Publié le 2 Jul 2020 - 01:29
RESILIENCE SECTEUR HYDROCARBURES FACE A LA COVID-19

Makhtar Cissé plaide pour un plan de financement ‘’robuste’’

 

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a organisé une table ronde avec les acteurs du secteur de l’énergie en Afrique. L’objectif était de procéder à un partage d’expériences, de faire le point des impacts de la Covid-19 sur le secteur et établir les priorités en matière d’investissements énergétiques. Il a été notamment question des projets d’hydrocarbures impactés par la pandémie.

 

La pandémie de Covid-19 n’a épargné aucun secteur. Pour en mesurer l’impact sur le secteur énergétique, les ministres africains de l’Energie ont échangé, hier, par visioconférence, dans le but de partager leurs expériences. Le ministre sénégalais des Energies s’est appesanti sur le secteur des hydrocarbures qui, comme beaucoup d’autres, est dans des zones de turbulences. Le Sénégal connait d’ailleurs un ralentissement dans l’exécution de ses projets pétroliers et gaziers.

‘’Il est l’un des (secteurs les) plus touchés, en raison du confinement qui a provoqué le ralentissement, voire un arrêt des travaux dans des pays où les équipements de production nécessaires aux produits pétroliers sont construits. On note également des impacts significatifs sur les marchés pétroliers exacerbés par la guerre des prix qui a fait que le baril a subi des évolutions jamais observées auparavant dans le secteur pétrolier. A cela s’ajoute une baisse de la consommation d’énergie à l’échelle mondiale qui a fortement impacté les marchés et ébranlé l’ensemble de la chaine de valeur pétrolière et gazière. Les conséquences ont été ressenties aussi bien dans les pays producteurs qu’importateurs’’, explique Mouhamadou Makhtar Cissé.

 L’autosuffisance énergétique, selon le ministre, ne pourra être une réalité que grâce à des échanges intra-africains. Il estime qu’une bonne résilience du secteur des hydrocarbures demande un plan de financement ‘’robuste’’ pour résoudre les problèmes de la chaine logistique, la raffinerie, les terminaux d’importation et de stockage ainsi que les réseaux de distribution. ‘’Il va falloir maintenir un climat ouvert à la discussion avec les compagnies pétrolières, dans le but de favoriser une reprise rapide des activités à la fin de la crise. Nous devons éviter un impact irréversible sur les projets pétroliers et gaziers sur le continent. Les investissements dans le secteur de l’énergie sont très lourds. Pour cela, nous avons besoin de l’engagement et de la détermination des investisseurs nationaux et internationaux pour réussir le pari de l’accès à l’électricité. Nous avons besoin de l’intégration régionale à travers les cinq pôles énergétiques du continent pour harmoniser notre cadre réglementaire, renforcer le contenu local, créer des emplois et soutenir les entreprises locales. Il faut qu’on s’aide mutuellement, car la transition énergétique ne pourrait se faire sans l’Afrique’’, poursuit l’autorité. 

‘’La crise est venue compromettre l’atteinte de l’ODD 7’’

De l’analyse aussi du ministre sénégalais de l’Energie, ‘’la crise est venue compromettre l’atteinte de l’ODD 7. Il est difficile de déterminer, pour le moment, tous les impacts de la pandémie sur le secteur énergétique. Mais on a constaté une diminution de la consommation du secteur productif de manière générale, même si celle du secteur résidentiel a légèrement augmenté pour les besoins du télétravail et l’Internet. L’approvisionnement en électricité a été globalement assuré, même si c’est à des degrés divers. Mais la menace continue de peser en raison des reports d’investissements dans la réalisation de certains projets d’infrastructures électriques, de production et de transport au niveau national ou régional. Les risques d’exécution sont liés à des arrêts découlant des mesures de confinement et des difficultés financières de certains investisseurs’’.

Mouhamadou Makhtar Cissé de souligner que les pays africains sont confrontés à un problème de disponibilité de l’électricité, surtout en milieu rural. Et ce, malgré les ressources énergétiques solaires, éoliennes et gazières dont dispose le continent. ‘’Il est important de renforcer notre coopération et notre assistance mutuelle dans le cadre des pôles énergétiques régionaux et de développer davantage des interconnexions entre nos pays. Nous devons essayer de juguler au maximum ces impacts et investir davantage dans la production, les réseaux de transport et de distribution, mais également dans les énergies renouvelables, pour amener l’électricité dans les hameaux les plus reculés, les centres et postes de santé. La pandémie a fini de confirmer l’urgence de l’électricité dans les centres ruraux, pour la prise en charge des personnes infectées qui se trouvent isolées, hors de portée du réseau électrique. Cela peut être fait grâce à l’énergie solaire’’, ajoute-t-il.

De son point de vue, soutenir l’équilibre financier du secteur de l’énergie revient à accompagner la reprise à long terme des investissements déjà ciblés, pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages (qui seront à même de pouvoir payer leurs facteurs). Cela passe également par les initiatives des jeunes entrepreneurs qui doivent être encouragées par tous les acteurs.

L’expérience du Maroc

Depuis l’apparition du virus sur son territoire, le Maroc a connu une baisse de la consommation d’énergie de 14 %. Le royaume chérifien n’a pas encaissé 11 millions de factures. ‘’On a décidé d’accompagner de cette façon les populations, d’échelonner le paiement de ces factures sur les mois à venir’’, détaille le ministre de l’Energie marocain. Qui poursuit : ‘’Le point positif, c’est qu’aucune interruption du système n’a été constatée, parce que nous avons atteint 99 % d’électrification à l’échelle nationale. Notre pays a mis en place un stock de sécurité pour faire face aux aléas de ce virus et continuer à produire de l’électricité grâce au charbon. L’Etat a créé un système de garantie pour pouvoir continuer à payer les entreprises partenaires. Durant cette crise, nous avons accéléré notre projet sur le GNL (NDLR : gaz naturel liquéfié), celui concernant l’hydrogène est en cours. Aussi, nous avons remarqué que, dans les années à venir, la taxe sur le carbone va s’imposer et donc nous accompagnons les entreprises du secteur pour qu’elles puissent switcher totalement vers l’énergie propre. Le coût de l’énergie doit baisser et elle doit être propre et rapidement accessible.’’

Selon Aziz Rabbah, un cadre réglementaire est en cours d’élaboration pour permettre au tissu industriel marocain de produire sa propre énergie. ‘’On va vers un chamboulement du système électrique en Afrique. Donc, on va devoir garder l’équilibre des sociétés nationales et en même temps donner la possibilité aux industries de faire de l’autoproduction. Il faut maintenant trouver des stratégies pour répondre à la demande africaine. Et dans ce cadre, nous collaborons avec l’Ethiopie et d’autres pays africains pour créer des joint-ventures. Nous voulons développer une solution africaine qui est appropriée au contexte africain’’, a-t-il déclaré.

L’Agence internationale de l’énergie estime, pour sa part, que l’enjeu principal dans ce secteur est la régionalisation, au travers d’une meilleure intégration entre pays africains et une connexion énergétique avec les pays européens. Ce qui devrait permettre aux uns de s’appuyer sur les autres en période de crise. Plusieurs institutions telles que le Fonds monétaire international, l’Organisation de coopération et de développement économique, l’Agence française de développement ont participé à cette rencontre.

L’AIE existe depuis 1974, au cours de la première crise pétrolière, et compte 28 Etats membres. Elle veille au maintien de leur sécurité énergétique.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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