Publié le 29 Mar 2024 - 17:48
SCISSION, GUERRES INTESTINES AU SEIN DE L’APR

Qui pour succéder à Macky Sall ?

 

La défaite de la coalition Benno Bokk Yaakaar risque d’être le précurseur de vastes chamboulements au sein des instances de l’Alliance pour la République (APR). Ce revers d’Amadou Ba, qui peut se prévaloir d’un statut de chef de l’opposition, risque de se heurter aux desiderata des caciques de l’APR qui lui ont toujours dénié toute légitimité au sein du parti. La bataille de la succession de Macky Sall est lancée.

 

La défaite du candidat de Benno Bokk Yaakaar (BBY), Amadou Ba, a suscité des remous au sein de l’Alliance pour la République (APR). Le peu d’enthousiasme dans la candidature de l’APR augure de lendemains troubles au sein du parti. Le procès en légitimité d’Amadou Ba risque aussi d’être relancé. D’autant plus que ses rares partisans auront du mal à s’imposer au sein du parti. Le départ en exil de Macky Sall pose avec acuité le problème de sa succession au-delà du 2 avril 2024. La guerre des lieutenants est inévitable, si Amadou Ba a pour ambition de présider aux destinées de la formation politique.  

Ces dernières années, la vie du parti a été polluée par la guéguerre entre les APR authentiques, la frange des technocrates du parti et ceux qui ont pris le train en marche après la conquête du pouvoir.

Déjà la conduite de cette campagne électorale a laissé apparaître une certaine scissure entre les personnalités historiques de l’APR qui ont soutenu cette candidature en trainant les pieds, pour ceux qui ont daigné lever le petit doigt, et une frange moins identifiée comme républicaine historique, à l’instar de Demba Diop dit ‘’Diopsy’’, Cheikh Oumar Hann et Mamadou Ibra Kane.

L’avenir de l’APR lié au sort réservé à Amadou Ba

Pour l’analyste politique Mamadou Sy Albert, l’avenir de l’APR pourrait être lié au sort réservé à Amadou Ba qui, selon les circonstances, pourrait enfiler le costume de chef de l’opposition. Ce qui, rappelle l’analyste politique, serait très difficile, puisque c’est un parti désuni qui se dirige vers l’opposition. ‘’Le sort d’Amadou Ba fait forcément débat au sein de l’APR. La dernière campagne a montré qu’il n’est pas légitime au sein de l’APR qui a décidé de ne pas faire campagne pour lui. De ce fait, une exacerbation des clivages entre caciques du parti et la frange rénovatrice qui pourrait suivre Amadou Ba s’il venait à poursuivre son chemin au sein du parti serait irrémédiable’’, indique-t-il avant de renseigner que si cette situation venait à s’accentuer et qu’Amadou Ba n’arrivait pas à s’imposer dans le parti, l’ex-Premier ministre serait alors obligé de quitter le parti, a-t-il fait savoir.

Amadou Ba, qui a engrangé 35,79 % des suffrages, dispose de peu de relais et de structures au sein de l’APR. Cette situation d’isolement au sein du parti risque, à terme, de fortement fragiliser l’ancien ministre de l’Économie, s’il veut s’imposer au sein de la maison des républicains.

Au sortir de cette Présidentielle, il ne semble pas avoir pu rassembler tout le camp républicain. Les caciques de l’APR n’ont jamais accepté son leadership en tant que Premier ministre et candidat. Ainsi, malgré l’appel de Macky Sall à l’union sacrée autour du candidat de la majorité, le scepticisme et la méfiance envers Amadou Ba ne se sont jamais estompés.

Et pour ne rien arranger, beaucoup de responsables ‘’apéristes’’ se sont sentis exclus, voire non associés à la stratégie de campagne, vu qu’Amadou Ba s'est entouré de ses personnes de confiance pour mener sa propre campagne.

Cette rupture de confiance entre plusieurs responsables “apéristes” et Amadou Ba sera difficile à surmonter.

