Publié le 12 Jul 2020 - 02:03
RASSEMBLEMENTS FUNERAIRES

Le relâchement des Sénégalais inquiète les gestionnaires de cimetière

 

Vivre avec le virus. Voici une exhortation qui a divers sens pour les Sénégalais. Si certains l’entendent par prendre ses responsabilités pour se protéger, pour d’autres, cela veut dire reprendre la vie normale. Dans les lieux publics comme les marchés, mais aussi les cimetières, la population a repris ses vieilles habitudes.

 

Le parking est bondé de véhicules. Il est 12 h et quelques minutes au cimetière musulman Al Bakhya de Yoff. L’ambiance est assez morose. Des hommes sortent par petits groupes des lieux. Les visages crispés et tristes, ils quittent, d’un pas pressé, le lieu de repos éternel pour rejoindre les voitures stationnées là. Ils viennent de conduire à sa dernière demeure un proche. La plupart d’entre eux ne prêtent aucune attention aux interpellations du jeune garçon qui invite les visiteurs à se laver les mains, à leur sortie du cimetière.

Suivant le protocole mis en place par l’administration de Bakhya, chaque visiteur ou accompagnant de défunt doit se laver les mains avant d’entrer dans le cimetière ou dans les locaux administratifs de la place.

Toutefois, malgré la mise en place d’un dispositif nécessaire pour se désinfecter, presque personne ne respecte cette mesure. D’ailleurs, la plupart des personnes trouvées sur place ignorent complètement le passage au robinet mobile.

Comme partout ailleurs dans les lieux publics sénégalais, la négligence, voire l’abandon des mesures de prévention contre la Covid-19 se sent jusque dans les cimetières. Le port du masque et la distance de protection requise sont loin d’être respectés. C’est le relâchement total.

Un constat qui inquiète énormément le gestionnaire du lieu. ‘’Depuis le début de la pandémie, on exige le respect des mesures barrières. Un dispositif a été mis en place pour permettre aux visiteurs de se laver les mains à l’entrée et à la sortie du cimetière. On fait également respecter la distance requise pour les prières mortuaires. Malheureusement, on a constaté qu’il y a un certain laisser-aller.

En effet, depuis quelque temps, les gens ne respectent plus la distanciation pour les prières mortuaires. Aussi, la quasi-totalité des personnes qui viennent pour se recueillir auprès des tombes ou pour les inhumations ne respectent pas les mesures barrières, et c’est dommage’’, regrette Ibrahima Diassy.

Le gestionnaire du cimetière Bakhya de Yoff informe qu’au début de la pandémie, l’administration de Bakhya avait décidé, en accord avec les autorités, de limiter à 20, le nombre de personnes autorisées à accompagner les défunts à leur dernière demeure. Mais depuis que le chef de l’Etat a décidé d’assouplir les mesures de restriction, les enterrements ont commencé à drainer du monde. ‘’On avait instauré un nombre de 20 pour les accompagnants. Mais quand une centaine de personnes vous arrivent d’un coup, vous ne pouvez pas les repousser. On essaye de faire respecter les mesures barrières, mais on ne peut pas empêcher les gens d’entrer dans le cimetière. On ne peut pas, tout le temps, faire le gendarme pour les retenir. Ce qu’on peut faire, c’est sensibiliser et nous n’arrêterons jamais de le faire. Nous veillons à ce que les personnes qui viennent sans masque n’entrent pas pour se recueillir ou inhumer’’, indique-t-il.  

Ibrahima Sacko, gestionnaire du cimetière musulman de Pikine, ne dit pas le contraire. Comme son collègue de Yoff, il s’inquiète du relâchement dans ces lieux d’enterrement. ‘’Au début, les gens respectaient les mesures de protection contre la pandémie, mais maintenant, c’est le relâchement total. On ne peut plus rien exiger, car les gens brandissent la levée des mesures par le chef de l’Etat pour se justifier. Or, comme tous les lieux publics, les cimetières constituent des endroits à risque de propagation de la pandémie’’, considère-t-il.

’Ce qui se passe dans les enterrements actuellement…’’

C’est le même constat au cimetière Saint Lazard de Béthanie. Debout au seuil de la porte des locaux administratifs, Habib Sagna, le téléphone scotché à l’oreille, explique à son interlocuteur qu’il ne peut accueillir plus de 20 personnes pour l’enterrement. Conformément aux directives de l’église.  Le gestionnaire de l’un des plus grands cimetières chrétiens de Dakar dit faire face, depuis un certain moment, à un flux de fidèles qui envahissent le cimetière pour assister aux enterrements.

‘’La seule chose qui m’intrigue, c’est le relâchement. Je ne cesse d’en parler. On fait ce qu’on peut pour faire respecter les mesures de riposte, mais les gardiens, ici, sont des civiles. Ils ne peuvent donner des ordres ; ils se limitent aux directives pour faire respecter le protocole de l’église. Il y a des gens qui comprennent et respectent, mais d’autres s’en fichent complément. Autant ne pas se bagarrer pour la santé des autres. S’ils forcent, on est obligé de les laisser entrer et on se met à l’écart’’, s’indigne-t-il.

Il ajoute, l’air tout inquiet : ‘’Je crains vraiment que les cimetières ne deviennent des lieux de transmission de la maladie, parce que ce qui se passe dans les enterrements actuellement, ne déroule ni dans les morgues ni dans les hôpitaux, encore moins dans les églises ou mosquées. La plupart des gens ne vont pas dans les maisons mortuaires ; ils préfèrent venir à l’enterrement. Ils viennent nombreux et quand on leur interdit d’entrer dans le cimetière, ils se regroupent autour de la porte sans respecter la distanciation. S’il y a trois à quatre décès et que chaque enterrement draine 100 personnes, mine de rien, c’est 500 personnes qui se regroupent autour de la porte du cimetière. C’est un grand risque de contamination. Parfois, je dis aux gardiens de s’écarter des foules pour se protéger. Comme je ne peux rien exiger aux autres visiteurs et accompagnants, je m’efforce de protéger mes hommes’’, martèle Habib Sagna.

ABBA BA

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