Le souffle d’un renouveau

Dimanche matin, à bord du ‘’Bou El Mogdad’’, l’édition 2025 du Festival international de jazz de Saint-Louis a été close. L’atmosphère était paisible, malgré quelques gouttes de pluie tombées en début de croisière. L’ambiance, elle, est restée festive. Entre musiciens, journalistes, mécènes et organisateurs de l’événement, le bateau chargé d’histoires a accueilli la conférence de presse de clôture.
‘’Il faut que Saint-Louis jazz change de dimension’’, pose d’emblée Idriss Benjelloun, président de l’Association Saint-Louis jazz. ‘’Nous avons eu une très belle édition sur le plan artistique, avec de grandes têtes d’affiche, des artistes émergents, des rencontres riches entre musiciens sénégalais et internationaux. Mais aujourd’hui, on doit structurer le festival, penser à son avenir, à sa transmission’’, dit-il. Tout semble être pensé pour réaliser cela. Au fil des interventions, une nouvelle feuille de route est dessinée. Le festival entend créer une fondation pour sécuriser ses acquis, une société de production pour mieux gérer ses projets, mais aussi une académie de jazz à Saint-Louis pour former de jeunes musiciens africains. Des ambitions assumées, portées par une conviction.
Selon les organisateurs, le festival doit devenir un levier de développement durable pour la ville et pour les artistes du continent.
Le soutien de la Bicis (groupe Sunu), un socle renforcé
Dans cette volonté de structuration, la Bicis reste une alliée clé. Partenaire du festival depuis 2004, la banque, désormais filiale du groupe Sunu, a réaffirmé son engagement à accompagner Saint-Louis jazz dans cette nouvelle phase. ‘’Ce partenariat va se poursuivre. C’est une histoire que nous avons construite ensemble et qui continue aujourd’hui avec la même détermination’’, a assuré Ndèye Coumba Tew Aw, directrice générale de la Bicis. ‘’Le groupe Sunu est présent dans 17 pays d’Afrique et nous partageons avec le festival des valeurs fortes que sont l’excellence, la rigueur, la créativité et le rayonnement panafricain’’.
En effet, depuis plus de vingt ans, la banque soutient le festival bien au-delà du financement. Elle a œuvré pour la présence logistique, la valorisation des artistes et la visibilité médiatique. La traditionnelle croisière de clôture, qu’elle organise chaque année, est devenue un marqueur fort de cette collaboration. Cette fidélité, Ndèye Coumba Tew Aw la lie aussi au potentiel culturel et touristique de Saint-Louis. ‘’C’est une ville exceptionnelle, un patrimoine vivant. Nous voulons l’accompagner dans cette dynamique de transmission et d’innovation’’.
Un bilan artistique salué
L’édition 2025 aura été marquée par une programmation éclectique et exigeante. Du groove futuriste d’Alune Wade au jazz solaire d’Arnaud Dolmen, en passant par l’élégance mélodique de Salvador Sobral ou les expérimentations audacieuses de Rosa Brunello, la scène du festival a accueilli une palette riche de sonorités. Le public a répondu présent, les musiciens aussi. Certains moments resteront dans les mémoires, comme la prestation du groupe Sixun ou la projection du documentaire ‘’Tukki, From Roots to the Bayou’’, suivie d’un échange animé autour des racines africaines du jazz. Les rencontres artistiques ont été nombreuses et plusieurs résidences ont permis aux musiciens locaux de partager la scène avec leurs collègues internationaux.
‘’C’est cela, le cœur de notre mission : provoquer des croisements, ouvrir des portes, susciter des dialogues’’, résume Idriss Benjelloun. Le président du festival plaide pour une relance ambitieuse des résidences, essentielles à ses yeux pour faire émerger une nouvelle génération de musiciens.
Au-delà du spectacle, le festival veut désormais préserver sa mémoire. Depuis sa création en 1993, des dizaines d’éditions se sont enchaînées, laissant une trace unique dans l’histoire musicale du continent. Affiches, archives sonores, photos, objets de scène. L’idée de constituer un centre de documentation et de valorisation du patrimoine du festival a été évoquée.
Une dynamique territoriale
Le festival génère aussi des retombées économiques et sociales majeures avec un regain noté dans l’hôtellerie, la restauration, l’artisanat, le tourisme, l’emploi temporaire, entre autres. Chaque édition transforme Saint-Louis en un carrefour d’activités, de rencontres, de circulation. Cette dimension est désormais intégrée dans la réflexion stratégique du comité d’organisation. ‘’Ce que nous construisons va bien au-delà d’un événement musical. C’est un projet de territoire, un outil de développement local, un espace d’opportunités pour les jeunes, pour les artistes, pour toute une ville’’, insiste Benjelloun.
La conférence de presse s’est achevée sur le pont du ‘’Bou El Mogdad’’, entre musique live et souvenirs échangés. Quelques notes de saxophone flottaient dans l’air. Après les nuages menaçants de la matinée, les rayons du soleil envahissaient le ciel. Et les visages rayonnaient. Comme si le fleuve Sénégal, fidèle compagnon du festival depuis toujours, portait désormais un nouveau courant : celui d’un jazz enraciné, ambitieux, tourné vers l’avenir.
MAGUETTE NDAO