La rupture de confiance entre le candidat et Macky Sall qui demeure toujours le président du parti risque aussi de mettre Amadou Ba à l’étroit dans la formation. Le président Macky Sall, détenteur de la seule légitime pour mettre en ordre de bataille, a tardivement assisté son candidat. Le coup de pouce est arrivé au moment où la défaite était devenue inéluctable. Mieux, la concentration des pouvoirs décisionnaires entre les mains de Macky Sall et l’absence de structuration du parti rendent vaine toute évolution au sein de l’APR sans l’accord du chef d’État.

La guerre intestine au sein du Mouvement des femmes de l'Alliance pour la République (MF/APR) entre Marième Badiane, proche d’Amadou Ba, et Thérèse Faye, pro-Macky Sall, augure déjà de ce qui risque de se passer, si le candidat malheureux a des visées sur le fauteuil de président de l’APR. 

APR, un environnement conflictuel source de division

Pour Ibrahima Bakhoum, l’ADN de l’APR, qui est un grand mouvement derrière un seul homme, en l’occurrence Macky Sall, sera un terrain conflictuel, si Macky Sall venait à s’effacer. ‘’L’APR ne dispose d’aucun statut et structure lui permettant d’évoluer en dehors du bon vouloir de Macky Sall. Il n’existe aucune animation du sommet vers la base ou de manière horizontale avec comme but d’assurer une respiration démocratique du parti. Il n’y a jamais eu de congrès dans le parti qui est au service d’un seul homme, Macky Sall’’, affirme-t-il.

Néanmoins, selon l’ancien directeur de publication de ‘’Sud Quotidien’’, le maintien d'une figure tutélaire comme Macky Sall pourrait permettre au parti de ne pas connaître une érosion rapide de ses forces. Pour cela, soutient l’analyste politique, le prochain exil doré de Macky Sall au Maroc pourrait ne pas être trop préjudiciable au parti. ‘’Macky Sall nomme aux fonctions administratives et politiques au sein du parti. Il pourra aussi faire comme Abdoulaye Wade, en faisant de périodiques aller-retour entre son nouveau lieu de résidence et le Sénégal. Car jusqu’à preuve du contraire, Macky Sall, c'est l’APR”, renseigne-t-il. 

Même son de cloche du côté de Mamadou Sy Albert qui estime que le mieux pour Macky Sall est de rester président du parti et de nommer un coordonnateur national et un bureau chargé d’animer la vie du parti au Sénégal. Une manière de maintenir une dynamique de parti qui dispose toujours d’un bon ancrage territorial et d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, renseigne-t-il.  

Les possibles challengers

Mais, il n’est pas sûr que le Chef de l’Etat reste. Ces derniers mois, il a laissé paraitre une profonde et réelle lassitude. Ces différentes sorties pour dire qu’il en avait fini avec le pouvoir et était décidé à partir ont longtemps été considérées comme des écrans de fumée derrière une volonté cachée de rester au pouvoir. Au final, il semble qu’il soit réellement animé d’une détermination ferme de tourner cette page présidentielle. Est-ce seulement la fin d’un chapitre ? L’avenir le dira.

Il se pourrait aussi qu’il tourne définitivement le dos à la politique sénégalaise. Auquel cas, il faudra bien qu’une figure rassembleuse voire légitime reprenne les rênes du parti. Les candidats naturels ne sont pas beaucoup, mais, il y en a.

Le premier qui vient naturellement à l’esprit est Abdoulaye Daouda Diallo. Le président du Conseil économique, social et environnemental avait d’ailleurs la faveur de beaucoup de responsables pour être le candidat de BBY à la présidentielle du 24 mars. Il a l’avantage d’avoir une base électorale solide, est un militant de la première heure et a occupé de très grandes fonctions dans l’Etat.

Dans une moindre mesure, un Maitre Sidiki Kaba a la tête de l’emploi. C’est un cacique du régime sortant. Un fidèle parmi les fidèles du Président Macky Sall. C’est le maître incontesté de l’APR dans la partie orientale du pays.

Le maire de Saint Louis et beau-frère du président de la République, Mansour Faye, pourrait aussi reprendre les rênes du parti, s’il est intéressé et s’il a le soutien de ses camarades de parti.  

MAMADOU MAKHFOUSE NGOM

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