Publié le 29 Jul 2025 - 19:56
QUINZE KILOGRAMMES DE CHANVRE INDIEN SAISIS

Gassama et Savané rejettent toute implication

 

Arrêtés depuis 2021 pour association de malfaiteurs et trafic de drogue, Ibrahima Gassama et Lamine Savané ont comparu devant la Chambre criminelle de Dakar. Face à une procédure jugée confuse et des preuves contestées, leurs avocats ont plaidé l’acquittement. Le parquet, lui, réclame un supplément d’information.

 

Ibrahima Gassama et Lamine Savané ont fait face au juge de la Chambre criminelle de Dakar, hier. Ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs et trafic intérieur de drogue. Il leur est attribué la paternité d’un sac noir contenant 15 kg de chanvre indien soigneusement emballés par paquets d’un kilo. C’est du moins ce que disent les procès-verbaux de la gendarmerie, qui affirment avoir trouvé la drogue dans la chambre d’Ibrahima Gassama, un boulanger de 62 ans domicilié à Tivaouane Peulh. Avec lui, Lamine Savané, 50 ans, domicilié à Joal, est poursuivi pour les mêmes faits. Pourtant, à la barre, les deux hommes nient catégoriquement leur implication dans cette affaire.

‘’C’était tard dans la nuit. Je m’apprêtais à aller me coucher quand les gendarmes ont débarqué chez moi’’, a relaté Ibrahima Gassama, frêle silhouette aux traits tirés par les longues années de détention préventive. Il dit avoir été conduit par les agents dans sa propre chambre, fouillée sans qu’il ne puisse intervenir. ‘’Ils m’ont ensuite montré un sac noir, rempli de drogue, en disant qu’ils l’avaient trouvé dans ma chambre. Mais ce n’est pas à moi. Je n’ai jamais vu ce sac auparavant’’, s’est-il défendu.

À l’entendre, tout serait parti d’un règlement de comptes. L’un des gendarmes aurait autrefois tenté de courtiser sa fille. ‘’Je lui ai interdit de fréquenter ma maison. Il n’a pas digéré ça’’, a-t-il dit. La défense s’est appuyée d’ailleurs sur ce point pour évoquer un possible mobile de manipulation.

Les procès-verbaux d’enquête indiquent que la maison de Gassama comprend quatre pièces, un magasin, des toilettes et une cuisine. À l’audience, le prévenu a soutenu pourtant qu’elle n’a que deux chambres. Plus troublant encore, selon les enquêteurs, Gassama aurait affirmé que Lamine Savané était son fournisseur, qu’ils se sont connus en prison et qu’un certain Paul Dione leur servait d’intermédiaire. ‘’C’est faux’’, a-t-il rétorqué. ‘’Je n’ai jamais été en prison à Mbour ni ailleurs. Je ne sais pas ce que j’ai signé, je ne suis pas instruit’’, a-t-il clamé.

Quant à Savané, il s’est dit victime d’un malheureux hasard. ‘’Ce soir-là, j’étais chez moi à Joal. Les gendarmes sont venus et m’ont arrêté. Je n’ai jamais rencontré de Paul. Je ne suis jamais allé dans les îles du Saloum pour chercher de la drogue. Ce sont mes zones d’activité commerciale, rien d’autre’’, a-t-il affirmé.

Face à la juge, il a insisté : ‘’Gassama, je l’ai connu lors d’un baptême, pas en prison.’’ Les investigations indiquaient qu’il avait avoué, lors de l’enquête, avoir fourni 10 kg de chanvre indien à Gassama. Ce qu’il a contesté hier fermement. ‘’Je ne m’active pas dans le trafic de drogue. Ce n’est pas mon monde’’, a-t-il déclaré.

Du côté du parquet, l’affaire laisse planer un doute. Le procureur a reconnu à la barre ‘’un petit souci d’appréhension de la vérité dans ce dossier’’. Il a relevé que le passé judiciaire des deux prévenus, mentionné dans les procès-verbaux, est catégoriquement nié par les intéressés. ‘’Or, cela est facilement vérifiable’’.  Il  a proposé  un supplément d’enquête en deux volets ; d'abord pour vérifier les antécédents judiciaires des accusés, ensuite pour effectuer une nouvelle descente au domicile de Gassama, afin de comparer les constatations du PV à la réalité des lieux. Mais cette requête a vivement fait réagir les avocats de la défense.

Maitre Moussa Diouf, défenseur de Lamine Savané, a dénoncé une procédure biaisée depuis le départ. ‘’Ces hommes sont en prison depuis 2021. Aujourd’hui, le ministère public lui-même demande un complément d’information. C’est un aveu d’irrégularité’’, a relevé l’avocat. Il a pointé l’absence de confrontation entre les accusés, l’absence de lien clair entre eux en dehors d’une rencontre familiale fortuite et surtout l’aveu tardif du parquet concernant les éléments fondamentaux manquant pour asseoir une condamnation. ‘’Dans ces conditions, on ne peut pas retenir leur culpabilité. L’autorité poursuivante doute, alors comment condamner ?’’.

Même tonalité chez Me Ibrahima Mbengue : ‘’On vous dit que le dossier comporte des failles. On vous propose de retourner sur les lieux pour refaire une enquête. Mais ces hommes sont là, privés de liberté depuis quatre ans. Ce qu’il faut, ce n’est pas une énième vérification, c’est un jugement. Et ce jugement doit être l’acquittement pur et simple. À défaut, qu’il leur soit accordé au moins le bénéfice du doute.’’

Le tribunal a décidé de délibérer le 16 septembre prochain.

MAGUETTE NDAO

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