Publié le 4 Nov 2020 - 07:03
RECONFIGURATION POLITIQUE :

Macky sur les traces de Wade !

 

Pendant que les dinosaures se signalent par la tortuosité et les calculs politiciens, de jeunes leaders politiques très ambitieux prônent la moralisation. Les absences de Karim et Khalifa mettent Sonko sur orbite dans le giron de l’opposition sénégalaise.

 

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Même en politique. Si l’adage se vérifie, Macky Sall court droit à sa perte. Lui qui, à quatre ans de la fin de son second mandat, marche sur les traces de son ex-mentor politique Abdoulaye Wade. Ironie de l’histoire, c’est encore à quatre ans de la fin de son règne qu’il décide de lâcher dans la nature les plus valables de ses collaborateurs.

 Ancien président de l’Association des maires du Sénégal, Amadou Tidiane Wane prévient : ‘’Pour moi, il a un peu scié la branche sur laquelle il est assis. Je n’ai jamais vu quelqu’un renvoyer tous ses amis et convier tous ses adversaires au festin. D’Alioune Badara Cissé à maintenant, en passant par El Pistolero, il s’éloigne de ceux qui ont souffert avec lui, quand Abdoulaye Wade l’a destitué. Il se sépare surtout de ceux qui sont accusés d’avoir des ambitions dans son entourage. Il ne faut pas oublier que s’il est président aujourd’hui, c’est parce que Wade l’a renvoyé de l’Assemblée nationale.’’

Il ajoute : ‘’Il ne faut pas non plus oublier que c’est en 2008 que cela lui était arrivé. Quatre ans après, il est président de la République. En 2020, il renvoie ceux qui sont accusés d’avoir des ambitions. La prochaine élection, c’est en 2024. Je ne veux pas être l’oiseau de mauvais augure, mais il doit faire attention.’’

La malédiction des quatre ans ne s’arrête pas là. En 1996, quatre années avant son départ du pouvoir, Abdou Diouf empruntait le même chemin, en posant les premiers jalons de sa séparation avec certaines pontes de son régime. C’était lors du fameux Congrès sans débat qui entrainera, plus tard, les départs de Djibo Leity Ka (1998) et de Moustapha Niasse (1999) du Parti socialiste.

Le dénominateur commun de toutes ces expériences, c’est que Diouf comme Wade ont eu à payer cash leurs actes de sécession. Pour le premier, c'est un élément étranger (Wade) qui a su profiter de l’affaiblissement de son parti. Pour le ‘’Pape du Sopi’’, c’est sa victime directe qui a fini par le déloger du palais, en seulement 4 ans d’opposition, alors que rares étaient ceux qui misaient sur sa candidature. Huit ans plus tard, c’est lui-même qui ‘’dégage’’ ses amis, pour une raison qui reste à confirmer.

Mahmoud Saleh, le ‘’spin docteur’’ en chef se met enfin sous les projecteurs

En 2008, toute la République était mobilisée pour empêcher l’actuel chef de l’Etat à parvenir à ses fins. Et le bras armé du régime d’alors dans ce combat a été le ministre de l’Intérieur Cheikh Tidiane Sy. Ce qui ne l’avait pas empêché d’être porté à la tête de la magistrature suprême. Macky Sall a-t-il tiré les enseignements de ce passé récent de l’histoire politique du Sénégal ? On est tenté de répondre par la négative.

Comme si l’histoire se répétait, le successeur de Wade s’est même payé un Cheikh Tidiane Sy, pour contrôler le moindre mouvement des bannis de la sainte alliance. Il s’agit de Félix Antoine Diome, bourreau de Khalifa Ababacar Sall et de Karim Wade, devenu ministre de l’Intérieur.

A quelles fins ? Amadou Tidiane Wane ne veut surtout pas entendre parler de volonté d’avoir un troisième mandat. ‘’Certains le disent, mais je crois quand même qu’il n’ose pas se présenter pour un troisième mandat. De toute façon, il a vu ce qui est arrivé à Diouf et à Wade qui ont eu le même objectif. Qu’il sache que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Même en politique’’, insiste-t-il.

D’autre part, la question qui se pose est de savoir comment quelqu’un qui ne fait confiance même pas à ses proches, peut-il se donner pieds et mains liés à un politicien de la trempe d’Idrissa Seck ? Est-il toujours le seul maitre du jeu ? Comment comprendre autant de privilèges à l’un de ses adversaires les plus coriaces, qui semblait être des plus irréductibles ? Les questions font flores.

