Le Forum civil secoue les trois pouvoirs
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En présentant le rapport de l’Indice de perception de la corruption hier, le Forum civil demande la publication de certains dossiers, l’auto-saisine du procureur sur les 94 milliards et une commission d’enquête parlementaire pour tous les grands chantiers.
C’est le statu quo sur le score réalisé par le Sénégal, dans l’Indice de perception de la corruption (Ipc) pour l’année 2018. Le pays n’arrive pas à se détacher des 45/100 qu’il avait déjà faits, les deux années précédentes. Pis, il recule d’une place dans le nouveau classement mondial, 67e sur 180 pays. Mais, comme le souligne le présentateur du rapport, Birahime Seck, le ‘‘score est plus important que le classement’’. Ce qui signifie que le Sénégal est dans la zone rouge de l’Ipc, puisqu’avec un score inférieur à 50, il se dépêtre dans le ventre mou d’un classement dominé en Afrique (compte non tenu du Maghreb) par les Seychelles (66/100).
Piètre lot de consolation, le Sénégal est le premier pays de la zone Uemoa et le deuxième de l’espace Cedeao dont les Etats membres sont tous, à l’exception notable du Cap-Vert, dans la zone rouge. Pour le coordonnateur général du Forum civil, ce surplace sénégalais n’est rien d’autre que la résultante de l’‘‘affaiblissement de la volonté politique de lutter contre la corruption’’.
Dans le sillage de dénonciations de dossiers escamotés, M. Seck énumère ‘‘la non-transmission de dossiers relevés par les organes de contrôle à la justice que le président dit mettre son coude ; les réformes juridiques opérées qui ne vont pas dans le sens du renforcement de l’indépendance des juges ; les prolongations injustifiées de mandats ou d’activités au niveau des instances de régulation ; l’arrêt inexplicable et inexpliqué de la politique de traque des biens mal acquis, forte demande sociale de redevabilité’’.
Birahime Seck désigne également la non-publication des rapports d’audit de l’Inspection générale d’Etat (Ide) et de la Cour des comptes. La timidité des agences de bonne gouvernance comme l’Ofnac et l’Armp, la quasi absence du ministère en charge de la bonne gouvernance du champ de la lutte contre la corruption sont les autres manifestations.
%%PAffaire 94 milliards & autres : commissions d’enquête pour tous
Alors que l’affaire des 94 milliards opposant le député Ousmane Sonko à Mamour Diallo connait un regain d’intérêt avec l’audition de Sonko fixée par la majorité parlementaire avant le 10 février, le Forum civil ‘‘invite encore le procureur de la République à s’autosaisir et (à) ouvrir une information judiciaire’’. C’est, d’ailleurs, à cette seule condition que le député Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle, dit vouloir répondre à la justice. Pour Birahime Seck et compagnie, le principe de cette audition est louable, si la représentation nationale l’élargit aux autres grands dossiers qui ont jalonné la gouvernance de ces dernières années.
La léthargie de l’Assemblée nationale sur les affaires Bictogo, Petrotim ltd, Prodac ou la gestion du Fonds de promotion féminine sont, de ce fait, inexplicables pour la section sénégalaise de Transparency International. Aussi, demande-il une commission d’enquête pour l’autoroute Thiès - Touba, l’autoroute Dakar - Diamniadio, le Pôle industriel de Diamniadio, la réfection du Building administratif, l’autoroute Mbour - Kaolack, l’avance de démarrage de la route Fatick - Kaolack, la cité de l’Émergence, le Centre international de Diamniadio, l’Unidak2 de Diamniadio, l’attribution du port de Bargny et les concessions de Necotrans.
Birahime Seck et le Forum civil exigent également la lumière sur les 380 milliards de francs Cfa consentis et investis dans l’acquisition d’équipements, de matériels agricoles, de semences et de fertilisants, ainsi que la publication de la liste des ‘‘grands producteurs’’ bénéficiaires des différents mécanismes de subvention sur les intrants (engrais, semences matériels agricoles) normalement destinés à améliorer de façon significative la production agricole du pays.
La Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), qui a été décriée pour ses finalités politiciennes, est une chose dans l’architecture juridique, selon M. Seck, qui recommande ‘‘sa réforme et son maintien en la rendant conforme aux standards internationaux’’.
Birahime Seck : ‘‘On ne peut pas accepter le financement de ces bailleurs et rejeter leurs notes’’
Les pouvoirs publics ont toujours minimisé ce rapport à leur désavantage. Le Forum civil ne s’attend pas à moins pour celui de cette année. Birahime Seck est déjà paré aux critiques et demande, d’avance, aux autorités des différents pouvoirs de rester conséquentes avec elles-mêmes. ‘‘Le Sénégal n’est pas le seul pays à être évalué par l’Ipc. Ce sont 180 pays qui ont été évalués et notés par les institutions financières qui financent le développement du Sénégal. On ne peut pas accepter le financement de ces bailleurs et rejeter les notes qu’elles vous confèrent. Ce sont des données scientifiques croisées par ces structures de financement’’, dit-il.
Pour sortir de la zone rouge, le Forum civil a proposé la mise en place d’un cadre de concertation pour définir un plan de progression efficace (Ppe) de trois ans pour porter le score du Sénégal au niveau de ses devanciers que sont le Rwanda, la Namibie ou l’île Maurice. La complétion du dispositif juridique de prévention et de lutte contre la corruption ; le changement de comportement des acteurs de la gouvernance pour plus d’intégrité et les sanctions constituent les trois axes de ce plan.
Le leader du Forum civil considère que l’Etat et ses démembrements ont tout intérêt à l’observance de ces recommandations pour le prestige du pays sur la scène internationale. ‘‘Qu’ils restent calmes et qu’ils essaient de se conformer au plan que nous avons proposé. Au Forum civil et à Transparency International, nous n’avons pas toujours intérêt à venir dire que le Sénégal est dans la zone rouge. On aurait voulu, dans les rencontres internationales, lever la tête et dire que le Sénégal est en dehors de cette zone. C’est ce qui nous aurait rendus fiers. Que les politiques ou les agents de l’Etat soient lucides et viennent discuter avec nous sur le plan que nous avons proposé. Si on le suit à travers ces trois axes, nous allons sortir de cette zone’’, a-t-il conclu.