Chez les domestiques, le 1er-Mai passe inaperçu
Des domestiques rencontrées au marché de Grand-Yoff (banlieue de Dakar) ignorent le sens et l’opportunité de la célébration, mardi, de la Fête du travail, dans ce coin où le petit commerce continue d’avoir droit de cité.
En cette Journée internationale du travail ou Fête du 1er-Mai, elles sont venues mardi, comme d’ordinaire, acheter des légumes, du poisson et autres condiments, pour le repas familial.‘’Fête du travail, c’est quoi ?’’, s’exclame Fatou Diop. Cette domestique est venue faire ses provisions au marché de Grand-Yoff, en compagnie de quelques amies, paniers garnis de légumes et d’autres ingrédients à la main. Après s’être fait expliquer le sens de , elle répond : ‘’Nous ne sommes pas donc concernées. Vous voyez que nous venons du marché, une tâche que nous devons exécuter chaque jour’’. La Fête du travail, les compagnons de Mme Diop n’en savent pas mieux qu’elle. ‘’Je me suis réveillée à six heures du matin pour balayer la cour, nettoyer les salons et les carreaux. Je reviens du marché comme ça. Arrivée à la maison, je vais préparer le repas. Et l’après-midi, c’est un autre travail qui m’attend encore’’, explique Mame Diarra, pas du tout à la fête, elle non plus.
‘’Le 1er-Mai, c’est une fête dédiée aux travailleurs dans le monde entier. On l’a instaurée pour réclamer des conditions de travail décentes pour les travailleurs’’, explique Nogaye Ndione dans un français correct, sur le chemin du marché. Cette ancienne collégienne de la région de Fatick a quitté les bancs en 2011, pour venir à Dakar ‘’dans le but d’aider [ses] parents démunis, en travaillant comme femme de ménage’’. ‘’Moi, sincèrement, ça ne me concerne pas. En aucun cas, je ne laisserai mon travail pour aller au défilé de la Fête du travail. Cela n’engendrera que des problèmes entre ma patrone et moi’’, commente la domestique.
« La Fête du travail pour ceux qui travaillent dans les bureaux »
Au carrefour de Liberté 6 convergent de nombreuses filles à la recherche d’un emploi. Les filles forment de petits groupes et entretiennent la conversation. Lorsqu’une voiture s’approche, elles se lèvent pour se faire voir du conducteur ou de l’un des occupants, espérant avoir affaire à des gens à la recherche d’une domestique. Certaines filles ont le visage crispé par la fatigue. ‘’La Fête du travail est faite pour ceux qui travaillent dans les bureaux, dans les usines ou ailleurs. Pas pour les femmes de ménage’’, martèle Selbé Diouf, âgée d’une trentaine d’années. ‘’Une fois, un 1er-Mai, des femmes sont venues nous parler de cette fête et nous ont invitées à y prendre part, à l’occasion d’un défilé. Après la manifestation, elles nous ont laissées sur place. Nous n’avions même pas de quoi payer le transport pour rentrer à la maison ou nous restaurer’’, se souvient, amère, Michelle. ‘’Depuis lors, je me méfie de ces organisations qui prétendent venir en aide aux domestiques, pour finir par les rouler dans la farine’’, lâche-t-elle.
(Aps)