Publié le 13 Mar 2014 - 05:06
RUPTURES ENTRE ARTISTES ET MAISONS DE PRODUCTION

 Les labels donnent leurs opinions

 

L'affaire Titi/Prince Arts entre dans une longue lignée de divorces entre des stars de la musique et les producteurs qui ont accompagné leurs premiers pas. En général, ce sont les artistes qui accusent. Les labels ont, eux aussi, des raisons de penser que quelquefois, la pomme de discorde se retrouve dans l’autre camp.

 

‘’Il faut avant tout comprendre qu’entre un label et un artiste, même sous contrat à durée indéterminée, il s’agit surtout à 70% d’un accord de confiance et le reste est de l’administratif. Quand quelqu’un veut partir, pareillement, on ne peut pas le forcer à rester, ni le retenir’’, explique Ngoné Ndour du label Prince Art, quand on lui parle de la nature des relations qui lient sa structure aux artistes qu’elle représente.

Sujet tendance du moment, les départs d’Artistes de leurs maisons de production respectives, avec récemment le cas de Titi qui a quitté la structure suscitée, font couler beaucoup d’encre. Et pourtant cela ne date pas d'aujourd'hui. On recense de nombreux cas d’artistes qui accusent leur label de les avoir, passez-nous l’expression, laissés tomber.

''C’est le ‘’maa xew’’ qui a gâté la musique au Sénégal’’

Pour ceux que l’on pointe du doigt, néanmoins, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Si les labels sont les premiers à admettre que le milieu est riche en charlatans ‘’des requins peu scrupuleux’’, comme aime les surnommer Ken Aïcha Sy, de Wakh’Art Music (WAM)), ils insistent aussi sur le fait que, souvent, l’artiste lui-même est à blâmer dans ses pratiques et habitudes professionnelles : ‘’Aujourd’hui, dans la musique, il y a beaucoup plus de bruit qu’autre chose : c’est pour l’essentiel la faute des artistes, qui manquent souvent de maturité et sont plus attirés par l’effet succès que l’aspect travail…

De plus, on ne peut pas débuter dans la musique et vouloir faire la concurrence aux autres pour décrocher le grand théâtre ou posséder une 4x4, du jour au lendemain’’, explique Ngoné Ndour. Elle ajoute : ‘’La qualité, cela prend du temps. Tous les grands artistes de ce pays ont su être humbles et avoir la patience de travailler pour obtenir le succès qu’ils ont eu. La nouvelle génération, malheureusement, pense que tout ce qui brille est de l’or. Or, c’est faux. Un succès n’est pas une carrière. C’est le ‘’maa xew’’ (je fais le buzz) qui a gâté la musique au Sénégal.’’

Manque de professionnalisme

Ainsi, ce serait un problème de professionnalisme qui explique, pour la plupart, le fait que les artistes n’arrivent pas à convertir un succès en quelque chose de plus durable. Simon Kouka, de Djolof4Life, partage d’un certaine manière ce point de vue. ''Il arrive, surtout chez les artistes qui débutent, qu’on ait quelques soucis au départ pour des choses comme la ponctualité et autres… C’est normal, on est au Sénégal.

Mais les choses sont vite recadrées, parce qu’on parle de personnes qui ont un minimum, une base, et comprennent ce qu’est la musique à un niveau professionnel’’, explique-t-il. Et Ken Aïcha Sy de renchérir : ‘Il y a des artistes qui pensent que le producteur va faire des miracles.

Et le producteur, ce n'est pas Dieu, le label non plus et encore moins le manager... Il est facile de faire des reproches à son label, mais les artistes ont-ils en amont respecté leurs devoirs?’’, se demande la jeune femme. Selon elle, l'artiste doit être exigeant envers lui-même d'abord, avant de l'être pour son label.

Retombées financières

Si on sait qu’un label ne récupère, en général, que 25 à 30% de ce que gagne un artiste et qu'il lui faut 4 ans minimum pour amortir ce qu’il a dépensé initialement en frais de production, on comprend que perdre entre-temps son artiste débutant au profit d’un autre label n’est dans l’intérêt de personne.

‘’Quand un label décide de gérer la carrière d’un artiste, en général, son rôle est de crédibiliser son artiste de telle manière qu’il puisse remplir les salles dans lesquelles il se produit. Maintenant, les déceptions sont souvent dues au fait qu’il y a un problème de visibilité, parce que le produit, aussi bon qu’il puisse être, ne pourra pas attirer l’attention du public, s'il n’est pas bien défendu…

C’est déjà arrivé que des artistes qui nous avaient quitté pour d’autres labels aient voulu revenir vers Prince Arts, ensuite parce que, justement, ils n’ont pas trouvé mieux’’, explique la sœur de Youssou Ndour. ‘’Pour un label, il faut pouvoir se focaliser sur l’artiste qui est produit, c’est-à-dire l’aider à mettre un produit fini sur le marché, le rendre visible et le faire tourner… Aujourd’hui, c’est très rare qu’un label puisse, comme nous, assurer au moins 15 scènes par an à ses artistes’’, ajoute, quant à lui, Simon Kouka.

Produire un artiste est un investissement à long terme, si l’on se fie aux dires du patron du label 1 000 mélodies Baba Hamdy. ‘’On met 10 millions par exemple dans une production. C’est sur une durée de 4 ou 5 ans que le label arrive à recouvrer la somme investie’’, explique-t-il.

À bon entendeur…

Sophiane Bengeloun

 

 

 

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