De violents heurts opposant policiers et manifestants font une cinquantaine de morts
Ces affrontements se déroulent après la prolongation pour deux ans de la « transition » dirigée par le président, Mahamat Idriss Déby. Le premier ministre, Saleh Kebzaboh, a annoncé jeudi soir l’instauration d’un couvre-feu.
Au Tchad, de violents heurts entre policiers et manifestants ont fait, jeudi 20 octobre, « une cinquantaine de morts » et « plus de trois cents blessés » à travers le pays, « surtout à N’Djamena, Moundou et Koumra », a déclaré le premier ministre, Saleh Kebzaboh. Ce dernier a annoncé la « suspension de toute activité » d’importants groupes d’opposition et un couvre-feu de « 18 heures à 6 heures », qui durera jusqu’au « rétablissement total de l’ordre ». M. Kebzaboh a en outre prévenu que le gouvernement « fera régner l’ordre sur l’ensemble du territoire et ne tolérera plus aucune dérive d’où qu’elles viennent ».
Les Nations unies ont déploré les violences lors des manifestations et demandé une enquête. « Les autorités de transition doivent garantir la sécurité et la protection des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique », a souligné sur Twitter le Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a de son côté « fermement » condamné « la répression des manifestations et l’usage excessif de la force » dans un communiqué.
Ces affrontements se déroulent après la prolongation pour deux ans de la « transition » au Tchad, qui devait s’achever jeudi. Mais fin septembre, Mahamat Idriss Déby a finalement été maintenu président jusqu’à des élections libres et démocratiques censées se tenir à l’issue d’une deuxième période de transition et auxquelles M. Déby pourra se présenter. Les manifestations avaient été interdites par les autorités.
« Les manifestants ont attaqué des édifices publics, le gouvernorat, le siège du parti du premier ministre, celui du président de l’Assemblée nationale », a déclaré à l’AFP à la mi-journée le porte-parole du gouvernement tchadien, Aziz Mahamat Saleh.
Tirs de gaz lacrymogène et barricades dressées
Le ministère des affaires étrangères français a condamné ces violences dans un communiqué, dénonçant notamment « l’utilisation d’armes létales contre les manifestants ». Le Quai D’Orsay a par ailleurs précisé que la France « ne joue aucun rôle dans ces événements, qui relèvent strictement de la politique intérieure du Tchad. Les fausses informations sur une prétendue implication de la France n’ont aucun fondement ».
A N’Djamena, des tirs de gaz lacrymogène se sont fait régulièrement entendre jeudi matin, tandis que des barricades ont été dressées dans plusieurs quartiers de la ville et que des pneus ont été brûlés sur les principaux axes routiers afin d’obstruer la circulation.
« Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple », a tweeté l’opposant Succès Masra, du parti Les Transformateurs, qui avait lancé mercredi un appel à manifester pacifiquement.
La Croix-Rouge du Tchad a annoncé avoir déployé « une dizaine d’équipes » dans les arrondissements sous tension de la capitale. « Nous prodiguons les premiers soins et nous acheminons des dizaines de blessés en véhicule jusqu’aux hôpitaux », a déclaré à l’AFP son président, Khalla Ahmat Senoussi.
Le 20 avril 2021, à l’annonce de la mort du maréchal et chef de l’Etat Idriss Déby Itno, tué par des rebelles sur le front, l’armée avait proclamé son fils, Mahamat Déby, général alors âgé de 37 ans, président de la République à la tête d’une junte de quinze généraux pour une période de transition de dix-huit mois devant mener à des élections.
Le Monde avec AFP