Publié le 27 Oct 2025 - 15:08
SOCIÉTÉ SÉNÉGALAISE

La cassure !

 

Moutons, cochons, kulunas, voleurs, criminels, c’est le champ lexical en vogue dans l’espace politique depuis maintenant plusieurs mois, voire des années. En lieu et place du débat d’idées, on rivalise de discours injurieux. Les voix qui appellent à la désescalade, à l’amour et au pardon, sont marginalisées.

 

La guéguerre dure depuis plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années. Depuis 2021, la société sénégalaise est profondément divisée. Avec fondamentalement deux camps qui se regardent en chiens de faïences. D’une part les pro-Sonko|anti-Macky, d’autre part les pro-Macky|anti-Sonko. Pas même de place, selon les uns et les autres, pour une troisième voie : celle de Sénégalais sans coloration politique, ou qui ne sont ni pour l’un ni pour l’autre.

Le président de la République l’aura appris à ses dépens. Pour avoir décidé d’être un Président “au-dessus de la mêlée” en démissionnant des instances de son parti conformément aux engagements initiaux du Pastef, il est devenu la cible d’attaques nourries depuis maintenant plusieurs mois.

Après une brève accalmie, ces attaques ont repris, notamment à la suite d’une rencontre non médiatisée tenue en fin de semaine dernière au petit palais, entre le Premier ministre et l’écrasante majorité des députés de la majorité, suivie le lendemain d’une déclaration du leader Ousmane Sonko. Cette fois, il n’a pas fait de déclarations fracassantes comme certains l’attendaient, mais il a donné rendez-vous à ses militants, le 08 novembre, pour un “tera meeting”.

Arrivé au pouvoir dans un contexte où le pays était miné par les mêmes divergences, le président Bassirou Diomaye Faye avait beaucoup misé sur la réconciliation nationale, plusieurs fois revenue dans ses premiers discours. “Je suis déterminé à préserver notre vivre-ensemble hérité de nos ancêtres, parce que nous n'avons qu'une seule patrie : le Sénégal, notre abri commun, que nous aimons tous, qui ne commence pas par nous et ne finit pas avec nous. Dans cet esprit, mon rôle est de tendre la main à tous pour rassembler, rassurer, apaiser et réconcilier, afin de conforter la paix, la sécurité et la stabilité indispensables au développement économique et social de notre pays”, disait-il avec beaucoup de détermination. 

Dr Abdourahmane Diouf : pas de peuple de 54% et de peuple de 46%, le PR est le Pdt de tous les Sénégalais

Au fil des mois, le fossé n’a eu de cesse de se creuser entre défenseurs du Pastef et d'autres composantes de la société. Le chef de l’État, lui, a voulu rester fidèle à son serment, à son engagement. Et le ministre de l’Environnement et de la Transition écologique a rappelé hier les axes de cet engagement. Notamment en ce qui concerne le fonctionnement de la Justice.

Analysant le périple diplomatique du Président Faye, il en tire comme leçon principale  : le pardon, le dépassement. “….Ce message doit être notre boussole. Comme l’a toujours dit le Président. Il n’est pas le Président d’un parti ; il est le Président d’un pays. Les questions de justice sont très importantes, mais nous devons apprendre à pardonner. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de justice. La Justice se fera sans concession. Mais nous devons éviter de promouvoir une justice à double vitesse, qui sera appliquée de manière sélective”, met-il en garde, non sans préciser : “En ce qui me concerne, j’ai toujours estimé qu’il n’y a pas de peuple de 54% et un peuple de 46%.”

Le ministre a, dans le même sillage, regretté les fractures profondes au sein de la société sénégalaise. Le Sénégal, selon lui, a atteint un niveau de fracture qu’il urge de stopper pour réconcilier les populations. “La fracture est telle, dans chaque localité, même dans les maisons, les gens nourrissent la haine. Comme je le dis souvent : les gens macèrent les rancunes et les rancœurs. Il est temps qu'on travaille à faire décoller ce pays, le faire sortir de l'espace des pays les moins avancés. Qu'on se pardonne. Maintenant au niveau individuel, chacun peut décider de pardonner ou de ne pas pardonner. C’est une question individuelle. Mais la responsabilité du Président, je l'appelle à prendre ses responsabilités et je sais qu'il est en train de les prendre, parce qu'il ne veut pas d’un pays divisé… Son rôle c’est d’être à équidistance des parties sur les questions judiciaires”, a plaidé Dr Abdourahmane Diouf.