Deux hommes ont sûrement les réponses à toutes ces interrogations. Il s’agit de Macky Sall lui-même et peut-être du ‘’spin doctor’’ en chef, le tout nouveau directeur de cabinet Mahmoud Saleh, réputé être une des principales têtes pensantes du régime sur le plan politique.

Lui qui chemine avec le président Sall depuis plus d’une décennie, qui avait théorisé le ‘’coup d’Etat rampant’’ en 2004, pour faire éliminer Idrissa Seck dans sa lutte contre Wade. Ministre conseiller au début du régime, il a, par la suite, été ministre d’Etat, directeur de cabinet politique du président et maintenant le collaborateur direct du patron. Trotskiste, l’homme est loin de faire l’unanimité, même au sein de l’Alliance pour la République. Mais plus que jamais, il semble avoir l’oreille du président.

  Idy-Président se disloque, Sonko sur orbite, Khalifa et Karim, le double inconnu

En cooptant Idy dans la majorité, Macky pose aussi les jalons d’une nouvelle reconfiguration de l’espace politique. Outre le sort de l’Alliance pour la République, il se pose également les sorts des alliés comme le Parti socialiste, l’Alliance des forces de progrès, le Parti de l’indépendance et du travail, entre autres. A l’heure actuelle, il a surtout privé sa propre formation pour satisfaire son ex-adversaire et nouvel allié.

Mais que vaut réellement celui-ci, d’un point de vue électoral ? Pour beaucoup, le scénario des dernières élections, marquées par l’absence de deux forces politiques indiscutables de l’opposition (PDS et Manko Taxawu Senegaal) ne permet pas de déterminer qui est qui dans l’espace politique.

De plus, faudrait-il le rappeler, à cette élection, le patron du Rewmi s’était présenté sous la bannière d’une grande coalition regroupant la quasi-totalité des partis de l’opposition sénégalaise. Laquelle est menacée aujourd’hui de dislocation. Déjà, un des alliés, Dr Babacar Diop, a donné le ton, en prenant ses distances avec le leader de Idy-Président. Il en est de même pour le président du mouvement Agir. Thierno Bocoum peste à qui veut l’entendre : ‘’Le combat au sein de l’opposition pour un Sénégal de justice, de démocratie et de développement continuera sans faiblesse, avec rigueur et responsabilité. Nous restons sur la voie que nous nous sommes tracé en soutenant le peuple sénégalais tout en sauvegardant notre liberté d’action et la responsabilité d’Agir.’’ 

Par contre, au sein de la formation de Malick Gakou, les choses sont floues. Hier, sur les ondes d’une radio, l’un des responsables du Grand parti, le député Malick Guèye, avait fait une sortie remarquée, soutenant qu’Idrissa Seck a sondé Gakou pour entrer dans le gouvernement et que des membres ont fait barrage, parce que le parti risquait d’imploser, s’il avait accepté. Mais, dans la foulée, la formation politique a sorti un communiqué pour soutenir que le parlementaire n’est pas porte-parole et que, donc, ses propos n’engagent pas le Grand parti.

Mais même si les alliés le lâchent, le président Macky Sall peut compter sur le Rewmi pour gouverner en paix. Il pourra également compter sur le Parti socialiste, du moins, pour ce qu’il en reste, et dont la pérennité ne dépend que de la volonté du chef de l’Etat.

En face, dans l’opposition, les choses se précisent de plus en plus. Avec le départ d’Idrissa Seck, Ousmane Sonko a le champ libre. Lui qui, jusque-là, est le seul opposant visible et audible sur le terrain. Pendant ce temps, l’ex-détenu le plus célèbre de Rebeuss, Khalifa Ababacar Sall, rase les murs. Pour sa part, le candidat du PDS, Karim Wade, lui, se la coule douce loin du Sénégal, à Doha, au Qatar. Dans notre édition d’avant-hier, le président de la Fédération nationale des cadres libéraux appelait à une organisation de l’opposition pour aller à l’assaut du pouvoir.

‘’Ce qu’il faut retenir, c’est que les lignes sont claires. On sait qui est avec Macky Sall et qui n’est pas avec lui. Maintenant, à ceux qui sont contre le régime en place de s’organiser pour constituer une alternative crédible à même de remettre le Sénégal sur la voie du développement et de la démocratie’’, disait Lamine Ba.

MOR AMAR

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