Rideau sur un festival endeuillé
Partie pour être belle, la 26e édition du Festival international de jazz l’a été sûrement. Mais il restera toujours ce sentiment d’amertume, ce poids sur la poitrine causée par les différentes disparitions d’artistes qui devaient être de la partie.
Les rideaux ont été tirés, hier, sur la 26e édition du Festival international de jazz de Saint-Louis. Une édition où chaque soirée était une prestation d’hommage à Habib Faye. En effet, il ne manquait pas un musicien programmé qui avait des affinités avec le défunt et qui, sans l’ombre d’une hésitation, lui a dédié le spectacle du jour. Mais le meilleur moyen de rendre hommage au bassiste sénégalais était de produire un spectacle de qualité, car le disparu était un orfèvre de la musique, un créateur né.
Sur ce registre, le public du Saint-Louis jazz n’a pas été déçu. Que ce soit avec Nicolas Folmer, Dhafer Youssef, Awa Ly, Paco Sery et les Eléphants du jazz, Hervé Samb ou encore le trio Stanley Jordan, Will Kalhoun et Kai Echard, le public en redemandait. Avec des styles différents, ces artistes ont pu assurer et démontrer, lors des spectacles du samedi, du dimanche et du lundi, que leur place sur cette scène devenue mythique était loin d’être usurpée.
Le Tunisien Dhafer Youssef (il en est à sa deuxième participation à ce festival, après son passage à l’édition de 2013) a séduit, non seulement de par la musique produite, mais surtout par la force de sa voix qui n’a cessé de transpercer la nuit saint-louisienne. En effet, portée par le vent frisquet qui soufflait sur l’île, elle est allée au-delà de la place Faidherbe. Mais le must, ce sont les spectateurs qui en auront droit, puisqu’ils vont se rendre compte que sur scène, Dhafer Youssef module sa voix, en parfaite harmonie avec la musique distillée par son groupe.
Cette force de la voix, on la retrouve aussi chez la Sénégalaise Awa Ly, née à Paris et vivant à Rome. Une indication qui montre l’influence subie par ces différentes cultures sur sa musique et son répertoire. Une voix suave qu’elle sait utiliser à bon escient. Et, cerise sur le gâteau, même ses explications concernant le contexte de ses chansons sont chantonnées.
Avec l’Ivoirien Paco Sery et le Sénégalais Hervé Samb, l’Afrique a deux artistes qui pourraient être d’un grand apport pour la vulgarisation du jazz, ce style musical jugé élitiste. Ils ont en commun l’avantage d’être appréciés dans leur pays respectif de par leur talent et puisent tous les deux dans le répertoire traditionnel pour s’exprimer. Que ce soit les chansons et la rythmique, rien n’a été laissé au hasard. Ce qui a emballé le public.
Accompagné de Pathé Diassy à la basse, Alioune Seck aux percussions, Ndiaw (ancien du groupe Waflash) à la batterie, Hervé Samb a tout simplement puisé dans le répertoire national pour offrir des titres très ’’jazzy’’. Et il fallait voir la réaction du public pour juger de l’impact de son option musicale.
Quant à Paco Sery, il est, tout d’abord, à lui tout seul, un spectacle. Le nom de son groupe - Les Eléphants - renseigne à souhait sur le projet qu’il véhicule et le talent de ses musiciens. Il s’agit tout simplement des meilleurs en Côte d’Ivoire dans le style musical qu’est le sien. Que ce soit Isaac Kémo le saxophoniste ou Aly Keïta le joueur de balafon, en passant par le batteur qui a débuté le spectacle, le pianiste-claviériste qui passait allégrement sur scène d’un instrument à un autre, le bassiste, chacun d’entre eux a eu son heure de gloire sur scène.
C’est seulement après que le ‘’maestro’’, avec son énergie débordante, a fait son apparition. Et la ville de Saint-Louis de se réveiller du fait de la puissance qui se dégageait de ses coups de baguettes sur la batterie et les cymbales. On s’étonnera toujours de cette puissance issue d’un corps si frêle que celui de Paco Sery, surtout lorsqu’il allie le tout avec une telle rapidité d’exécution… Paco Sery a assuré et a rassuré une nouvelle fois, et a montré toute sa générosité artistique, en mettant en avant Les Eléphants. Mais aussi en partageant la scène avec un groupe de percussionnistes saint-louisiens et Will Kalhoun, le batteur qui a accompagné Stanley Jordan.
C’est d’ailleurs ce dernier qui a clôturé la soirée de ce lundi et il n’a pas failli à sa réputation en alternant avec brio guitare et piano.
Par Mor TALLA DIAW – (Envoyé spécial)