Publié le 10 Jul 2017 - 18:09
PROMESSE DE GRAGAGE DU PRESIDENT MACKY SALL

Le port de Kaolack en attente de réhabilitation

 

Construit à l’époque coloniale, le port de Kaolack a longtemps été le cœur économique de la ville. Mais depuis les années 1960, il est plongé dans un sommeil interminable. En 2012, lors du conseil des ministres délocalisé à Kaolack, le président Macky Sall avait promis de le réhabiliter. Cinq ans après, les Kaolackois attendent toujours. EnQuête est retourné sur les lieux pour vous faire l’état des lieux.

 

La grande porte peinte en bleu ouverte laisse entrevoir un camion garé. Un autre est sur le point de rallier la vaste surface. A l’intérieur, le chauffeur de camion ralentit pour permettre au premier de sortir. Un baliseur installé dans cet endroit indique aux premières vues qu’on est dans un milieu portuaire. Il s’agit du port de Kaolack. En termes d’infrastructure, il y a une bâtisse à droite et une à gauche. Cette dernière sert de poste de contrôle. Mais on y compte surtout de cinq vieux hangars. Leur état est une preuve irréfutable que le port a cessé de fonctionner depuis les années 1970. Ce n’est pas pour autant qu’il est fermé. Au contraire, il reprend vie petit à petit.

La présence de vies humaines et d’automobiles sur les lieux renseigne à suffisance sur le renouveau de l’activité. Il existe cependant un problème principal, un obstacle de taille : le dragage du port. La chambre de commerce de Kaolack essaie de tant bien que mal de sauver ce qui peut l’être. Avant 2011, c’était zéro activité, mais depuis l’arrivée de Serigne Mboup, le port revit.  Les camions en Mali ou de Ziguinchor y font leur transit. Ça charge par-ci et ça décharge pas là, créant du coup bruit et poussière.

Eloigné de l’ambiance de la ville, le port a été pourtant le cœur battant de Kaolack. La capitale du Saloum attirait du monde. Il créait de l’activité et de l’emploi, jusqu’au jour où les Socialistes alors au pouvoir décide de le laisser mourir dans sa belle mort.  Désormais, ne peuvent accéder au quai que les navires contenant moins de 2 500 tonnes. Ce qui explique la timidité des embarquements et des débarquements. Malgré tout, chaque semaine, au moins, trois navires venant de la Turquie ou d’Italie débarquent dans ce port. Des camions transportent du béton, du ciment, de l’huile… vers Ziguinchor et le Mali, pays voisin. D’après nos sources, le baliseur a été installé par des Français qui voulaient aider à faire renaitre le port, mais un manque d’appui a brisé leur engagement.

Pourtant, il suffit donc de draguer les eaux pour augmenter considérablement la capacité d’accueil du port. Ainsi, l’une des principales doléances des Kaolackois reste le dragage. Ils réitèrent leur requête à chaque fois que l’occasion se présente. Mais rien n’y fait. Chaque autorité qui passe promet la réhabilitation.  Jusqu’à ce jour, aucune des promesses n’a été suivie de réalisation. Pas davantage celle du Président Macky Sall. Ce dernier, lors du conseil interministériel tenu à Kaolack en juin 2012 avait promis àla ville une enveloppe de 300 milliards dont une partie destinée à rénover le port. 5 ans après, d’après nos interlocuteurs, il n’y a pas le moindre acte posé allant dans ce sens. La population désabusée crie sont indignation. Elle accuse les gouvernants de ‘’manque de volonté politique’’.

A côté d’une boutique, se trouve un coin aménagé pour servir de salon de coiffure  aux ‘’doyens’’. L’un d’eux répondant au nom de Beuleub Ndao a la cinquantaine. Tout de blanc vêtu, il lance son amertume en ces termes : ‘’Ce qui me fait mal dans cette histoire, c’est que chaque nouveau régime fait des promesses. C’est depuis le temps de Djibo Kâ. Il avait promis de refaire le port. Malheureusement, nous constatons que rien n’a été fait.’’ Un de ses camarades lui croit avoir trouvé l’explication. Selon lui, le salin de Kaolack constitue le principal blocage. Si  le port est dragué, dit-il, les terres du salin vont disparaitre.

El hadji Sidy Diop est assis sur une chaise chez son coiffeur. Il veut se faire un visage plus rajeuni. Lui et son camarade Cheikh Tidiane Mbengue ne se font plus d’illusion sur des ‘’promesses politiciennes’’. ‘’Je ne peux comprendre qu’après moult discours, rein ne puisse se faire jusque là. Dernièrement, à la première session ordinaire à l’Assemblée nationale, la vice-présidente Awa Gueye avait confirmé cette promesse du chef de l’Etat. Ils se fichent de la population’’, peste le vieux Mbengue. Si l’on en croit Ibrahima Guèye, la réhabilitation du port a été tellement chantée qu’elle semble devenir l’hymne régional de Kaolack que chaque autorité est obligée de répété sur place. Et lorsque les habitants de la ville se livrent à une comparaison, ils sont encore plus révoltés. Car ils sont le sentiment qu’ils sont moins considérés. ‘’Ils ont refait le port de Foundiougne alors que celui-ci est enclavé, si elles avaient investi cette somme pour le port de Kaolack se serait beaucoup plus rentable’’, argument le sieur Mbengue.