Pour lui, le Sénégal ne peut se payer le luxe d’être dans un éternel recommencement, avec des cycles de vengeance entre les régimes qui se succèdent. “Jusqu'à quand? Jusqu'à quand? Jusqu'à quand?”, s’interroge-t-il avec dépit, avant d’enchaîner : “…Ça veut dire qu’on n’aura jamais le temps de bâtir une Nation. Nous devons faire preuve de dépassement. Encore une fois, il y aura justice, ça je peux vous l’assurer. Mais la justice, ce n'est pas la vengeance. Et on ne doit pas demander au président de la République d'appliquer une justice des vainqueurs. Comme il l'a dit lui-même, son rôle n'est pas de donner des ordres à la Justice, c’est de réconcilier tous les Sénégalais.”

Mais qui donc veut que le président de la République donne des ordres à la Justice ? Par le passé, le Premier ministre a, en tout cas, dénoncé avec virulence une absence d’autorité et regretter le laxisme de la justice sur certaines questions. D’ailleurs, beaucoup lui ont imputé le limogeage de l’ex ministre Ousmane Diagne pour mettre à la place une militante, en l’occurrence Yacine Fall.

La justice : le point de discorde

Rendant compte de la réunion “secrète” avec les députés du parti, le maire de Guédiawaye et allié de Pastef a déclaré : “Ousmane Sonko pensait qu’avec l’arrivée de Yacine Fall, ils pourront avoir plus de maîtrise sur la justice. Mais hier (vendredi), il s’est passé quelque chose. Pape Malick Ndour a été poursuivi pour plusieurs chefs d’accusation : troubles à l’ordre public, appel à l’insurrection, atteinte au fonctionnement régulier de la République, ainsi qu’au moral des forces armées et des populations….”

Ameth Aidara n’a pas manqué de se poser des questions sur l’origine de la libération de l’ancien ministre qui visiblement ne plaît pas aux proches de Sonko. A l’en croire, c’est au moment où le PM mobilisait ses députés pour parler notamment de la nécessité de réorganiser le parti, de son refus de démissionner de son poste, que cette libération a eue lieu.

Pendant ce temps, le ministre Abdourahmane Diouf appelle la majorité à mieux se concentrer sur l’essentiel : notamment la valorisation et la vulgarisation du travail du président de la République.  Diouf ne mâche pas ses mots : “Mon avis est que le travail remarquable que le président de la République est en train de faire n’est pas suffisamment valorisé. La faute à qui ? Je ne sais pas. La cellule de communication fait certes un excellent travail, mais je pense qu’on doit davantage valoriser le président de la République qui n'est pas le Président d’un parti, mais de tout le Sénégal.”

Le ministre de l’Environnement a appelé par ailleurs à s’inspirer de l’exemple rwandais qui, malgré les épreuves du génocide, a su faire preuve de pardon pour construire un pays cité aujourd’hui en exemple dans le monde. 

GESTION DE L'ÉTAT, PARTI PASTEF…

Sonko annonce un téra meeting

Le Premier ministre a fait une déclaration ce samedi, après une longue absence médiatique. Le leader du parti Pastef a annoncé la tenue d’un meeting pour parler notamment de la gestion de l’Etat et des perspectives de son parti.

Après une absence notable ces derniers temps, Ousmane Sonko a fait une sortie ce samedi. Le leader de Pastef-Les Patriotes a annoncé une mobilisation pour le samedi 8 novembre 2025. Il s’agit, dit-il, d’un ´´Téra meeting’´. "Ce rendez-vous sera unique dans l'histoire du Sénégal, tant par son organisation que par l'ampleur de la mobilisation et la richesse de son contenu", a lancé Sonko dans une déclaration en ligne, invitant ses militants et sympathisants à y participer nombreux.

Ce meeting est prévu  au parking du Stade Léopold Sédar Senghor. Lieu idéal à ses yeux pour contenir la foule Pastefienne. Mais avant ce "Téra meeting", Sonko précise qu’il y aura un avant 8 novembre 2025, puis un après 8 novembre 2025.

Le Premier ministre abordera des sujets liés à la gestion de l’Etat.  "Beaucoup de choses se sont passées depuis notre arrivée au pouvoir. Je parlerai de beaucoup de choses sur l'État. Je parlerai de ce qui marche, des entraves, et de ce qu’on doit faire ", a-t-il dit. En outre, il y a des sujets purement politiques. Il s'agira notamment de parler de la situation de Pastef.

Cette formation politique reste, d’après lui, "le parti du peuple ". Sonko promet de parler sans filtre, et soutient qu'à son terme, les positions seront clarifiées et les perspectives claires.

BABACAR SY SEYE

MOR AMAR

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