Publié le 16 Feb 2024 - 12:30
SITUATION POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE

Le barreau prévient contre ‘’toute atteinte à l'ordre constitutionnel’’

 

L’Ordre des avocats du Sénégal a publié, hier, un communiqué pour donner sa position sur la situation tendue du pays. Il attire l’attention sur le fait que les décisions qui sont prises, jusqu’ici, sont graves et porteuses d'incertitudes pour le Sénégal. Le barreau du Sénégal invite tout le monde à se ressaisir.

 

Aphone depuis le report de la Présidentielle par le président de la République, l’Ordre des avocats du Sénégal a décidé, hier, de rompre le silence. Les robes noires soulignent qu’elles suivent avec une attention particulière l'évolution préoccupante de la situation politique et institutionnelle qui prévaut dans notre pays suite aux décisions prises par les plus hautes institutions de la République, notamment la décision du Conseil constitutionnel sur la désignation des candidats à la Présidentielle de 2024, la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur d'éventuels faits de corruption de membres du Conseil constitutionnel, l'abrogation par le président de la République du décret portant convocation du corps électoral, la décision de l'Assemblée nationale de fixer la date des élections au 15 décembre 2024.

‘’En l'absence d'éléments factuels d'appréciation et d'analyse, le barreau relève que les faits imputés, au même titre que les décisions prises, sont graves et porteurs d'incertitudes pour le Sénégal. Cette situation, quels qu'en puissent être les motivations et les sièges de responsabilités, met en péril la stabilité du pays, la paix sociale et le respect des institutions garantes de notre démocratie et de la République. Soucieux de la préservation des valeurs de l'État de droit et rigoureusement attaché aux principes de légalité, le barreau du Sénégal proscrit toute atteinte à l'ordre constitutionnel qui viole les principes démocratiques et pourrait installer le pays dans un cycle de violence et d'insécurité majeures’’, peut-on lire dans le communiqué signé par le secrétaire général Me Ibrahima Ndiéguène.

Ceci dit, le barreau du Sénégal déclare condamner vigoureusement toute violence dans l'espace social. Il ‘’déplore les dégâts matériels ainsi que les pertes en vies humaines et présente ses condoléances aux familles endeuillées’’. Tout en appelant à la retenue et à l'apaisement des populations, notamment de la jeunesse sénégalaise dont il faut entendre et traiter l'appel, le barreau exige, selon la note, que les responsabilités soient situées afin que les auteurs d'abus ou de forfaits soient sanctionnés et les victimes dédommagées.

‘’Taire les divergences partisanes’’

En effet, selon l’ordre des avocats, la liberté de manifester garantie par la Constitution ainsi que l'exigence du maintien de l'ordre ne doivent absolument pas justifier ou légitimer la violence comme mode d'expression ou de répression des revendications dans un État de droit.

‘’Lors de la rentrée des cours et tribunaux le 25 janvier 2024, le barreau rappelait au président de la République, aux acteurs de la justice et ceux politiques l'exigence du respect du serment, de l'attitude républicaine et le courage d'assumer le poids du sacrifice individuel au service de la nation, pour qu'ils aient toujours à l'esprit que les hommes passent et que les institutions demeurent. Le constat intangible dans la situation que nous vivons actuellement est que le citoyen, le peuple, n'est qu'une variable d'ajustement pour les acteurs politiques qui rusent avec les principes du vivre en commun. Les intérêts du peuple sénégalais ne peuvent se mesurer à l'aune des objectifs et attentes politiques ou des défaillances dans l'application de la règle de droit’’, préviennent les avocats.

Ainsi, ils appellent au respect scrupuleux de la loi fondamentale et des droits qu'elle consacre au citoyen.

Alors que le dialogue appelé de ses vœux par le chef de l’État devrait se circonscrire aux seuls acteurs politiques, le barreau est d’avis qu'il ne suffira pas d'ouvrir des concertations entre seuls acteurs de la classe politique ni de trouver des solutions ponctuelles à des questions structurelles profondes. ‘’Il s'agira surtout, pour préserver les fondements de l'État de droit, de remettre le citoyen et la République au centre des préoccupations afin de trouver autour de l'intérêt supérieur de la nation les raisons de taire les divergences partisanes et de rendre compatibles les ambitions proclamées pour le peuple sénégalais’’, indique-t-on.

D’ailleurs, le barreau rappelle que le Sénégal a une longue tradition de légalité et que son peuple a toujours su se retrouver autour des valeurs et principes qui fondent, par-delà les différences et les adversités, son commun vouloir de vie commune. Ce qui fait dire aux avocats : ‘’Une nouvelle fois, le jeu et les enjeux politiques convoquent les organisations et les institutions républicaines de notre pays, mais aussi et surtout le peuple profond, silencieux et majoritaire à démontrer leur capacité à appréhender cette crise et à en sortir le peuple sénégalais, indemne et uni. Pour restaurer la confiance nécessaire du citoyen dans nos lois, redorer les blasons ternis de nos institutions et surtout préserver la paix et la stabilité du Sénégal.’’

CHEIKH THIAM

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