Publié le 9 Feb 2017 - 14:21
SPÉCULATION FONCIÈRE AU SÉNÉGAL

Plus de 270 000 ha entre les mains d’investisseurs étrangers

 

Le rapport 2016 de Land Matrix Africa dénombre 270 908 hectares de terres détenus par des investisseurs étrangers au Sénégal. Une acquisition à grande échelle dont les principales zones cibles sont les régions de Louga et de Tambacounda.

 

L’ONG Action Aid avait dénombré entre 2000 et 2012 ‘’plus de 638 000 ha de terres’’ qui sont sorties des mains des exploitants originels pour aller à des investisseurs étrangers ou nationaux. Comme si ces pratiques n’étaient plus d’actualité, le rapport 2016 de Land Matrix révèle que depuis 2014, les acquisitions foncières ont repris. En effet, Land Matrix, dans son rapport, informe que 18 transactions foncières ont été signées en 2016 pour une superficie totale de 270 908 ha. Ceci, indique l’ONG, représente près de 3% des terres arables. Des surfaces détenues majoritairement par des investisseurs étrangers. Land Matrix a partagé hier  les résultats de son travail avec la presse, au siège de l’Institut panafricain de recherche, de formation et d’action pour la citoyenneté, la consommation et le développement en Afrique (Cicodev). Selon le point focal de Land Matrix en Afrique, Angela Harding, la majorité des transactions concernent des baux qui couvrent des périodes de 10 à 99 ans.

Aussi, des explications de Mme Harding, il ressort que la zone la plus ciblée par les investisseurs étrangers reste la région de Louga. En effet,  c’est dans le Ndiambour qu’on retrouve la plus grande appropriation foncière, qui s’étend sur un périmètre de 55 000 ha. Elle est détenue par Nuove Iniziative Industriali Srl, une entreprise italienne. A Linguère, Matrix Land a noté la présence de l’entreprise saoudienne Asiyla Gum Company  a qui on a octroyé un périmètre de 20 000 ha.

La France fortement représentée

Parmi les 18 investisseurs bénéficiaires de cette spéculation foncière, 12 proviennent des pays européens, notamment la Roumanie, l’Italie, la France, les Pays-Bas, asiatiques (Inde) ou régionaux (Nigeria, Cameroun). Mais le rapport note que ce sont les entrepreneurs français qui sont les plus impliqués dans les offres. En termes plus clairs, ils sont dans 9 transactions sur les 18. Pire, le document renseigne que ‘’les investisseurs étrangers n’ont pas de partenariat avec des investisseurs nationaux’’ et que ces derniers ne détiennent que ‘’deux petites transactions représentant seulement 10,5% du total’’.

En outre, ces bailleurs s’activent dans les cultures vivrières, la production d’agro-carburants notamment le jatropha ou les projets agro-énergétiques. Selon le rapport, les cultures vivrières représentent 28% des projets en cours alors que les agro-carburants couvrent 44% des réserves. Toutefois, le président de Cicodev, Amadou Kanouté, se réjouit des actions menées par la société civile et les communautés à la base pour faire face à ces acquisitions de terres à grande échelle.

M. Kanouté se rappelle les résultats que ces dernières ont obtenu à Diokoul (Région de Louga, département de Kébémer) en permettant ‘’aux paysans de retrouver 350 ha sur les 400 qu’un ancien président de la République avait octroyé à un investisseur’’. Qui ne se rappelle pas aussi, dit-il, de la levée de boucliers des citoyens pour dire non à la construction de l’ambassade de la Turquie sur la corniche ouest. Ainsi, ils encouragent la société civile et les communautés à continuer ce rôle d’alerte et de veille pour contrecarrer la boulimie foncière. 

ALIOU NGAMBY NDIAYE

Section: