La révolution des ‘’rappeurs ethnocentristes’’
Ils misent sur leur culture pour marquer la différence et apporter une touche nouvelle. Ainsi, les rappeurs qui ont opté de chanter et faire leur musique dans les langues nationales sénégalaises autres que le wolof veulent tirer leur épingle du jeu... musical. Tout en restant eux-mêmes. Une véritable révolution ethnocentriste !
Comme le groupe ‘’Saltigui’’, il y a de plus en plus de rappeurs qui font leurs textes dans les langues nationales sénégalaises. A priori, l’on dit que ces groupes ont pour cibles premières les gens de la même ethnie qu’eux. Cependant, cela ne signifie pas qu’ils ne pourront pas tirer leur épingle du jeu... musical. ‘’Je pense qu’ils ont une chance de faire carrière parce qu’on a vu Baaba Maal avec le ‘’Yéla’’ et il est l’un des plus grands artistes qui exportent la musique sénégalaise. L’on dira qu’au Sénégal qu’il y a plus de gens qui comprennent le wolof, mais ça ne change rien’’, analyse le rappeur et boss d’africulturban Matador. Dans la même veine, il ajoute : ‘’Il fut un temps au Sénégal, les populations ne connaissaient que le rap français.
On a su imposer le rap wolof et cela a marché. Maintenant le rap wolof marche bien mieux au Sénégal que le rap français alors que le français est la langue officielle. C’est pour dire que si le talent est présent, la langue importe peu. On a consommé Mory Kanté, Salif Keita et on ne comprenait pas ce qu’ils disaient. La musique, comme on le dit, n’a pas de frontières’’, explique-t-il pour asseoir sa thèse. Il reste convaincu que ‘’quand c’est bon et qu’il y a un bon niveau, on l’écoute et le consomme. Aussi, nous jouons en Allemagne et nous ne comprenons pas l’Allemand. Egalement des Allemands viennent au Sénégal et font bouger le public. Ce sont les gens qui veulent en faire un problème mais il n’y a aucun problème en cela’’, estime toujours Matador.
Un avis que ne partage pas l’animateur de l’émission ‘’hip-hop Nation’’ diffusée sur Walf Tv, B-Boy. ‘’A mon avis, depuis que le hip-hop a vu le jour au Sénégal, il n’y a pas un morceau de rap dont la base n’est pas en wolof et qui a eu à connaître un certain succès. S’il y a un groupe qui a failli peut être réussir cela, c’est le ‘’Pinti maro’’ de Pikine. Lequel a participé à la première compilation ‘’Senerap’’ produit par PBS. C’est rare de voir quelqu’un qui maîtrise bien sa langue maternelle maîtriser autant sa musique traditionnelle’’, défend-t-il. Pour lui et pour son collègue Kals, de la radio Futurs médias, l’un des meilleurs exemples d’artistes chantant dans une langue nationale autre que le wolof et qui le réussit bien est Fafadi. Même s’il ne fait pas de rap, il fait un genre pas trop loin du hip hop, en l’occurrence le reggae. ‘’Il est rare de voir des artistes comme Fafadi qui maîtrisent autant leur langue maternelle que le reggae. Donc, il faut un certain professionnalisme’’, prévient B-Boy. Ainsi, comme le dit Kals, ‘’tout dépend de l’artiste’’.
Par ailleurs, les artistes n’optent pas souvent de chanter dans leur langue maternelle pour s’assurer de brillantes carrières. ‘’Des fois, ils le font juste pour s’identifier à leur culture. Par exemple, il y avait un groupe comme ‘’Diafagara’’ qui est de Fatick, un crew qui s’illustrait dans le rap en sérère’’, renseigne Kals.
Membre du groupe de rap ‘’Saltigui’’ de Dioffior qui ‘’rappe’’ généralement en langue sérère, Baba Diouf assure que ‘’faire du rap dans d’autres langues est une bonne chose qui contribue à la promotion de nos langues locales. En plus, cela permet de montrer une différence et de se démarquer de la concurrence et du général en apportant du nouveau’’. Encore que pour Kals, ‘’la langue nous aide juste à comprendre ce qui se dit mais cela n’a jamais été un blocage’’.
C’est dire que, ceux qui font leur rap dans des langues autre que le wolof ne doivent pas avoir de la peine à s’en sortir. ‘’La musique est universelle. La langue n’y est presque pour rien. C’est généralement la musique que l’on consomme et non la langue utilisée dans les lyrics. Nous continuons de consommer le rap américain et pourtant on ne sait pas ce qui se dit à travers les vibes. C’est de cette même manière que d’autres musiques traversent les frontières pour être écoutées par d’autres personnes de culture et de langue différentes’’, croit fermement Baba Diouf.
BIGUE BOB ET AMINATA FAYE