Publié le 31 Jan 2018 - 17:39
RENAISSANCE D’UN VILLAGE RAYE DE LA CARTE EN 1992

Djirack, le retour des exilés

 

L’histoire du village de Djirack se confond plus que jamais avec celle de la crise en Casamance. Village fantôme à partir de 1992, suite à une attaque du Mfdc, la bourgade renait petit à petit de ses restes. Doté de potentialités économiques certaines, Djirack devra cependant faire face à des séquelles liées à son passé.  

 

‘’Ma maman me dit que c’est ici qu’on habitait. Je ne reconnais plus l’emplacement exact de notre maison’’, déclare Ndèye Ami Barry, les larmes aux yeux. Cette fille de l’ex-sénatrice Khardiata Manga avait 5 ans, lorsque les habitants de son village, Djirack, ont massivement déguerpi. Sa famille s’est retrouvée, d’abord à Diakène Diola, dans le département d’Oussouye. Cet exil a été suivi d’un retour avant que la maisonnée ne soit obligée de reprendre le chemin de l’exode. Les événements que ce village a connus, vont pousser la famille de Ndèye à fuir, de nouveau, pour se retrouver à Boucotte-Djimbéring, à quelques encablures de Djimbéring.

Vingt-cinq 25 ans après, Ndèye Ami Barry, qui vit désormais en France et qui  estime que Djirack constitue sa seule raison de vivre, revient sur la terre de ses ancêtres. ‘’Boucotte-Djimbéring, où vit ma famille, n’est pas notre terre. Un jour – on ne sait jamais – on peut nous sommer de quitter. Je ne me sens pas chez moi. Je veux, comme toutes les populations de Djirack, rentrer chez moi’’, gémit-elle, la mine triste.

Seulement, tout ne semble pas au point pour un retour idéal. Le député-maire de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé, qui a côtoyé cette bourgade lorsqu’il fut ministre des Forces armées, se veut prudent. ‘’À  Djirack, il existe tous les problèmes imaginables et inimaginables’’, révèle-t-il. A l’image de Mandina-Mancagne, Babonda, Djibidione, Effock ou encore la zone comprise entre le Nord Sindian et le Niarang, dans l’arrondissement de Diouloulou, le village de Djirack a atrocement  souffert du conflit en Casamance. Situé dans le département d’Oussouye, commune de Santhiaba-Manjacque, ‘’le village de Djirack regorge le  plus de potentialités économiques dans le département d’Oussouye’’, selon les mots du maire de Djimbéring. D’après Tombon Guèye,  ce patelin, constitué d’alluvions, à la lisière de la frontière avec la Guinée-Bissau, est la zone la plus pluvieuse du territoire national. Là-bas, dit-il, les conditions climatiques sont favorables à la production agricole. Et le marigot de Boudiédiète, près de Djirack,  zone tampon entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, est le plus poissonneux du département du Kassa.  C’est pourquoi, jadis, ‘’les populations, même les plus jeunes, choisissaient d’y rester que de tenter l’aventure ailleurs’’, ajoute le chef du village Aliou Ndiaye.

Les malheurs qu’a connus  Djirack vont débuter en 1990, lorsque l’armée sénégalaise a failli en découdre avec celle de la Guinée-Bissau.  Le village va enregistrer son premier déguerpissement. Les deux parties, qui étaient au bord de la confrontation pour le contrôle de cette bande de terre frontalière, vont se retirer quelques semaines plus tard. Après le 1er accord de cessez-le feu entre le gouvernement  et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), en 1991, les populations amorcent le retour au bercail. Un retour éphémère, puisqu’un jour de l’année 1992, un commando du Mfdc envahit le village et incendie presque toutes les maisons. ‘’Ma maman, dans sa fuite,  m’a abandonnée dans la brousse, m’a expliqué ma grand-mère. Elle dit avoir sommé ma mère de revenir me chercher’’, informe Mariama Ba, aujourd’hui femme de ménage au Cap-Skirring.

Au départ, il n’y avait que 5 maisons…

A la question de savoir pourquoi cette attaque de la part des combattants du Mfdc, laquelle a subitement transformé ce  patelin  paisible en village fantôme, le chef du village, Aliou Ndiaye, pense que c’est en représailles contre Djirack qui, jusque-là, n’avait aucun de ses fils au sein de la rébellion. ‘’Quelques rares personnes âgées étaient des sympathisants du mouvement irrédentiste’’, explique le chef du village. Pendant plus d’une décennie, le village est rayé de la carte.

Le retour au bercail va être amorcé en 2000, grâce à la coopération allemande qui a appuyé les rares populations dans la reconstruction de quelques maisons. Au départ, il n’y avait que 5 maisons où s’entassent les personnes revenues de l’exile.

Salle de classe construite par l’armée

Aujourd’hui, le décor, à Djirack, est constitué de maisons délabrées construites en banco et  envahies par les herbes sauvages. Pour s’y rendre, il faut contourner Santhiaba-Manjacque. Le chemin le plus sûr et le moins contraignant  pour rejoindre  Djirack est celui  reliant  Kabrousse à Boudiédiète.  L’armée a procédé au déminage de la piste qui mène à Djirack où elle dispose d’un poste avancé. Sinon, il faut d’abord, à pied ou en ‘’moto-jakarta’’, entrer en territoire bissau-guinéen et traverser certains villages comme Essoukdiack-Guinée et Essoukdiack-Sénégal, Karing et Téniate.

Les forces de défense et de sécurité qui veillent sur le quotidien des populations ont, dans le cadre des actions civilo-militaires, construit une salle de classe pour renforcer les deux qui existaient juste après le timide retour des populations. Une collaboration saluée par tous, car à Djirack, la lutte pour la survie est un défi, un combat quotidien. Djirack compte aujourd’hui 8 maisons dont 3 construites en banco.  La plupart des champs et des rizières ont été abandonnés, du fait de la présence des mines. Mais qu’à cela ne tienne ! Depuis quelques années maintenant, la volonté de retour est plus forte que tout chez les autochtones. C’est ce qui explique la tenue, les 22, 23 et 24 décembre derniers,  des ‘’72 heures de Djirack’’ axées autour du thème ‘’Perspective de retour et de développement’’.

‘’Nous pensons au retour. Tous nos biens sont à Djirack’’, se désole Ndèye Ami Barry, marraine de la manifestation. Il faut tout reprendre à Djirack. D’ailleurs, les ‘’72 heures’’ ne sont qu’un prétexte pour passer au crible, en présence des autorités locales, les problèmes qui complique ce retour au bercail, mais également porter le plaidoyer pour que l’Etat, dans le cadre du Puma, puisse inscrire Djirack en bonne place des actions  à réaliser.

HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

 

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