par la force des choses, au centre de ces élections qui viennent de se dérouler et qui sont jugées par beaucoup d’acteurs politiques et de la société civile comme étant les élections les plus ‘’chaotiques’’ que le Sénégal ait connues. L’opposition énumère les failles : un matériel électoral tardivement installé, des milliers, voire des millions de Sénégalais empêchés d’accomplir leur devoir civique, un fichier électoral polémique, confection de fausses cartes biométriques, etc. La liste de reproches est interminable.

 Le commissaire de police dément et précise : ‘’Sur la confection de fausses cartes, nous considérons que ce sont des accusations gratuites qui ne reposent sur rien du tout. Nous leur demandons d’en produire les preuves de leurs allégations. Sur la mise en place du matériel, nous réaffirmons que nous l’avons fait acheminer bien avant le jour du scrutin. Le problème, c’est que dans certaines zones comme Touba, Dakar, Mbour, Vélingara, etc., la pluie a faussé tous les plans. On ne pouvait pas prendre le risque, dans ces conditions, de transporter certains matériels dans les lieux de vote. On a joué la carte de la prudence. A Touba, puisqu’il n’existe pas d’édifices publics, on était obligé de mettre en place des abris provisoires, comme cela a toujours été le cas. La différence, cette fois, c’est la pluie qui s’est invitée au scrutin et qui a détruit toutes les tentes que nous avions installées sur place…’’

Ainsi, pour dégager la responsabilité de l’Administration dans les évènements qui se sont déroulés à Touba, Thiendella Fall accuse la nature, d’une part, et des individus non encore identifiés, d’autre part. En effet, suite aux dégâts causés par la pluie, alors que les services déconcentrés du ministère de l’Intérieur étaient à pied d’œuvre pour remettre tout en l’état, des personnes ont saccagé le plus grand centre de vote de Touba. Allant plus loin, M. Fall accuse : ‘’Bien avant le jour du scrutin, nous avons appris qu’il y a des gens qui voulaient saccager le matériel électoral au cas où on les acheminerait sur place. C’est pourquoi nous avons gardé tout le matériel dans un lieu sûr…’’

‘’Le vote est un droit constitutionnel’’

Mais alors, Monsieur le Directeur, êtes-vous en train de dire que les évènements de Touba ont été prémédités ? Il rétorque, toujours aussi impassible : ‘’Je n’irai pas jusque-là.’’ Chacun y va de son commentaire. Thiendella Fall, lui, passe à autre chose. Il parle des nombreux Sénégalais qui n’ont pu voter le 30 juillet dernier pour une raison ou pour une autre. Il déclare : ‘’Nous reconnaissons les difficultés à ce niveau. Mais nous avons pu rectifier le tir et avons pu distribuer, avec l’aide de l’Administration territoriale, la barre des 80 %. Ce qui a permis d’atteindre un taux de participation record de plus de 53 %. Cela ne s’est jamais réalisé au Sénégal. Nous ne sommes pas en train de minimiser le chiffre qui n’a pas pu voter. Au contraire, nous le regrettons et promettons de tout faire, à l’avenir, pour qu’on ne vive plus pareille situation. Nous devons saluer la décision du Conseil constitutionnel. Le vote est un droit constitutionnel. Des difficultés imputables à l’Administration ne doivent pas empêcher un Sénégalais de voter’’.

Ainsi, le directeur général des Elections présente ses excuses, mais minimise les conséquences de ce manquement. Il se fonde sur le taux de participation que même des pays de démocratie très avancée peinent à atteindre. Thiendella Fall est aussi largement revenu sur le nombre important d’ordres de mission dénoncé par certains partis politiques. A ce titre, il évoque le fait que les militaires et les paramilitaires, d’habitude, ne votaient pas le même jour que les civils. En plus, compte tenu des menaces de sabotage du scrutin à Dakar, le ministère a pris les devants en déployant beaucoup de militaires et paramilitaires dans la capitale. Ces gens-là avaient aussi besoin d’ordres de mission pour pouvoir voter.

Outre ces personnes, seules les autorités déconcentrées, les chauffeurs et les journalistes ont droit aux ordres de mission spéciale, informe le commissaire de police.

Les différentes rencontres entre la majorité et l’opposition avant les élections

Quant à l’accusation selon laquelle il n’y a pas eu de concertation au-delà du référendum, Thiendella est revenu avec force détails sur les différentes rencontres entre la majorité et l’opposition avant les élections : jeudi 23 février 2017, pour discuter de la caution, du 16 juin au mercredi 3 août, dans le cadre du comité chargé de la révision du Code électoral, la mise en place du comité de suivi sur demande de l’opposition qui, plus tard, le boudera…

Par rapport à la refonte totale, M. Fall rappelle pour témoigner de la bonne disposition du gouvernement : ‘’Le 22 juin 2016, l’opposition décidait de quitter la table des négociations, au motif que le projet de loi est soumis à l’Assemblée sans que les concertations soient achevées. Le projet a été retiré avant d’y retourner. Je crois que c’est signe de bonne volonté du gouvernement. Le président les avait aussi reçus et avait accédé à toutes leurs requêtes. Ce qui a abouti à l’adoption du projet de refonte. Donc, ce qui est contenu dans ce livre blanc ne nous semble pas conforme à la réalité. Et le ministère a déjà écrit un livre-réponse qui revient plus en détail sur ces différents éléments.’’

Pour toutes ces raisons, le haut fonctionnaire en appelle à la responsabilité de chacun : ‘’Je suis là depuis 2002. En 2012, j’étais encore directeur général des Elections. A l’exception de Cheikh Guèye, il ne manque presque personne de l’équipe qui a mené toutes ces alternances. Tous les hommes politiques devraient avoir confiance en cette Administration électorale qui a fait ses preuves. Ce scrutin que nous avons organisé honore le Sénégal.’’

MOR AMAR

 

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