En fait, malgré leur déception, les Kaolackois veulent encore garder de l’espoir, tant ils sont convaincus que cet outil, une fois fonctionnel, aura des retombées économiques. Une commerçante tient boutique à l’entrée du port. A ses côté, sa file qui l’assiste. Petite de taille, teint noir, le visage dégoulinant de sueur, la dame semble étouffée par la chaleur qui se dégage de la pièce. Sous le couvert de l’anonymat, elle plaide pour l’injection de sang neuf. ‘’Cela nous permettrait, nous commerçants, de mieux écouler nos marchandises. Les jeunes pourront y travailler’’, soutient-elle.

Si les petits vendeurs pensent à l’écoulement de leur produit, les operateurs économiques eux voient plus loin. Ils veulent avoir une vision panoramique qui embrasse toute l’économie de la région, et même au-delà celle de tout le Sénégal. Mamadou Ndiaye dit Modou Mbacké Ndiaye en fait partie. Il a son magasin de vente de téléphones portables au marché central de Kaolack. Il se rappelle que la promesse de Macky Sall de rénover le port date du temps où il brigué le fauteuil présidentiel. D’après lui, outre le port, le candidat Macky s’était engagé à reconstruire le marché central et à ériger une université. Ce qui lui fait dire que lors du conseil des ministres, il n’a fait que confirmer son engagement.

Pour comprendre cet attachement de toute une population à cette infrastructure, il faut remonter l’histoire. Pendant des décennies, le port de Kaolack regroupait une grande partie des activités  économiques de toute l’Afrique de l’Ouest et engendrait des retombées extraordinaires. ‘’Toutes les denrées des Maliens passaient par ce port avant et après l’indépendance. Son état de délabrement a été effectif vers 1970, époque où il a été fermé définitivement’’, se souvient M. Ndiaye.  

Cette léthargie d’un maillon stratégique de la chaine économique s’est répercutée sur le quotidien des habitants de toute la ville et même de ses environs. Présentement, indique cet interlocuteur, les camions en provenance de Mali pour Dakar tourne autour de 300. ‘’Avant les Maliens faisaient leur décharge à Kaolack avec la gare. Même si ce dernier n’est plus fonctionnel, il y a la route. Tout ce que l’on peut dire est que le dragage du port aura un effet d’entrainement sur la vie des Kaolackois et des Sénégalais’’, tente-t-il de convaincre. Le monsieur pense à tout  ce qu’il y aura comme conséquence en termes de renforcement de la sécurité, de la présence douanière, de l’arrivée des transitaires, de la main d’œuvre, etc.

A titre illustratif, fait-il remarquer, l’exportation de l’arachide de l’année dernière a atteint 345 000 tonnes dont les 70% viennent du bassin arachidier. ‘’Si le débarquement se faisait à Kaolack, on  pourrait résoudre beaucoup de problèmes comme le chômage des jeunes’’, relève-t-il. Outre l’arachide, il y a sel. Le Salin de Kaolackois exporte moins de 2500 tonnes faute de dragage, dit-il. en cas de remise à neuf, des commerçants pourraient faire leur décharge dans le port. ‘’Pour que le Sénégal soit émergent, il faut impérativement que la région de Kaolack émerge. Nous sommes au cœur du pays. Que les autorités le comprennent. Nous portons notre espoir sur ce port. D’autres régions reçoivent des financements, pourquoi pas nous’’, s’offusque l’opérateur économique Mamadou Ndiaye. En attendant, il ne lui reste qu’à espérer que ce énième plaidoyer n’entrera pas dans l’oreille d’un sourd.

Les promesses du Président Macky Sall

Lors du conseil des ministres délocalisé à Kaolack, en juin 2012, le chef de l’Etat Macky Sall avait annoncé la réhabilitation du port de Kaolack. Un montant de 300 milliards F CFA a été annoncé pour la réalisation de plusieurs projets. A cet effet, il avait promis le dragage du port à 6 m pour un accès de navires d’environ 3.000 Tonnes en poids lourd (TPL), la réhabilitation de la superstructure du quai, des wharfs et bollards; l’acquisition d’équipement de manutention.

La rénovation de l’aire de stockage, la délimitation et sécurisation du périmètre portuaire, l’augmentation  de la capacité prévisionnelle du port jusqu’à 1,02 million de tonnes/an. ‘’Les hangars très vieux de ce port construit depuis l’époque coloniale seront entièrement réhabilités car ils ne sont plus conformes aux normes internationales’’, avait déclaré Macky Sall. La deuxième phase du projet concerne la construction d’une zone hydrocarbure dans le port, ce qui allait permettre d’éviter aux navires d’aller jusqu’à Dakar pour s’approvisionner en carburant. 5 ans plus tard, le port garde toujours l’état qu’il avait le jour de l’arrivée du Président et de son gouvernement. 

AIDA DIENE

 

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