Publié le 12 Mar 2013 - 14:34
TARIQ RAMADAN ET LA CRISE MALIENNE

''Le sang des Maliens a la valeur de l'uranium, du pétrole et du gaz''

 

Au lancement hier à Dakar du Colloque international des musulmans de l'espace francophone (CIMEF), Tariq Ramadan a engagé sa responsabilité personnelle en affirmant que les Occidentaux, à l'aune de la crise malienne, pensent que le sang des Africains vaut moins que celui des Européens ou Américains.

 

 

Les pays musulmans de l'espace francophone vont se retrouver à Dakar du 23 au 26 août prochain, à l'occasion du Colloque international des musulmans de l'espace francophone (CIMEF). En marge du lancement de cet événement, le comité d'organisation local a tenu hier une conférence de presse. Une occasion pour Tariq Ramadan, l'un des membres du comité scientifique permanent, de se prononcer sur la crise malienne, en attendant la tenue du CIMEF dont le thème retenu est : ''Éthique, gouvernance et paix : quelles contributions de la pensée islamique ?''.

 

 

A propos de l'intervention militaire française, Tariq Ramadan s'en méfie. ''Je suis très critique quant à l'intervention française. Le sang des Maliens a la valeur de l'uranium, du pétrole et du gaz qu'il y a sous la terre'', a-t-il dit. ''Ces pays pensent que le sang d'un militaire américain ou européen vaut plus que le sang des Africains'', a-t-il ajouté. Une position qu'il juge ''personnelle'' et qui n'engage en rien le Cimef. D'ailleurs, Ramadan a tenu à préciser que lui, comme le Cimef n'ont rien contre la France. Ils sont plutôt contre «des esprits et des attitudes.»

 

 

D'autre part, il a dit avec force que ''ce que font ces groupes (dits islamistes) n'a rien d'islamique. Le viol, dira-t-il, ne va pas avec notre religion''. Des amalgames sont entretenus. ''Avec ce qui se passe au Mali, les mots islamistes et djihadistes sont utilisés dans toutes les sauces'', d'où la nécessité, selon M. Ramadan, de faire ''un vrai travail de terminologie''.

 

 

Tariq Ramadan a également plaidé pour un islam du juste-milieu. ''On ne peut pas changer le Coran, mais on peut changer la façon de le lire. Il faut accepter la diversité jusque dans les limites définies par l'islam''. Selon lui, le Sénégal en est le meilleur exemple car la diversité, religieuse en particulier, y est acceptée. Cependant, des prémices de ce qui se passe au nord Mali était perceptible dans ce pays depuis longtemps.

 

''Ce problème n'a pas commencé il y a deux mois. Ces groupes y sont présents depuis longtemps. Qui les a envoyés ? Pourquoi rien n'était fait ? On ne sait pas'', a lâché, impuissant, l'invité du comité sénégalais du Cimef.

 

 

Par ailleurs, les membres du Colloque international des musulmans de l'espace francophone, pour chasser tout amalgame, ont indiqué ne pas célébrer la France à travers cet événement. ''C'est la langue qui nous intéresse, pas la culture'', a ainsi déclaré imam Ahmadou Makhtar Kanté, coordonnateur du Cimef Sénégal.

 

«Les pays musulmans sont les plus corrompus»

 

 

Faisant une sorte de procès de la mal gouvernance dans l'espace musulman, Tariq Ramadan a dit ceci : "on est au premier rang partout quand on parle de corruption. On n'est pas dans les 20 premiers (pays) de la transparence, mais on est dans les 20 premiers de la corruption. En l'occurrence, on peut bien dire au monde qu'on a une religion extraordinaire, mais dans la pratique on en est loin''.

 

Une façon pour lui de fustiger le manque d'éthique des pays musulmans dans leurs pratiques. Trop facile, à son goût, de tout imputer à l'autre, notamment aux Occidentaux qui seraient à la base de pratiques peu orthodoxes ayant cours en Afrique même. «On ne pourra pas ni devant Dieu, ni devant nos consciences dire que l'Occident est responsable de la corruption qui sévit en Afrique et du manque de transparence.»

 

 

BIGUÉ BOB

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