Reed Brody souligne la primauté du traité de l'UA
Le porte-parole de l’ONG américaine Human Right Watch, principal artisan du procès de Hissein Habré, est à Dakar. Venu prendre part au festival Ciné Droit Libre, prévu à Dakar, du 14 au 19 avril 2014, Reed Brody s’est prononcé sur l'opposition du CNRA à la retransmission audiovisuelle du procès Habré.
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) s'est opposé à la retransmission audiovisuelle du procès de Hissein Habré, en indiquant que ''l’enregistrement et la diffusion des débats d’audiences ne sont ni admis, ni autorisés, ni organisés dans notre arsenal juridique interne''. Hier, Reed Brody, porte-parole de Human Right Watch, a souligné la primauté du traité entre le Sénégal et l’Union africaine (UA) sur la législation sénégalaise.
''Chaque pays a ses lois et ses coutumes. Mais, faut-il rappeler que les Chambres africaines extraordinaires (CAE), devant statuer sur l’affaire Habré, sont le fruit d’un traité entre le Sénégal et l’Union africaine''. Et ce traité, a-t-il rappelé, ''prévoit que les débats soient filmés et diffusés, sauf si cela contrevient aux mesures nécessaires à la protection des témoins et autres participants''.
Reed Brody considère que ce procès est pour l’Afrique, obtenu grâce à l’acharnement des victimes tchadiennes qui vivent à des milliers de kilomètres de Dakar. Sous ce rapport, il estime qu'il est indispensable que ce procès soit mis à la portée de l’opinion africaine et des victimes tchadiennes. ''Si cela devait se tenir seulement à huis clos, à des milliers de kilomètres des victimes et du peuple tchadien, cela enlèverait une bonne partie des objectifs de ce procès, notamment la valeur pédagogique''.
Il donne l'exemple du procès de Charles Taylor, à La Haye, qui a été filmé. ''Le Sénégal, dit-il, devrait être fier de montrer à la face du monde l’efficacité et l’indépendance du pouvoir judiciaire sénégalais''. Dans la même logique, Reed Brody souligne qu’on peut s’attendre à un procès historique qui sera retransmis dans les télévisions africaines, en 2015. ''Ce sera la première fois, dans l’histoire que les tribunaux d’un pays jugent des actes d’un dirigeant d’un autre pays. Une occasion pour montrer à la face du monde qu’il est possible, avec ténacité et persévérance d’organiser le procès d’un dictateur''.
Le porte-parole de Human Right Watch s'est aussi félicité des résultats de l’instruction. ''Ils ont interviewé à ce jour plus de 3000 victimes, des centaines de témoins. Ils ont accès aux archives de la police politique de Hissein Habré, aux témoignages des personnes qui étaient dans l’entourage de Habré. Il paraîtrait que la perquisition de la maison de Habré a donné des preuves à charge'', s'est-il réjoui.
SEYDINA BILAL DIALLO